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3,74

sur 464 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Encore un petit chef d'oeuvre de Philippe Claudel, qui nous entraîne aux confins d'un empire qui ne dit pas son nom (Austro-hongrois ?). L'important est de savoir que la hiérarchie administrative y est puissante, et que le christianisme y est grandement majoritaire, bien que cohabitant à peu près pacifiquement avec une poignée de musulmans, aux moeurs discrètes et sans prosélytisme.
Il y sera question de conflit de communautés, donc, mais surtout d'ambition, de mépris, de ridicule, de pulsion. Dans ce village de bout du monde, où rien ne se passe jamais, les événements s'enchaînent, sans que personne ne semble réellement vouloir connaître la vérité. Et j'ai bien cru que l'auteur nous la cacherait, jusqu'à la chute finale, magistrale, et étonnamment lumineuse après tant de noirceur et d'ambiance sordide.
L'écriture reste magnifique, les scènes s'enchaînent sans la moindre difficulté, et les personnages plantés sont magnifiques de cynisme, de désir de revanche ou d'innocence meurtrie.
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Originaire de la même région que Philippe Claudel, je le suis depuis de nombreuses années. J'avais beaucoup aimé les livres republiés récemment sous le titre de Trilogie de l'homme devant la guerre (Les âmes grises, La petite fille de Monsieur Linh, le rapport de Brodeck) ou encore Parfums, madeleine de Proust qui m'avait fait revivre des scènes de mon enfance. J'avais tendance à me dire depuis que la diversité des activités de l'auteur (réalisation de films, jury Goncourt, etc.) lui laissait moins de temps pour travailler des textes aussi profonds et j'avoue que ses derniers livres m'avaient paru moins inspirés. Je retrouve ici un immense récit, dans un très beau style, qui reprend ses thématiques de prédilection dans une histoire néanmoins originale et qui n'est pas sans évoquer Julien Gracq par son intemporalité. Quel plaisir de retrouver un grand cru !
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Sombre et lumineux, Crépuscule m'a
fortement impressionné par la beauté de son style et l'acuité de son propos. Ce long roman a toutes les qualités d'un classique et il m'a fait penser, curieusement, à un mélange réussi de Flaubert et de Kafka.
Prisonniers de leurs passions tristes, des hommes tournent en rond dans une petite ville imaginaire perdue, prison à ciel ouvert dont les femmes détiennent les clés.
Crépuscule heurte la sensibilité et la conscience du lecteur. Huis-clos brutal, tendu et étouffant, il offre aussi un peu de douceur, d'humour noir et beaucoup de poésie.
Merci Philippe Claudel.
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Ce roman « Crépuscule », à l'allure de conte, nous emmène dans des contrées et à une époque lointaines, pour mieux aborder des thématiques actuelles, comme pour nous signifier un éternel recommencement où les turpitudes et les comportements les plus abjects se perpétuent en dépit de la modernité de notre monde, qui se croit plus civilisé que naguère…D'ailleurs la série de questions qu'on trouve au début du chapitre 12 donne le ton de l'ouvrage : » A quel signe comprend-on dans l'Histoire des hommes qu'il est trop tard ? Quel indice, quelle marque, quelle faille, quel mince événement permet d'alerter les esprits et de solliciter leur vigilance ? Quel infime changement, quel déraillement discret peut intriguer quelques veilleurs attentifs afin qu'ils donnent l'alerte qui éviterait la plongée dans le chaos ? Mais au fond, cela servirait-il à quelque chose ? Quelque part, et sur une certaine horloge, n'est-il pas toujours trop tard ?
On retrouve ce style cinématographique chez Philippe CLAUDEL, où les descriptions minutieuses, à renfort d'adjectifs rendent très vivante la narration, grâce à l'usage de phrases courtes et percutantes !

