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4,11

sur 3400 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
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Le rapport de Brodeck est un livre qui peut dérouter le lecteur car le village où se situe la majeure partie du roman n'est pas situé géographiquement, en tout cas pas de façon précise. On pense assez naturellement à l'Alsace car on y parle une langue qui est proche de celle d'un grand pays voisin d'où sont arrivés les vainqueurs au début de la guerre mais certains détails infirment cette hypothèse et inciteraient à situer ce village du côté de la Pologne ou de la Tchécoslovaquie. de même l'époque n'est pas précisée. Bien sûr une guerre qui ressemble fort à la Seconde Guerre Mondiale a eu lieu, des trains emmenaient dans des conditions atroces des hommes, des femmes et des enfants vers des camps de la mort. Pourtant dans ce village, les conditions de vie font penser à des temps beaucoup plus anciens : on y circule encore exclusivement à pied ou à cheval, par exemple. On est donc ici dans le registre du conte moral ou philosophique.

Quelques années après la fin de la guerre, un homme, un étranger, celui que tous dans le village appellent "L'Anderer" - l'Autre - car il n'est pas d'ici, a été assassiné. Il s'agit d'un meurtre collectif, presque tous les hommes valides du village y ont participé. Brodeck, l'un des rares à ne pas faire partie de ceux-là est chargé par les assassins de rédiger un rapport sur les circonstances qui ont conduit à ce meurtre. Parallèlement à la rédaction de ce rapport, Brodeck entreprend de raconter sa vie. Brodeck fait partie d'une communauté persécutée depuis de nombreuses générations. Dans le roman, le mot "juif" n'est jamais utilisé. On peut presqu'aussi bien penser aux tziganes, aux libres-penseurs, aux malades mentaux... Le village a été occupé pendant la guerre par les habitants du pays voisin et Brodeck a été dénoncé puis déporté dans un de ces camps de la mort. Il en reviendra mais rien ne sera plus comme avant.

Le récit de Brodeck avance à pas comptés. Comme il s'en excuse lui-même, il fait de nombreux aller-retours entre présent et passé, le passé de la guerre, ou bien le passé proche, celui d'avant l'assassinat. L'auteur maîtrise parfaitement cette sinueuse narration et nous fait peu à peu découvrir un tableau digne de la partie "Enfer" du triptyque du Jardin des Délices de Jerôme Bosch. A l'abomination du camp de concentration répond celle de ce qui s'est passé pendant l'occupation du village et qu'on découvrira progressivement. On devine alors peu à peu qui est cet Anderer et ce qu'il est venu faire dans ce village (même si un certain mystère demeurera sur ses réelles intentions).

Le roman de Philippe Claudel est d'une beauté crépusculaire, angoissante, terrifiante. Ce village, isolé du reste du monde, est un creuset où les pires instincts, les pulsions les plus honteuses vont s'exacerber. Rien ni personne, pas même Brodeck, ne permet d'échapper à cette descente aux enfers. L'Anderer joue ici le rôle du "Joueur de flûte de Hamelin", qui, n'étant pas été payé par les habitants du village qui lui avaient demandé de les débarrasser des rats qui avaient envahi la ville, est revenu pour emmener cette fois tous les enfants vers un lieu d'où ils ne reviendraient jamais. Philippe Claudel modernise la fable et la rend encore plus cynique, plus désespérante. Pour le caractère absurde de ce "rapport", rédigé pour une mystérieuse administration et sur lequel aucune cour de justice ne pourra statuer, Brodeck m'apparaît comme un frère de K., le personnage du Procès et du Château de Kafka. Un frère démuni dans un monde désespérant.
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Un roman sombre très sombre autant que le coeur et l'âme des "humains" qui peuplent le village de Brodeck.
Brodeck est chargé par les habitants du village de raconter la mort de l'étranger "l'Anderer" dans l'auberge de Schloss, car lui seul peut raconter.

Ouah quelle claque ce livre ! Que d'horreurs certes dues à la guerre mais aussi et surtout à l'homme qui détruit tout.
Je viens de refermer ce livre que je ne suis pas prête d'oublier ! Vais-je réussir à dormir... ?
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C'est fort, c'est poétique, avec une ligne subtile entre l'imaginaire et la réalité. On est dans le domaine du philosophique, avec des situations sombres et dures. Que fait l'homme face à la souffrance, la peur, la guerre ? Certains réagissent en lâches, d'autres essaient de retrouver leur humanité, et Brodeck, lui, subit les contrecoups de la vie avec intelligence et amour. C'est un beau roman très fort.
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Connaissez vous l'expérience de Milgram?

Au sortir de la seconde guerre mondiale, plusieurs scientifiques se sont posé la question du "pourquoi" et "comment" un individu qui dit simplement obéir aux ordres, peut aller jusqu'à torturer une personne. Entre 1960 et 1963, le psychologue américain Stanley Milgram a évalué le degré d'obéissance d'un individu devant une autorité qu'il jugeait légitime, et il analysa le processus de soumission. Et le problème de conscience?

Malgré la controverse, les tests montraient des résultats troublants....

Ce livre aurait pu être un témoignage d'un rescapé de la seconde guerre Mondiale. Ce livre est un témoignage, imaginé, mais assez réaliste pour se dire que cela aurait bien pu se passer.

Le génie de Claudel, c'est de ne pas nommer : ni la seconde guerre, ni le pays où il se trouve, ni même le mot Shoah ou Juif. Permettant de tisser large dans les esprits, on se détache alors de la guerre et on s'intéresse plus particulièrement à l'histoire d'une vie, d'un village. Les répercussions des souffrances engendrées par la guerre sont aussi terribles que la guerre elle même.

