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sur 174 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
P. Djèlí Clark a l'audace d'affranchir le genre fantasy de ses horizons et cadres habituels, loin de son décor médiéval familier. Pourquoi ne pas choisir comme héroïne une jeune femme noire en Georgie sudiste en 1922 ? le Ku Klux Klan est en marche à Macon et dans cette foule humaine encapuchonnée se cachent de vrais monstres nommés Ku Kluxes menant bataille en leur nom. le film La Naissance d'une nation ( 1915, D.W.Griffith ) a attisé les haines, renforçant leur pouvoir et insufflant assez de haine pour convoquer l'assaut apocalyptique de la Grande Cyclope. Maryse et son bataillon de choc entièrement féminin sont prêts à mener le combat.

Le procédé consistant à rendre concret littéralement une situation historique épouvantable, à tordre et mêler la violence raciale à l'horreur surnaturelle n'est pas nouveau. Récemment il y a eu Lovecraft Country ( de Matt Ruff, également sur la thématique du Klan et de la ségrégation ), le film Get out ( de Jordan Peele, sur le racisme contemporain ) ou encore Notre part de nuit ( de Mariana Enriquez, sur la torture durant la dictature argentine de Videla ). Ce qui est très impressionnant avec ce roman, c'est comment il réussit en seulement 160 pages à créer un univers totalement abouti et crédible qui vous embarque totalement.

La maitrise de l'auteur est assez fascinante, convoquant un wagon de références tout azimut, sans que le cocktail ne soit indigeste ou artificiel. La synthèse est au contraire extrêmement brillante et développe une alchimie très originale. Les créatures infernales du Klan évoquent très nettement l'horrifique lovecraftien avec notamment l'entité monstrueuse de la Grande cyclope très cthulhuesque, tout en rappelant le body horror des films de Cronemberg ou Guillermo del Toro. La culture gullah-geechee ( culture très à part des Afro-Américains des plaines de Georgie ayant conservé un mysticisme, une gastronomie, une langue créole et une médecine aux forts traits africains ) infuse tout le récit, tout comme le folklore des anciens esclaves avec les ring shouts ( rituel religieux pratiqué en cercle, dans un mouvement et un rythme qui s'accélèrent jusqu'à l'épuisement ). Et puis, il y a cette incroyable épée de Maryse, qui, contrairement à la Stormbringer d'Elric le Nécromancien ( Michael Moorcock ) boit les âmes de ses adversaires pour lui redonner vigueur, utilise la force des esprits des anciens esclaves en colère, capable de surgir du néant au creux de sa paume impatiente.

La lecture est revigorante, survitaminée aux scènes d'action et aux sensations fortes tout en proposant une réflexion pertinente sur l'histoire des Etats-Unis et les failles de son présent. J'ai adoré suivre les badass gouailleuses chasseuses de monstres Maryse, Salie et Chef, bras armés de Nana Jean, experte en potion root magic, vieille âme entourée de haints ( esprits ) prenant la forme de trois tantines ( trois Parques ? ) et chef de la résistance au Klan. Cette adhésion est renforcée par un formidable travail sur l'écriture, P. Djèlí Clark recourant au créole gullah de façon très immersive. le travail de traduction de Mathilde Montier est remarquable pour rendre ce langage dialectal accessible tout en respectant son authenticité, ses couleurs et son rythme.

Excitant et brillant !
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Pour son troisième ouvrage traduit en français chez L'Atalante, nul doute que l'américain P. Djèlí Clark va faire parler de lui. Après les djinns, c'est à d'autres créatures bien plus malfaisantes que s'intéresse l'auteur dans Ring Shout, prix Nebula et Locus 2021. Grâce une traduction remarquable signée Mathilde Montier, remontons le temps pour prendre le mal à la racine en découvrant que le Ku Klux Klan est encore plus terrible qu'on ne le pensait !

