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3,74

sur 464 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Impression surprenante que d'avoir pénétré une toile de Jerome Bosch, "faiseur de diables et peintre du destin des hommes".

Trognes froissées, faces lippues, corps voûtés , vrillés, rompus; nez comme des groins gorgés de mauvais alcool, haleines fétides ; peaux fuligineuses à force de crasse, de mille forfanteries : regards bas, vicieux, sournois; sexes obscènes, rapaces, rendus à leurs instincts de vautours en une armée de mercenaires avides de cruauté.

Quel souffle ! Quelle écriture qui compose une oeuvre entre onirisme et réalisme, qui dit de façon abjecte et sublime la triste condition humaine.
Il nous faut revenir un siècle en arrière, le temps d'un hiver féroce, dans une contrée que l'on devine slave ou balkanique, régie par un Empire jamais nommé dont les " mille oreilles" sont le fer de lance d'un totalitarisme que l'on devine aveugle.
Dans une petite bourgade cohabitent depuis toujours une large communauté chrétienne et une cinquantaine de familles musulmanes.
Un jour de neige opaque et dense, le sang coule. C'est celui du curé.
L'affaire secoue la ville et remonte jusqu'à T., la grande cité, où les supérieurs de Nourio, le Policier, s'agitent en conciliabules aussi secrets que perfides.
Nourio est un petit homme d'âme et de corps, aussi féru de lui-même qu'imbu de son pauvre pouvoir, lequel est tristement malmené par une libidineuse volonté qui domine toute son existence. Il est épaulé dans ses missions par Baraj, grand escogriffe placide et mutique dont ses chiens sont son amour secret.
L'Empire s'est ému, mais va bientôt se réjouir de cette mort sacerdotale.
Philippe Claudel interroge les vérités : l'efficience, et l'autre, la vraie, ainsi que leur impact respectif sur les foules.
Quand l'une peut gouverner, l'autre se voit renvoyer au titre de fariboles que griots ou rhapsodes distilleront au fil des ans.
La vérité efficiente, elle, peut gouverner. Elle est le glaive de l'Empire qui peut ainsi se débarrasser de ses rebuts d'un revers de main rhétorique.
Ainsi naissent les boucs émissaires, les bannis, les différents, les exilés, ces autres qui dérangent et grippent les rouages politiques.
Superbe livre.
Superbe réflexion oh combien d'actualité.
Superbe prose.
Que d'émotions à traverser pour parvenir à ne garder que les rares images d'âmes pures. Celle d'une Madone, d'un géant, de deux juments et de deux chiens fauves.
Un immense merci à @paroles dont le billet m'a donné l'envie de cette lecture.
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Dans une petite ville aux frontières d'un Empire d'Europe centrale, dans des temps incertains.

« Tout meurt, on le sait.
Les êtres, les choses, les villes, les empires.
La fin est notre lendemain. »

Le curé est retrouvé assassiné.
L'enquête revient à Nourio, le Policier dévoré d'ambition qui tient là non seulement de quoi se désennuyer mais aussi de quoi faire remarquer en haut lieu, son intelligence hors du commun, ses compétences exceptionnelles, croit-il…
Il est secondé dans sa tâche par Baraj, l'Adjoint, doux géant qui trouve du réconfort aux moqueries des gens dans la compagnie des animaux.

En fait, d'enquête, il n'y en a pas. le Policier priapique se contente pour satisfaire ses fantasmes, d'interroger, encore, et encore, et encore, Lémia, la fille du Sabotier qui a découvert le corps. Porté par sa vanité, Nourio se laisse entrainer dans les manigances des autorités locales qui vont régler les tensions nées du meurtre à leur manière.

Si j'ai eu bien du mal à entrer dans ce récit dont l'ambiance hivernale est glauque au possible, dont les obsessions du Policer d'érection en érection sont examinées, exposées, d'une façon pénible voire carrément malaisante quand son désir se porte sur la tout juste nubile Lémia, j'ai fini grâce à la tension croissante, à des incises placées astucieusement à me laisser embarquer par l'envie d'en savoir plus, de connaître l'issue, que l'on devine fatale, de cette histoire. Les personnages de Nourio et de Baraj sont particulièrement bien construits, fouillés et forment un équilibre. La bienveillance de l'un permet de supporter l'abjection de l'autre.
En outre, en filigrane, on devine la réflexion sur le récit historique que chaque nation façonne, fût-ce au détriment de la vérité.

