« L'homme est un animal qui toujours recommence. » Nösel lançait ses sentences avec des pauses de tribun, les deux mains appuyées sur son large bureau, en laissant toujours derrière elles un grand silence que chacun d'entre nous remplissait à sa guise.
« L'homme est un animal qui toujours recommence. » Mais que recommence-t-il sans cesse ? Ses erreurs, ou la construction de ses fragiles échafaudages qui parviennent parfois à le hisser à deux doigts du ciel ? Cela Nösel ne le disait jamais.
on aurait pu les croire ivres mais ils ne sentaient pas l’alcool. La colère et la haine suffisent à bousculer lés cerveaux. Ce sont les plus violentes des eaux-de-vie.
« Ce que je voudrais, c'est comprendre, m'avait-il avoué un jour. On ne comprend jamais rien, ou très peu de choses, avait-il poursuivi. Les hommes vivent un peu comme les aveugles, et généralement, ça leur suffit. Je dirais même que c'est ce qu'ils recherchent, éviter les maux de tête et les vertiges, se remplir l'estomac, dormir, venir entre les cuisses de leur femme quand leur sang devient trop chaud, faire la guerre parce qu'on leur dit de la faire, et puis mourir sans trop savoir ce qui les attend après, mais en espérant tout de même que quelque chose les attend. Moi, depuis tout petit, j'aime les questions, et les chemins qui mènent à leurs réponses. Parfois d'ailleurs, je finis par ne connaître que le chemin, mais ce n'est pas si grave : j'ai déjà avancé. »
J'ai toujours eu un peu de mal à parler et à dire le fond de ma pensée. Je préfère écrire. Il me semble alors que les mots deviennent très dociles, à venir me manger dans la main comme des petits oiseaux, et j'en fais presque ce que j'en veux, tandis que lorsque j'essaie de les assembler dans l'air, ils se dérobent.
mais ici bas, mieux vaut ne jamais avoir raison. C'est une chose que l'on vous fait ensuite et toujours très cher. q
Qui a raison ? de celui qui ne se résout pas à abandonner dans le noir les moments du passé et (ou) de celui qui précipite dans l'obscurité tout ce qui ne l'arrange pas ?
Et puis tu raconteras, tu diras tout. Tu diras le wagon, tu diras aussi ce matin Brodeck, tu le diras pour moi, tu le diras pour tous les hommes
Cela raconte beaucoup de choses une rivière, pour peur que l'on sache l'écouter. Mais les gens n'écoutent jamais ce que leur racontent les rivières, ce que leur racontent les forêts, les bêtes, les arbres, le ciel, les rochers des montagnes, les autres hommes. Il faut pourtant un temps pour dire, et un temps pour écouter.
C'est durant de semblables nuits que j'ai appris que les morts ne quittaient jamais les vivants. Ils se retrouvent sans s'être connus. Ils s'assemblent. Ils viennent s'asseoir au bord de notre lit, au bord de notre nuit. Ils nous regardent et nous hantent. Parfois ils nous caressent le front, parfois ils passent leurs mains décharnées sur nos joues. Ils tentent d'ouvrir nos paupières mais, lorsqu'ils y parviennent, nous ne les voyons pas toujours.
L'idiotie est une maladie qui va bien avec la peur. L'une et l'autre s'engraissent mutuellement, créant une gangrène qui ne demande qu'à se propager.
C'est très bizarre les actions des hommes, et parfois, on pourra toujours remuer des crânes, on ne trouvera jamais la bonne explication.