Une histoire américaine
Nous sommes en 1922 dans la petite ville américaine de Macon en Géorgie. Sur un toit, une embuscade se prépare en marge d'un défilé du Ku Klux Klan. Maryse, Sadie et Chef ont décidé de tendre un piège au klanistes…en laissant un carcasse de chien bien en évidence dans la ruelle d'en face !
Alors qu'ils approchent du cadavre, les trois silhouettes révèlent leur vraie nature de Ku Kluxes, des monstres échappés de l'Enfer qui n'ont qu'un but : tuer les Noirs et consommer le reste.
Dans Ring Shout, P. Djèlí Clark a une idée géniale : prendre la monstruosité du Ku Klux Klan et son idéologie raciste au pied de la lettre. Pour cela, l'américain imagine que les klanistes ont ouvert la porte à des entités surnaturelles qui se nourrissent de la haine et qui les font muter au-delà de tout espoir de rédemption. Grâce au film de propagande raciste « Naissance d'une Nation », le Klan et ses démons gagnent du terrain.
Mais en face, la résistance s'organise autour de Nana Jean et des siens, regroupant les Noirs qui veulent rendre les coups et qui savent la vraie nature de la menace qui pèse sur leur pays et sur le monde.
C'est au cours de cette novella de 170 pages que P. Djèlí Clark va se servir de cette idée de départ pour analyser les racines du mal qui ronge l'Amérique raciste tout en observant la chose par le prisme des opprimés en prenant Maryse, une jeune Noire américaine dont la famille a été sauvagement tuée par le Klan alors qu'elle n'avait que dix-huit ans, comme narratrice.
Un choix qui n'a rien d'anodin et qui va, finalement, transcender le récit final.

Melting-pot de genres
Pourtant, avant de revenir sur l'idéologie exploitée par Ring Shout, arrêtons-nous d'abord sur son univers. P. Djèlí Clark offre au lecteur une fantasy inattendue qui reprend tous les codes du genre pour les transposer dans l'Amérique des années 20. de l'élue au terrible champion ennemi, de la bataille rangée finale à la débauche de pouvoirs magiques, de l'épée sacrée aux haints (version Gullah-geechee des esprits, fantômes et autres démons), tout y est même la langue inventée (ou presque) avec le gullah-geeche, dialecte issu d'une communauté afro-américaine particulière de Géorgie et de Caroline du Sud.
En moins de 200 pages, l'américain transporte le lecteur dans un univers complet au potentiel en suspens à l'issue de l'histoire. Mieux encore, P. Djèlí Clark se fiche bien des barrières et va allègrement brasser les genres.
Le lecteur attentif repérera ainsi des allusions à des univers parallèles (voire même un multivers), à du voyage temporel et, bien évidemment à de l'horreur en veux tu en voilà !
Car si cette fantasy foisonnante enchante, elle terrifie aussi par la ménagerie qu'elle apporte avec elle, du terrifiant Ku Klux aux Docteurs de la Nuit cousins de jeu de Pinhead en passant par les Tantines, sorcières inhumaines et intemporelles aux traits malaisants. P. Djèlí Clark injecte du body-horror dans sa fantasy, la saupoudre de science-fiction et tout ça dans un seul et unique but : capturer l'horreur du réel.

Menace universelle
Revenons maintenant sur le propos même de Ring Shout, à savoir la réflexion autour du racisme en Amérique et, plus précisément, les raisons de l'existence du Klan. L'américain, même s'il utilise le prisme du fantastique, n'oublie jamais de préciser l'origine humaine des klanistes qui servent de chair à possédés pour les démons de l'autre côté. Et si leur éradication et le caractère impitoyable de la vengeance qui s'abat sur eux ne font aucun doute quant à leur légitimité, P. Djèlí Clark s'interroge pourtant à travers les yeux de ses héroïnes. Des héroïnes magnifiques qui ont souffert : Maryse et sa famille massacrée, Cordelia “Chef” Lawrence ancienne Harlem Hellfighters qui souffre encore de la Grande Guerre ou encore Sadie et son grand-père assassiné.
En axant son récit sur des femmes, P. Djèlí Clark montrent leur courage et leur ténacité qui n'a rien à envier à leurs homologues masculins de l'époque.
Il permet aussi, et surtout, de se plonger dans les sentiments et les émotions de son héroïne, Maryse, la fameuse « élue » de la prophétie…mais de quel camp ? En imaginant que les démons se nourrissent de la Haine et que celle-ci fascine un tas d'êtres surnaturels, l'américain met également en garde : même si les raisons semblent justes, la Haine mène au précipice, et cela peu importe votre couleur de peau. Maryse doit donc combattre sur deux fronts pour aider les siens, ce qui rend Ring Shout d'autant plus nuancé et intéressant, montrant bien qu'une vengeance aveugle vous transforme en monstre à votre tour, même avec les meilleures intentions du monde.
Comme le dit si bien le Proverbe : « L'Enfer est pavé de bonnes intentions…»