Une fable noire sur le coeur noir des Hommes.
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Difficile de conseiller un livre aussi éprouvant et pourtant, c'est ce que je vais tenter de faire en quelques lignes, parce qu'un bon roman, c'est un roman qui provoque des émotions, même si ces émotions sont douloureuses. Et là, autant dire d'emblée que tout est noir et que le lecteur va souffrir.
Mais moi, suis-je cruelle ? j'ai adoré.
J'ai aimé la noirceur de ce récit. Les personnages sont glaçants, Philippe Claudel dissèque avec minutie les mécanismes de leur cerveau retors.
Les lieux sont angoissants, recouverts de neiges, enveloppés d'un brouillard qui étouffe les gestes et les crimes.
D'ailleurs, lorsque le curé est retrouvé assassiné, le crâne fracassé, personne n'a rien vu, personne n'a rien entendu.
Le policier Nourio et son adjoint, Baraj, géant débonnaire, mènent l'enquête sous la pression de l'Administration impériale.
Avant le drame, les chrétiens et la petite communauté musulmane riche d'une cinquantaine d'âmes vivaient en bonne entente, mais désormais l'imam craint que l'assassinat ne réveille de mauvais démons dans cette «Province perdue» où «tout est rugueux et primaire».
Les notables s'agitent, chacun épie son voisin tandis que le policier Nourio a bien du mal à faire taire ses démons face à une fillette d'à peine treize ans.
C'est un livre superbement bien écrit avec des phrases qui frappent et qui interrogent. C'est un livre puissant car même après l'avoir refermé, le malaise demeure.

J'ai lu ce roman en deux jours. « Crépuscule » est pour moi un livre majeur dans l'oeuvre de Philippe Claudel au même titre que « Les âmes grises » ou « le rapport de Brodeck ».

Merci à NetGallet et aux Editions Stock pour ce voyage en enfer.
#Crépuscule #NetGalleyFrance !

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Une province perdue aux frontières de l'est où l'hiver semble ne pas vouloir finir.
Tout est noir, sombre, froid.
Le curé du village est assassiné.
C'est le Policier Nourio, obsédé sexuel entre autre, et son adjoint Baraj qui tentent d'élucider ce meurtre ;
Mais dès lors, tout semble dérailler dans la petite commune où, jusque là, chrétiens et musulmans cohabitaient en harmonie.
Quelle galerie de personnages !
On se croirait dans un tableau de Jérôme Bosch.
Quant aux descriptions des événements et des scènes glauques, je n'ai pu m'empêcher de penser à Jean Teulé.
Toute la première partie est, avouons le, d'un sombre cynisme.

Puis vient la scène de chasse au château qui est grandiose.
Et de là, le roman prend toute sa puissance et tout son sens.
De cette ambiance suffocante où les individus sont plus noirs les uns que les autres émergent deux personnages qui illuminent l'histoire.
L'adjoint Baraj, au faciès animal, aux réactions d'arriéré qui est une âme pure et droite, une âme d'enfant qui laisse s'échapper sans pouvoir les retenir des nuages de poésie.
Et la jeune et pure Lémia qui sort de l'adolescence et de l'innocence.