Fort heureusement, même si des personnages comme Nourio le Capitaine de police et ses obsessions libidinales, les élus et autres notables semblant relever au mieux de l'oligophrénie, au pire du machiavélisme sadique nous répugnent, certains gagnent en sympathie et suscitent notre émotion tel Baraj l'adjoint du capitaine et la jeune orpheline de mère Lémia, mais aussi celui dont on ne connaitra le prénom qu'à la fin du livre, Martha, l'épouse du capitaine.
Pour illustrer mon propos, permettez-moi quelques citations de portraits : « Egor le maire, qui était un magnifique imbécile de l'espèce des dindons… » ; le vieil évêque « C'était une toute petite chose enrubannée de soieries précieuses et de broderies, inoffensive et débile, pour laquelle le policier ne savait pas s'il fallait éprouver de la pitié ou du dédain » ; et le plus maléfique d'entre tous, Maijre sorte de mercenaire sanguinaire, dont un autre soldat dira en le voyant « Pourquoi le Diable prend-il toujours plaisir à revenir sur terre ? ».
Dans cette bourgade d'une province reculée, où vivent chrétiens et musulmans en bonne entente, du moins en apparence, un meurtre sera prétexte à mettre le feu aux poudres ! Et l'auteur ne manque pas de nous rappeler à quel point religion et pouvoir ont, de tout temps, alimenté la haine de l'autre, de celui qui croit différemment… Que celui qui pense autrement nous est inférieur voire hostile se retrouve aussi dans le duo que forme le Capitaine de police et son Adjoint. Tout les oppose, tant leur physique que leur façon d'appréhender le monde. D'un côté, le mépris vaniteux de Nourio à l'égard de Baraj qui de son côté, y répond par une forme de servilité tranquille.
Sans rien dévoiler de l'intrigue car il s'agit bien d'une enquête policière, c'est aussi l'analyse que fait l'auteur des rapports humains qui fait l'intérêt de cet ouvrage.

On ne peut qu'être ému par ce doux colosse qu'est Baraj. Après avoir connu une enfance privée d'amour et de tout ce qui permet à un enfant de s'épanouir, il prendra en tout, le contrepied de tant d'adversités, ce qui laisse à penser que l'auteur réfute la thèse du déterminisme, point de vue que je partage. D'ailleurs, ce n'est pas le seul domaine dans lequel Philippe Claudel égratigne les lieux communs !…

Crépuscule gagne indéniablement à être lu, mais peut-être pas si vous avez le bourdon et qu'en plus, la météo affiche triste mine !




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Roman crépusculaire où émerge la pire inhumanité mais aussi la plus pure humanité ...
D'emblée les deux personnages principaux sont campés , le policier Nourio et son "Adjoint " Baraj ,tous deux enquêtant sur le meurtre du curé Pernieg dans une petite ville des confins de l'empire austro-hongrois au début XX° . Cette région pourrait correspondre aux Balkans comme la frontière entre Croatie et Bosnie-Herzégovine ( le lieu n'est jamais nommé ) où cohabitent plusieurs nationalités et plusieurs religions , microcosme cosmopolite à l'image de l'empire austro-hongrois. L'ambiance sombre est renforcée par le froid et la neige ou encore la nuit omniprésents dans la plus grande partie du roman .
Les personnages du policier et de son Adjoint sont aux antipodes . le premier est ce qu'il y a de plus grossier , de plus ambitieux bavant devant les autorités de l'empire elles-mêmes sans foi ni loi , de plus dépravé soumis à ses pulsions sexuelles , sans que ni la raison ni la conscience et encore moins l'empathie ne l'empêchent de commettre parfois l'irréparable. le second est le " bon géant" ainsi que le nomme la jeune Lémia la fille du sabotier veuf , tombé dans l'alcoolisme suite au suicide de son épouse .Elle attire le policier Nourio tout comme son adjoint Baraj mais de la manière la plus opposée : une proie sexuelle pour l'un , une madone digne d'admiration pour l'autre.
L'enquête n'avance guère tant le policier Nourio laisse les accusations anonymes de la petite ville trouver le coupable idéal , une cristallisation de la haine se fait contre la communauté musulmane minoritaire..la vérité est celle du plus grand nombre contre la justice ...Aucun droit n'arrête la violence . l'auteur montre bien la thèse du bouc émissaire du philosophe René Girard . Les drames s'enchaînent pour les musulmans . Pendant que l'adjoint Baraj trouve de plus en plus d'indices , le policier tombe au fond de l'ignominie et du grotesque...
Hormis l'adjoint Baraj , les femmes surtout Lémia , sont un espoir dans ce conte noir sur la nature humaine. Cette dernière symbolise la candeur mais aussi la lucidité et la révolte découvertes à la fin du livre tout comme l'épouse du policier si malmenée par lui se révèle dans toute sa dignité..
Un superbe roman qui nous fait réfléchir sur l'humain et qui est finalement très actuel même s'il se situe il y a plus d'un siècle dans un empire disparu aujourd'hui.
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