Fantasy brillante et enragée, Ring Shout retrouve pourtant toute sa nuance quand il parle de la haine et de ce qu'elle fait aux hommes.
P. Djèlí Clark impressionne par sa maitrise absolue des genres et des parts d'ombres de l'Histoire américaine, transformant ce qui aurait pu être une banale fantasy horrifique de plus en un récit intense, émouvant et intelligent.
Lien : https://justaword.fr/ring-sh..
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Alors que les États-Unis se débattent toujours avec les relents de l'esclavage et de la guerre de Sécession, alors que les affaires mettant en scène victimes noires et policiers blancs fleurissent toujours dans les journaux, Phenderson Djèlí Clark revient sur la période terrible où le Klan (le Ku Klux Klan) faisait régner la terreur dans certaines parties du pays. Mais à la sauce Cthulhu, puisque les Klanistes se transforment en monstres pleins de haine et de violence. Face à eux, quelques combattants, et, surtout, quelques combattantes se dressent.

Bienvenue aux État-Unis. À Macon, Géorgie (un état du sud-est américain). En 1922. le Ku Klux Klan y a ses habitudes, il s'y sent à l'aise. Pas comme la population noire, qui fait le gros dos. Même si elle n'est plus esclave, elle sait que les vieilles habitudes perdurent et que leur existence ne tient souvent qu'à un fil. Mais tous ne se laissent pas faire. En particulier un trio de jeunes femmes qui n'ont pas la langue dans la poche et n'hésitent pas à mettre leur vie en jeu au profit des autres. Chef (c'est le surnom de l'une d'entre elles), d'ailleurs, n'en est pas à son coup d'essai puisqu'elle était engagée dans la guerre, en Europe. Elle sait l'horreur, elle sait la violence, elle sait le sang qui coule. Sadie, la plus jeune, la plus difficile à raisonner, prête à la bagarre au moindre regard de travers. Et il y en a, des regards de travers. Et enfin, la narratrice, jeune femme énergique, engagée dans un combat qui la dépasse. Car elle ne se bat pas pour elle seule. Elle est guidée par trois haints (des esprits, en quelque sorte, qui l'entrainent dans leur monde pour communiquer avec elle). Et elle possède une arme magique qui, à l'inverse de la Stormbringer inventée par Michael Moorcock, n'avale pas les âmes des victimes, mais utilise la force d'âmes mêlées à la traite des êtres humains.

Et elle en a bien besoin, de cette arme. Car en face, les ennemis sont nombreux, quasi innombrables. Et sans hésitation dans leur lutte contre les Noirs. Les Blancs qui s'en viennent écouter les inepties racistes des membres du Ku Klux Klan se transforment peu à peu en monstres. Notre monde, en effet, est un terrain de bataille. Ou, peut-être plutôt, un terrain de chasse. Et les humains ne sont que des pions utilisés par des êtres atroces et cruels tout droit issus de l'imaginaire lovecraftien. Certaines créatures sont dignes de peupler nos cauchemars. Maryse, la jeune « chevalière » (je me permets ce terme, car l'auteur parle, dans sa préface, à propos de ce récit, de fantasy), est capable de les voir car elle est, en quelque sorte, l'élue, choisie par des entités pour protéger les humains contre la convoitise d'autres entités avides de la haine exsudée par les racistes en tous genres. Elle va avoir fort à faire, car les protagonistes sont nombreux, plus qu'il ne paraît au premier abord. Et des conflits d'intérêt apparaissent, d'un côté ou de l'autre, compliquant la donne.