Cette histoire est une fable sinistre dans laquelle on peut identifier notre société.
Empire tout-puissant
manipulation des faits
fabrique officielle de mensonges....
les hommes ne seraient-ils que des marionnettes ?
L'imagination débordante de Philippe Claudel, son talent et la beauté de son écriture font de ce roman une oeuvre puissante et accomplie.
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Encore un très beau roman de Philippe Claudel! Après Les Âmes grises, le rapport de Brodeck et l'Archipel du Chien, je ne cesse de m'émerveiller de la maîtrise du conteur et du style de l'auteur, aussi réalisateur, scénariste et enseignant.
Un policier et son adjoint, responsables de la sécurité d'une petite ville reculée de l'empire austro-hongrois, sont amenés à résoudre l'enquête entourant la mort suspecte du curé. Jusque là tranquilles au poste, à l'abri des bouleversements sociaux ou politiques, les deux hommes ne peuvent plus se contenter de bourrer le poêle et de fumer l'esprit en paix. Des vents contraires et des courants insidieux frapperont leur communauté paisible, transformant cet assassinat venu de nulle part en porte-étendard d'une foi que l'on pensait quasi éteinte.
Un roman pareil à ces anciens contes dont l'action est nichée au creux des villages oubliés, enfouis dans la nature et le froid, cernés par les bêtes sauvages et emplis des mauvais penchants dont seuls les hommes sont capables.
Cinq étoiles, rien de moins, pour cette histoire sombre traversée par quelques éclats de bonté lumineuse.
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Somptueuse écriture.
Philippe Claudel concentre dans "Crépuscule" toutes ces qualités d'auteur qui nous emporte littéralement dans un autre monde, tout en aillant le sentiment qu'il nous raconte la France.
De par l'atmosphère et les descriptions si particulières, c'est bien du Claudel. Une narration parfaite, un langage soutenu sans être pompeux, une poésie des mots telle une résurgence bienfaitrice face à la noirceur du récit, noirceur qui finira par s'illuminer.
On ne sait pas bien où on est (un peu comme dans l'Archipel du chien), on ne sait pas bien où on va, mais le style de l'écriture est si adroit, si habile qu'on est presque dans une fresque, un conte plus que dans une enquête policière.
On prend plaisir à observer les vies des personnages. Ses personnages tels que Baraj l'adjoint de police, gentil géant un peu bêta mais pas tant que ça et à l'intelligence émotionnelle, Nourio le capitaine de police aux traits de caractères ciselés avec précision, Claudel a su les rendre profondément attachants. Même si on frôle parfois le chaos, les troubles engendrés par la cohabitation entre catholiques et musulmans dans un petit village créent cette trame de fond qui lui permet d'ouvrir, d'élargir les champs des possibles.
Il sonde les coeurs et les âmes sans faire aucun cadeau à l'humanité et cela lui permet de nous offrir un incroyable récit.
Il dépeint de nombreux aspects de la vie : du plus prosaïque au plus poétique, du plus sordide au plus pur. On sent le froid, la nature, on sent l'histoire en marche, on se sent petit. L'absurdité de la vie apparaît mais aussi son miracle.
Il nous fait nous poser quelques questions essentielles mais ne nous donne pas de réponses tranchées aux éléments de réflexion philosophique qu'il induit. le lecteur est libre.
Comme dans tous les Claudel on retrouve cette allégorie de l'homme, de notre civilisation, des classes, mais sans lourdeur et tout en finesse.
Le roman est plus long que ses précédents (près de 500 pages). Il a dû prendre lui-même encore plus de plaisir à l'écriture, en tout cas c'est ce que j'ai cru percevoir.
Un chose est certaine, l'auteur nous emporte dans un récit impossible à lâcher et avec des personnages impossibles à oublier. J'aurais envie de le qualifier de trésor littéraire.
Et le final... à la fois grandiose et consolateur.
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Après la lecture d'un roman, j'ai une petite "manie" : celle d'en consulter les critiques sur Babelio, souvent pertinentes et variées. En janvier, après avoir lu "Crépuscule" de Philippe Claudel, les critiques étaient déjà si nombreuses (excellentes dans l'ensemble, enthousiastes ou non) que l'idée d'en écrire une de plus m'a abandonnée : tout était déjà dit et si bien ! Mais voilà, quelques mois après, la vague est retombée. Depuis, j'ai beaucoup lu, du bien et du décevant... Alors, l'envie me reprend de vous parler de "Crépuscule", car, depuis janvier, j'ai accordé 4**** à ... 5 romans, "Crépuscule" étant en tête de cette liste. C'est loin d'être le plus optimiste : une histoire dure, sombre dans un environnement pesant et glacial que j'ai lu en 2 jours comme un page-turner !
Dans ce roman plein de rebondissements se déroulant au XIXèm siècle, l'auteur, de sa plume mêlant élégance et puissance, se livre à une analyse sans concession de la nature humaine : la peur, l'ignorance, l'intolérance d'une population isolée, attisée par les notables "aux ordres" pour servir des intérêts supérieurs jusqu'à l'abominable tragédie finale, amenée lentement, intelligemment par l'auteur, nous saisissent d'effroi.
L'auteur, sans donner de leçon, nous amène à réfléchir : aujourd'hui où l'Homme est plus instruit, mieux informé (??), est-il devenu plus tolérant, plus sage? L'auteur nous laisse juge.
Lisez "Crépuscule", vous n'en sortirez pas peut être pas indemne, tout comme dans "Le rapport de Brodeck" du même auteur, sauf si la lumineuse Lémia et Baraj, l'âme pure, ne vous convainquent qu'un monde meilleur reste possible.
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Un très grand livre ! Je me suis régalée !
Pas facile pour moi d'exprimer mon ressenti sur ce texte magistral, très intelligent.
Les critiques sont partagées mais certaines m'avaient convaincue, je sentais que je ferais partie des adeptes.

