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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
L'auteur, qui nous a régalés avec sa trilogie du Problème à trois corps, a aussi écrit bon nombre de nouvelles publiées dans une intégrale dont c'est le deuxième tome. Les dix-sept textes des Migrants du temps ont été écrits de 2002 à 2018 (la trilogie datant de 2006 à 2010).
Les nouvelles sont pour la plupart assez longues et souvent découpées en chapitres, le total nous offrant plus de 650 pages.
Les histoires sont totalement improbables malgré une volonté d'anticipation et de spéculation sur l'avenir technologique et politique, ce qui nous offre de nombreuses descriptions de devenirs humains… ou extra-terrestres. Quand ce ne sont pas les ingérences de ces derniers dans les affaires terriennes, l'auteur nous propose des changements radicaux d'orientation du destin de l'humanité. le thème du héros responsable de la bascule de l'avenir vers le bon ou le mauvais est, lui aussi, plutôt récurrent.
Les postulats et développements technologiques et physiques sont passionnants et, pour certaines nouvelles, il est préférable d'avoir une certaine appétence pour la hard science-fiction afin d'en profiter pleinement. L'auteur joue avec des inventions dépassant l'entendement de nos connaissances actuelles. C'est un peu sa marque de fabrique et on s'en délecte. Par exemple, comment fonctionnerait un impressionnant tunnel passant par le centre de la Terre pour relier deux points en moins d'une heure ?
Et, pour ceux qui ont lu Boule de foudre (roman de l'auteur) : les bulles de savon sont leur antithèse pacifiste.
Certains aspects narratifs ou politiques sont assez simplifiés - pour ne pas dire simplistes, voire naïfs ou tournés en ridicule – comme la vision du rôle des Nations Unies dont les représentants ne semblent pas très sérieux, allant parfois jusqu'à consulter Clayderman (oui, notre pianiste) pour sa connaissance musicale. L'auteur est d'ailleurs assez facétieux pour se mettre en scène lui-même ou faire intervenir un Bai Bing qui parle du Big Bang.
La traduction de Gwennaël Gaffric est toujours aussi agréable et fluide.
Liu Cixin nous offre des pépites sur les thèmes de la civilisation, l'écologie, les évolutions de l'humanité au fil des époques. Beaucoup de genres y passent, plus ou moins liés à la SF : polar, poétique, uchronie, cyberpunk, utopie, SF planétaire.
On n'est certes pas toujours transporté, le format de la novella laissant parfois le lecteur perplexe durant la majeure partie de l'histoire, dans l'expectative du dénouement ou de la survenue d'événements relevant de la science-fiction. Les formats courts semblent plus efficaces et percutants pour les mêmes résultats en termes de réflexions et émerveillement.
A titre d'exemple, Les Migrants du temps n'est à mon avis pas la meilleure nouvelle du recueil, même si elle est très bonne. Elle rappelle par certains aspects le Voyageur imprudent de Barjavel. On y vit tous les stades de l'évolution humaine au travers de grands bonds temporels. On croit sauver la planète à une époque, mais quelles seront les conséquences de nos décisions, nos découvertes révolutionnaires ? Y a-t-il un moyen de se sauver de la catastrophe écologique que vit la Terre ?
Inutile de chercher quelle histoire est la meilleure tant la variété est grande et adaptée à tous les goûts. Mention spéciale de l'originalité au Cercle, sorte de précis « l'ordinateur pour les nuls », ou comment les chinois ont inventé l'ordinateur avant notre ère, au moyen des portes logiques (ET, OU…) opérées par des soldats, constituant un processeur humain basé sur une armée de 3 millions d'hommes !
Une très agréable lecture d'un auteur à l'imagination fertile.

Chronique rédigée pour le magazine Présence d'Esprits N°113
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« Le miroir prit la parole :
― Voici ma harpe. Je suis un pinceur d'étoiles, et je vais à présent jouer du soleil ! »

J'ai découvert Liu Cixin avec le premier volume de cette intégrale de nouvelles, L'équateur d'Einstein. Ce deuxième volume confirme tout le bien que je pensais des oeuvres de l'auteur. Inutile donc de répéter tout ce que j'ai écrit à ce moment là, c'est toujours aussi éblouissant et démesuré.