Pour un récit de SF, Ring Shout est terriblement ancré dans l'histoire. On se croirait plongé dans les États-Unis du début du XXe siècle : les décors transpirent de réalisme, les faits historiques consolident le tableau, les personnages collent à leur époque. L'auteur utilise, par exemple, le film Naissance d'une nation de D.W. Griffith et qui date de 1915. Cette oeuvre proposait une vision pour le moins contestable de l'Amérique du Nord, vision sudiste et raciste, avec des Noirs plus proches de sauvages sans foi ni loi que d'êtres civilisés. Phenderson Djèlí Clark lui réserve un sort bien mérité à mon avis.
Autre point qui nous fait voyager sous ces contrées lointaines : l'auteur a utilisé certains mots, voire certaines phrases, issus de dialectes locaux, dont l'anglais vernaculaire afro-américain. Halte là, me direz-vous. Qu'est-ce que cela peut bien me faire, puisque je vais lire une traduction française de ce texte ? Eh bien, vous répondrai-je, la traductrice, Mathilde Montier, qui a dû s'arracher les cheveux un certain nombre de fois, a fait un travail magistral (avec l'aide de l'auteur qui a validé ses choix) : le rendu est impressionnant. On a l'impression d'entendre parler ces personnages. Même si une ou deux fois, il m'est arrivé de gratter la tête pour comprendre en détail une phrase, je n'ai éprouvé aucune gêne à la bonne compréhension de l'histoire. Au contraire, j'y ai gagné l'impression de la vivre. J'avais ressenti le même phénomène à la lecture de la novella Les tambours du dieu noir, publiée en début d'année par L'Atalante. Certains personnages utilisaient alors des mots typiques de la Nouvelle-Orléans. Et le texte en gagnait en profondeur. Ici également, l'immersion est complète : par la vue et l'ouïe nous sommes transportés dans l'histoire. L'odorat et le goût ne sont pas en reste, même si dans une moindre part. Bienvenue à Macon !

Les trois précédents récits de Phenderson Djèlí Clark publiés en France par l'Atalante (dans deux ouvrages : Les tambours du dieu noir et le mystère du tramway hanté) étaient clairement des novellas. Ici, on approche les deux cents pages (170, en fait). C'est donc plutôt un court roman. Et il en possède les caractéristiques, car l'auteur prend le temps de détailler les personnages principaux, mais d'autres aussi. Ce ne sont pas que des silhouettes croisées. On a le loisir des les découvrir, de les comprendre dans leur complexité, de s'attacher à eux, ce qui est plus difficile dans les textes plus courts où l'auteur se doit d'aller à l'essentiel. Surtout quand, comme Phenderson Djèlí Clark, il bâtit des récits aux multiples péripéties. Car on n'a pas le temps de s'ennuyer à la lecture de Ring Shout. La scène d'ouverture finit rapidement dans le sang. Les évènements se succèdent, avec plus ou moins d'ampleur. Phenderson Djèlí Clark nous gratifie de scènes d'action rapides mais intenses et n'hésite pas à mouiller la chemise. Tout comme il n'hésite pas à montrer l'horreur dans toute sa force, évoquant des images particulièrement marquantes. Ça transpire et ça saigne, à Macon.

Décidément, pour l'instant, c'est un sans faute pour Phenderson Djèlí Clark : trois ouvrages publiés en France, trois réussites cette année. J'attends donc avec impatience la publication du Maitre des djinns l'année prochaine pour prolonger ce bon moment (même si l'univers est totalement différent de celui de Ring Shout). À propos de Ring Shout finalement, un seul conseil : sautez dessus !

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Historien et romancier américain, P. Djèli Clark s'est illustré en écrivant des romans ou novellas de science-fiction, de fantasy et d'horreur. Parmi ses nouvelles, on peut déjà signaler L'étrange affaire du djinn du Caire, ainsi que le mystère du tramway hanté.

Côté romans, il est l'auteur des Tambours du dieu noir, puis de Ring Shout : Cantique Rituel. Ce dernier lui vaut d'ailleurs pléthore de récompenses : le prix Nebula du meilleur roman court 2020, le prix Locus du meilleur roman court 2021 et le prix British Fantasy du meilleur roman court 2021. Enfin, il est même en lice pour le prix Hugo 2021. Or, autant de distinctions forcent le respect et ne peut qu'attirer l'attention.