Difficile de dire précisemment l'endroit et le moment où se déroulent les faits.
Nous sommes sous un Empire situé à priori proche de la frontière entre l'orient et l'occident, dans une petite bourgade isolée où la plupart des habitants se connaissent.
Le décor est sombre. Très sombre. C'est l'hiver et il y a peu de place pour la lumière, au sens propre comme au figuré.
Le curé du village est retrouvé assassiné au détour d'une ruelle à la nuit tombée. le policier Nourio et son adjoint sont chargés de l'enquête.
Voilà l'histoire résumée de façon simplissime et qui sera le pretexte à une étude des moeurs de l'époque particulièrement afutée et croustillante.

Le vice est là, que ce soit à titre personnel avec notamment le personnage de Nourio, qu'à plus haute échelle avec les manipulations auquelles se livrent les autorités en place.
L'humour a cependant sa place, je pense à la partie consacrée aux préparatifs de la chasse à l'ours...Excellent !

Malgré la noirceur, malgré la méchanceté des uns et des autres, deux personnages apportent un peu de répit par leur bonté, offrant même la prouesse de faire finir ce livre sur une note positive.

J'ai beaucoup aimé et je recommande vivement cette lecture au texte de qualité.




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je viens de lire la critique précédente alors que je m'apprêtais à poster la mienne! Je n'ai rien à ajouter sinon que ce roman est vraiment FA-BU-LEUX!!!
Je n'avais encore jamais donné mon avis sur un livre sur Babelio, mais là, je ne peux pas résister tant ce roman m'a emporté, tout y est absolument grandiose, un vrai page-turner, une ambiance de folie, des personnages bouleversants, comme Baraj, Lémia! Il y a aussi des chiens qu'on aimerait avoir contre soi, et puis surtout c'est un roman qui ses lit comme un polar mais qui fait aussi beaucoup réfléchir sur notre monde, sur nous, sur nos erreurs et notre société. Précipitez vous chez votre libraire favori vous ne le regretterez pas!!!
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Un grand bonheur de retrouver cet auteur dont je m'étais un peu éloignée depuis l'Arbre du pays Toraya et l'Archilel du Chien; ici je retrouve une écriture qui me parle d'emblée.
Le lieu est désigné comme un petit village de l'Empire...Jusque là les communautés musulmanes et chrétiennes coexistaient pacifiquement; les musulmans étaient minoritaires alors que de l'autre côté de la Frontière, ils dominaient.
Le meurtre du Curé va tout changer mais on laisse entendre au Policier et à son adjoint qu'il ne faut pas trop se presser à trouver l'assassin. Curieusement la procession qui suit l'enterrement fait des haltes devant les demeures des musulmans. Un cochon est égorgé et son sang marque ces maisons. Un benêt est blessé à mort après une longue agonie et la mosquée est brûlée un vendredi où toutes les familles musulmanes priaient (un nouvel Oradour...) Vite les maisons sont pillées.
Un racisme distillé peu à peu mais dont la hiérarchie veut garder le secret. Les personnages sont désignés par leurs fonctions; ils sont tous plutôt antipathiques sauf l'Adjoint Baraj et la délicate Lémia.
Une réflexion profonde dans un roman très agréable à lire pourtant on a froid, on est sous la neige et il est difficile d'accepter le problème du Policier sur lequel Claudel me semble trop s'attarder.
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