De grands traits se dessinent dans ce recueil de dix-sept nouvelles, mais difficile de parler d'évolution ou de progression quand aucune date n'est mentionnée, quand on a aucune idée de la façon dont le recueil a été composé ; c'est bien le seul défaut du livre.
D'une part on remarque une grande sensibilité aux problèmes contemporains tels que l'écologie ou les multiples conflits internationaux. Et d'autre part, l'art, la musique sont abondamment présents et vivants. On retrouve bien sûr des thèmes chers à l'auteur, la supériorité du collectif à l'individuel, la glorification des sciences et techniques, etc. Comme dans le premier volume, Liu Cixin joue avec l'univers. Il s'en sert comme le peintre se sert d'une toile ou d'un carton, c'est un support aux formidables secousses que sont ses histoires.

En route pour Les migrants du temps !

Je dois dire que la première nouvelle, Les hommes et le Dévoreur, ne m'a ni passionné, ni convaincu (c'est bien la seule du recueil). Cette histoire d'immense vaisseau spatial extraterrestre ceignant notre planète et dévorant ses ressources est bien écrite, l'histoire est bien montée mais il n'y a que du gigantisme, et c'est assez lourd à avaler, même si la fin est inattendue. Mais, cette nouvelle sert de matière première à la magnifique suivante : le Nuage de poèmes en est une sorte d'image inversée.
La Terre est évidée, Yiyi, Li Bai et Grands-Crocs voguent sous la surface terrestre. Yiyi, poète et humain d'élevage, est offert par un émissaire du Dévoreur à une divinité sphérique, alors qu'il aurait dû finir à la poubelle. On retrouve le talent de Liu Cixin dans cette nouvelle déroutante, il compose un dialogue vertigineux sur la nature de la poésie entre ces trois êtres aux formes et intelligences différentes. Borges et sa bibliothèque ne sont pas loin, comme bien sûr la poésie chinoise classique, ainsi qu'un peu de physique quantique. J'ai écrit déroutant plus haut, c'est tellement plus que ça...

Dans un pays ravagé par la guerre, Shini, une gamine affamée, passe son temps à s'entraîner au marathon. Elle est sélectionnée avec d'autres sportifs tout aussi décharnés qu'elle pour représenter la Ouestasie aux Jeux Olympiques, à Pékin. Il n'y a qu'un autre pays présent à ces Jeux, les États-Unis d'Amérique. En fait d'épreuves sportives, les athlètes devront se substituer à la guerre sur le point d'éclater entre leurs deux pays. Il est aisé de retrouver dans ces pages une image exacerbée du conflit larvé opposant l'Iran et les USA depuis des décennies. Ce qui est nouveau, c'est le rôle prépondérant de la Chine dans la résolution de conflits internationaux.
Liu Cixin fait preuve dans La Gloire et le rêve d'une rare sensibilité, notamment lors de la course de Shini qui sont parmi les plus belles pages de littérature sportive que j'ai lu.

Ce n'est que la troisième nouvelle et le niveau est déjà si élevé que je me demande si ce qui va suivre pourra être aussi bon.
La reponse est un oui enthousiaste.
Dans un observatoire niché en haut des montagnes, un neurologue vient de sauver un homme, une étudiante chercheuse observe la scintillation du soleil. Dix ans plus tard, Les penseurs se rencontrent à nouveau. Liu Cixin, au travers de ces deux intelligences, développe une histoire subtilement rythmée qui oscille entre rêve et lyrisme, une histoire d'amour peu commune où le hasard et l'astrophysique vont de pair ; il nous entraîne aux confins des neurosciences et des rayonnements stellaires.
Certainement le plus beau texte du livre.