Depuis la sortie du film, Naissance d'une Nation, les rangs du Ku Klux Klan ne font que grossir de blancs en mal de suprématie qui persécutent impitoyablement les gens de couleur. A Mâcon, en 1922, un groupuscule de ces zélotes sectaires vont croiser la route d'une certaine Maryse Boudreaux, un peu sorcière sur les bords, accompagnée d'une poignée de femmes résistantes qui se sont données pour mission de traquer cette engeance maléfique pour les mettre hors d'état de nuire. A ce jeu, ces pourfendeuses, amatrices d'explosifs et pros de la gâchette se débrouillent plutôt pas mal et ça tombe bien car quelque chose de pas net s'en vient mais seront-elles réellement capables de l'arrêter ?

Ring Shout : Cantique Rituel s'adosse à un cadre historique uchronique faisant référence à la renaissance du Klan qui fait suite à la projection du film de D.W. Griffith, Naissance d'une Nation. Un film controversé dès sa sortie pour son discours raciste et son apologie au Ku Klux Klan. En effet, ici l'auteur s'est beaucoup intéressé à la psychologie de ses membres en faisant d'eux des monstres au sens littéral du terme. Aussi, ces Ku Klux nous apparaissent entre ces lignes comme des créatures diaboliques et surnaturelles qui déchiquettent et démembrent leurs victimes. Néanmoins, tous les adeptes ne sont pas encore tous des êtres transformés, certains sont simplement hypnotisés par cette idéologie extrémiste et terroriste. Ils incarnent donc le mal que doivent combattre Maryse et ses amies.

Avec Ring Shout : Cantique Rituel, P. Djèli Clark propose une fantasy envoûtante qui renverse le postulat originel du genre dans ses codes classiques en proposant un récit où le merveilleux tutoie l'horreur. En mettant en lumière cette société secrète prônant la suprématie blanche, il porte le regard sur les heures sombres qui ont marqué l'histoire des Etats-Unis d'Amérique après la guerre de Sécession sans perdre de vue ses résurgences sur l'Amérique actuelle. En sa qualité de chercheur, ses études sur l'esclavage et l'émancipation ont clairement nourri ce texte. Il replace au centre de sa réflexion des thématiques importantes traitant aussi bien des persécutions des minorités, du désir de libération des peuples ou de la défense de l'égalité entre les hommes. L'amour de la vie se dispute à la haine d'autrui dans ce livre.

Avec Ring Shout : Cantique Rituel, P. Djèli Clark signe un roman bouleversant qui dégage une puissante sagesse. Il puise dans les rituels pratiqués par les esclaves pour conjurer la pesanteur de leur condition pour donner à son texte une vraie poésie. Aussi, les chants deviennent la magie pour repousser la noirceur du mal dans les limbes de l'oubli.

En quelques mots, Ring Shout : Cantique Rituel nous happe dans un conte fabuleux qui résonne d'une vérité toujours d'actualité. C'est un texte troublant, un coup de coeur littéraire et émotionnel pour lequel on ne souhaite que le meilleur... Suite sur Fantasy à la Carte.



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En 1925, en Géorgie, il ne fait pas bon d'être de couleur. A une époque où le Ku Klux Klan est en plein essort, un groupe de femmes se bat contre les Ku Kluxes, des humains en apparence mais des monstres en vérité, obnubilés pas la haine qui les a envoûtés.
Un incroyable voyage dans le temps vu par le prisme de la fantasy, qui met de la magie et des pouvoirs sur des caractères malheureusement humains et pour lesquels il n'est pas difficile d'imaginer les créatures qui nous sont présentées. le mélange est étrange, on n'a pas l'habitude de voir de la fantasy mêlée à cette époque, mais le cocktail est réussi autant sur l'époque et la représentation du folklore gullah, que je ne connaissais pas, que sur le côté fantasy.
Un roman très court, parfait pour découvrir cet auteur dont je vais certainement lire d'autres oeuvres.
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Nouveau, excitant, terrible et merveilleux. Un coup de maître.

J'adore les histoires égyptiennes de Phenderson Djèli Clark. Mais quand il s'attaque à l'histoire des USA, ça devient carrément grandiose.

Après la nouvelle "Les Tambours du dieu noir", qui se situait à la Nouvelle-Orléans, voici donc "Ring Shout", en direct de Macon, Géorgie, en 1922.

L'auteur prend au mot les titres des fondateurs réels du Klan : sorcier, cyclope, etc. Et en tire le point de départ de son histoire. Il ajoute comme point fondateur, la diffusion de film "Naissance d'une nation", présenté comme un catalyseur à haine cosmique. Un vaisseau pour des entités se nourrissant de haine.

Face à ce Ku Klux Klan, stricto sensu monstrueux, nous suivons les aventures d'une équipée de femmes, au premier rang desquelles Maryse, armée d'une épée magique, pleine, en quelque sorte, des "âmes des peuples noirs".
S'amusant des codes de la fantasy, l'auteur signe un texte protéiforme : réécriture d'une heroïc fantasy canonique, transposée dans le Deep South ; lovecrafterie tendance horreur cosmique mais cuisinée à la sauce gullah ; mordante analyse de l'histoire africaine-américaine.
C'est magistral. Tout simplement.

Gavé de références, incarnant avec finesse et intelligence des questionnements toujours actuels, P. Djèli Clark impressionne.

S'appuyant sur les travaux des Lomax ou de Zora Neale Hurston, il dresse un vibrant hommage aux cultures africaines-américaines sudistes, gullah en premier lieu.
La musique, le rythme, le chant sont omniprésents. Au coeur même de la narration et de l'histoire elle-même.

Saluons le supperbe travail de la traductrice Mathilde Montier pour rendre le travail de l'auteur sur les différentes langues utilisées - comme précédemment dans "Les Tambours du dieu noir".
À ce titre, l'avant-propos de Djèli Clark, spécialement rédigé pour le lectorat francophone, apporte un vrai plus à son histoire.
Seul bémol concernant la traduction : dans l'avant-propos, l'utilisation de l'expression "afro-américain" plutôt que "africain-américain" - sauf si en VO l'auteur fait de même, mais j'en doute.

Merci aux éditions de l'Atalante de permettre au lectorat francophone d'avoir accès à un tel auteur. le travail éditorial est remarquable et, à ce que j'ai compris, pas terminé !
La couverture originale est superbe, mais celle choisie pour la version française est incroyable. Parfaitement à la hauteur du texte.

Rage, douleur et terreur ponctuent ces pages, proposant un plaidoyer contre la haine, mais ne cherchant nullement à étouffer la colère. Phenderson Djèli Clark souhaitait nous proposer avec son texte un monde "nouveau, excitant, terrible et merveilleux". La mission est accomplie, avec brio.
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Entre fantasy et horreur, on trouve Ring Shout. Un ovni dans le monde de la fantasy puisqu'on sort de façon absolue du cadre habituel de ce genre littéraire. Personnellement, je suis sorti quelque peu secoué de ce livre. Parce qu'il a pour base une réalité, celle du Ku Klux Klan et de ses exactions. Mais aussi parce qu'il nous montre que le pire n'est pas forcément ce que l'on voit. le pire peut se cacher dans l'ombre des émotions, dans le magma de la douleur qu'on veut surpasser, ou dans l'aberration d'un sentiment de supériorité et de haine envers une partie de la population.
Avec un phrasé qui nous emporte loin, et dont la complexité de compréhension ajoute à l'immersion, on suit Maryse et ses amies au plus profond de l'horreur. Une mention particulière pour la traductrice, Mathilde Montier dont le travail m'a permis justement de quitter ma zone de confort pour entrer dans l'esprit des Ring Shout.
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"Ring Shout" est un roman de fantasy écrit par P. Djèlí Clark en 2020.
C'est un chef-d'oeuvre, pour faire simple.

On y suit Maryse, une jeune femme noire des années 1920, dans sa lutte contre les klanistes. A la haine raciale sont venus s'insérer des démons, très lovecraftiens dans l'idée, qu'on nommera les Ku Klux. Hantant par la propagande et se nourrissant de la haine raciale, la lutte passe à une étape supérieure. Et de ce point de vue là, Maryse assure: invoquant régulièrement une épée forgée dans les larmes d'esclaves noires, elle vient répandre le chant de la colère et, naturellement, décapiter un certains nombre de monstres à six yeux.