On peut être moquer dans son pays par des snobs de mon espèce et être une star en Chine. C'est ainsi que Richard Clayderman se retrouve à jouer à la cérémonie de fermeture définitive de l'ONU.
Devant l'assemblée générale un invité surprise arrive par le ciel : un miroir gigantesque qui se présente comme musicien. La musique n'a jamais autant adouci les moeurs que dans L'Hymne à la joie. En dire plus reviendrait à en dire trop.

« ― Je m'en veux de te déranger le jour le plus sombre de ta vie. Encore aujourd'hui, après tant d'années, je m'en souviens comme si c'était hier.
La voix était étrange, elle était claire, mais paraissait en même temps lointaine et éthérée. Une image lui vint à l'esprit : des vents froids soufflant sur les cordes d'une harpe abandonnée en plein désert. »

Suite à une pétition l'éclairage de la ville est éteint pour profiter de la lumière lunaire.
Pendant cette Nuit de lune, un homme reçoit un coup de téléphone. Lui-même dans une centaine d'années. Cette nouvelle est un huis-clos parfait empreint, encore une fois, d'une grande poésie, presque un songe.
« Un simple mortel qui agit comme il faut cent ans en avance est l'égal d'un Dieu intervenant dans le présent. »
L'homme de 2123 ne vit pas au paradis mais bel et bien sur terre, à Shanghai. Et on peut dire que les humains, même s'ils vivent deux siècles, n'ont rien fait pour sauver ce qui pouvaient l'être. Pollution, montée des eaux, profusion de déchets, etc. Voilà l'enfer du monde dans un siècle.
Liu Cixin n'est pas un désespéré, il a une foi incommensurable en la science, bien qu'ici la nuance soit de mise. Pourquoi ne pas sauver l'humanité, quand bien même la solution viendrait du futur.
Encore que...

Quoi de plus pratique qu'un petit virus informatique pour se venger d'un fiasco amoureux ? Oh juste un tout petit virus de rien, si inoffensif que les anti-virus le laissent tranquille. C'est ainsi que naît Malédiction 1.0 en 2009, et qu'il continue à survivre paisiblement pendant 10 ans, jusqu'à sa redécouverte par un archéologe du net. Voici donc Malédiction 2.0 qui connaîtra une troisième puis une quatrième version meurtrière quelques années plus tard.
Pendant la même période Liu Cixin et Pan Dajiao écrivent conjointement leurs grands oeuvres respectives, sans plus de résultat qu'un nombre de ventes s'élevant à quarante-deux (oui, comme le sens de la vie, il n'y a pas de hasard) exemplaires en tout, avec pour conséquence la rue pour tous les deux.
Ces deux courtes histoires entrent évidemment en collision dans Pour l'amour de Taiyuan. C'est alors un inhabituel Liu Cixin bourré d'humour et d'autodérision qui apparaît.

En voici une dernière, il y en a d'autres à decouvrir, toutes aussi sidérantes, dans ces presque sept cents pages.
Une tentative d'assassinat du troisième siècle avant notre ère sert de point de départ à la dernière nouvelle du recueil, le Cercle. Jink Ke doit tuer le roi Qin Shi Huan, celui dont le mausolée renferme la célèbre armée de terre cuite qui va se révéler bien vivante et servir à décrypter les mystères du Ciel et du nombre Pi. Liu Cixin s'écarte très vite de ce qu'atteste les annales historiques pour encore une fois glorifier la science, les mathématiques et la géométrie puisqu'il bâtit un système informatique plus de deux mille ans avant son apparition ! le Cercle est finalement cruelle, et ne se départit pas d'un certain humour.

Aborder Liu Cixin, c'est comme arriver face aux oeuvres intégrales de Bach ou Mozart. C'est intimidant. Pourtant il ne faut pas hésiter un seul instant à plonger dans la distorsion du temps, à se laisser submerger par l'intelligence, envelopper par la poésie, emporter par les extraterrestres, et surtout par ses textes.
Ces nouvelles, celles dont j'ai parlé comme les autres, se dévorent lentement, il ne faut surtout pas les lire de manière trop rapprochée. Les réflexions et les rêveries suscitées surgissent et durent parfois longtemps après la lecture. Il serait dommage de gâcher un tel plaisir.
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