Franchement, que dire de cette maestria?

1) C'est évidemment une mise au service splendide d'un imaginaire contraint à la ségrégation raciale. Les mots de Clark font systématiquement mouche et sont d'une intelligence rare: cette espèce de réflexion sur la haine, la vengeance et la colère est un tour de force incroyable. Y glisser l'imaginaire vient aborder le propos d'un point de vue inédit jusqu'à présent. Et c'est vraiment très, très riche.

2) On assiste ici à la création d'un univers à la fois parfaitement bien construit et extrêmement original. C'est du Barker à l'état pur. Ces créatures, à commencer par Clyde le boucher, sont à glacer le sang. On découvre véritablement un bestiaire fascinant et profondément nouveau, qui vient trancher avec ces espèces de standard croisés encore et encore dans les rayons imaginaires (zombie, dieux anciens, vampires, lycanthropes...). C'est vraiment, vraiment génial.

3) On est absolument scotché par le souffle épique de ce bouquin (pourtant court). On est vraiment scotché plus d'une fois lors de scènes d'action à couper le souffle de tension et magnifiquement chorégraphiées. Clark sait écrire l'action et c'est un régal.

4) Quel style de l'auteur! On vient mêler le dialecte gullah à des discours plus vrais que nature, faisant jonction avec un anglais plus "moderne" et c'est encore une fois un vrai délice. L'immersion est entière.

Je ne sais pas quoi vous dire d'autre. La vérité, c'est que j'ai été proprement soufflé. Si j'avais encore la fougue d'écrire des critiques aussi longues que mes premières, j'aurais disserté pendant des lignes et des lignes sur l'apport d'un bestiaire barkerien à la thématique de la ségrégation raciale. On aurait exploré la figure des Docteurs de la Nuit; on aurait relié les shout au cri de détresse de cette époque abjecte.
Le message final, en revanche, je l'écris littéralement:
RING. SHOUT. EST. UN. CHEF. D'OEUVRE.
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Voici un livre plutôt étrange. le fond est historique et réel, nous sommes en pleine ségrégation alors que le Ku Klux Klan fait rage. Toutefois, tout cela n'est qu'un prétexte et l'auteur part sur une route très étonnante. C'est même plutôt délirant.

Il y a de la sorcellerie et des démons. Il y a de la fantasmagorie et des échappées spirituelles. Il y a des personnes noires et blanches. Mais, au bout du compte, on en arrive à ne plus savoir qui est d'une couleur ou d'une autre. A la limite, il pourrait n'y avoir que des personnes de couleur face à des démons ou des humains en passe de l'être. Sauf que nos héros sont des personnes de couleur. Des laissés pour compte qui oeuvrent dans l'ombre. Des monstres ont envahi notre monde et seules quelques femmes noires sont capables de les voir et de les combattre. Et ce sont justement ces femmes noires qui sont le rempart de l'humanité.

Il m'a fallu quand même un petit temps d'adaptation pour m'habituer à la manière dont c'est raconté. Tout le livre est écrit comme parlent les Gullahs, ces noirs américains issus des esclaves venus d'Afrique. C'est parfois difficile à lire, mais il suffit de prononcer les phrases à voix haute et tout s'éclaire. Ce langage nous rend l'histoire encore plus immersive.

Ici ou là, cependant, au détour d'une page, on se prend le racisme et la violence en pleine figure, même si ce n'est pas le thème principal du livre. C'est plutôt une lutte contre un monde démoniaque qui pourrait n'être tout simplement qu'une sorte de rédemption.

Une lecture qui mérite qu'on s'y attarde.
Lien : https://labibliothequedallys..
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Coup de coeur. J'avais beaucoup apprécié le Mystère du tramway hanté du même auteur, je voulais donc explorer davantage ses ouvrages. J'ai été happée par cet univers tellement réaliste, historique et en même temps clairement de Fantasy ; équilibre parfait, immersion totale. La construction du récit est au cordeau, les personnages sont vivants. Je suis épatée par le fait que l'auteur arrive à installer autant de personnages intéressants dans un récit aussi court. de l'émotion, de l'humour, un langage de toute beauté, quel régal! P. Djèli Clark est assurément un auteur à découvrir.
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