L'auteur ne travail pas de façon linéaire, et au début de la lecture, les mises en abime ou les flash back étaient difficiles à dresser sur une frise chronologique. Mais plus on entre dans le récit, et mieux on comprend la raison de la confection de grand puzzle : une réalité aussi lourde et pesante est difficile à relater en une traite, l'esprit fait des détours pour mieux appréhender les choses. J'ai même eu l'impression à divers moments que le fait de "recoller" les morceaux éparses de sa vie était un moyen de se donner ou de se redonner une identité : un travail à la fois psychologique, mais également un devoir de mémoire . Car tout au long du livre, on ne saura pas le prénom de Brodeck. Il est Brodeck, de cela il est sûr.

Notre rapport à l'autre est malmené : Sartre disait que "l'enfer, c'est les autres". Mais l'autre est également un reflet de moi même. dualité importante entre la peur d'être mauvais et de se voir mauvais. La nuance est fine, certes, mais prégnante dans ce livre. Un village se dresse contre un "étranger" donc un autre que soit qui perturbe et dérange. L'Anderer, l'autre, aura un rôle de révélateur de personnalité enfouie de chaque villageois. Ces derniers, ne supportant pas ce qu'il voit de l'image miroir rendu par l'étranger feront éclore l'incompréhension, le racisme.

Mais peut on être juge et bourreau? Brodeck, doit rédiger son rapport au maire du village. Pourquoi lui et pas un autre? Les raisons apportées par l'auteur sont multiples, et nous pouvons prendre en considération l'une ou l'autre, ou toutes en même temps. Brodeck travaille seul à la rédaction, mais en parallèle, sa mémoire ressasse, et sa vie défile, des moments de joie au moments les plus atroces.

Les témoignages des camps de concentration sont nombreux, celui ci, même s'il ne s'agit pas d'une vraie histoire, dresse tout de même l'horreur de l'humanité envers son prochain. Bien des penseurs et des innocents survivants de ces camps ont écrit et parlé avec coeur de ces abominations. Je n'évoquerais donc pas ce qui se trouve dans le livre.

Les personnages sont exposés avec précision et minutie. On ne connaît pas le passé de tous, mais quelques lignes suffisent pour savoir qui on a en face de soi. La nature, très présente tout au long du livre, est également personnifiée. Se noue avec elle des moments doux et pénibles.

L'écriture est soignée, poétique, mais aussi mélancolique et tragique : l'inhumanité est dépeinte avec force et réalisme : la lâcheté, les crimes sous couvert de la masse et du nombre. Il n'y a ni empressements, ni rapidité, l'auteur ne bâcle ni les détails, ni les faits plus importants : le ton est égal et réfléchi.

Un mot sur la couverture : un visage quelconque, et en même temps un visage marqué, le regard fixe et déterminé. Mais intrigante, à l'image de son contenu.

Lien : http://lecturedaydora.blogsp..
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« le Rapport de Brodeck » est aujourd'hui un roman dont la qualité est confirmée. le nombre de commentaires et d'évaluations sur Babelio, à lui seul, le confirme.
Le roman absorbe le lecteur par son style, sa composition et le grandissime malaise qu'il développe au fil des pages.
Après la seconde guerre mondiale, Brodeck obéit à une mission collective : rapporter la chronologie du meurtre d'un étranger qui a présenté dans une série de tableaux le portrait des villageois. le peintre a saisi les travers, les défauts et les vices des villageois… qui n'ont pas supporté de se voir dans leurs faiblesses et l'ont tué. Dans l'élaboration de ce rapport, Brodeck rapporte peu à peu sa propre histoire qui n'est que l'illustration de la bêtise et des horreurs dont ses voisins ont été capables. Etranger au village, ses responsables, aux ordres des conquérants, l'envoient dans un camp de concentration. La survie de Brodeck tient du miracle, il a surmonté l'horreur. Brodeck rapporte les faits avec froideur, il paraît avoir enfoui tout ressentiment. Seul l'amour pour sa femme Emelia, pour Fédorine, qui l'a recueilli enfant et Poupchette, qu'il considère comme sa fille, le maintient dans une humanité plus qu'incertaine dans ce roman.
La noirceur de l'histoire de Brodeck contraste avec le style qui illumine le roman par la qualité des descriptions. L'auteur réussit à dégager quelque optimisme dans cette tragédie.
En cette période où les migrants frappent à nos portes, cette histoire interroge, comme un coup de poing nos consciences …
Un livre fort qui mérite son succès.
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C'est toujours avec un grand plaisir que je me laisse emporter par Philippe Claudel. Non pas que les endroits où il nous emmènent soient gais, loin s'en faut, mais parce que sa sensibilité transpire à chaque phrase. Son écriture est belle, les mots choisis, son regard sur le monde montre toujours la cruauté, la bêtise de l'homme mais aussi la beauté de l'amour, de l'amitié, des sentiments vrais !
Une fois de plus, Merci Monsieur Claudel !
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Un roman dur, qui révèle toute la noirceur de l'âme humaine. Malgré les non-dits et les approximations on comprend que le récit se déroule pendant la guerre dans un petit village allemand. Cela commence par un drame, et en filigrane on en sent un autre, palpable, qui est dévoilé peu à peu..... Brodeck, le seul lettré du village, est chargé de rédiger un rapport suite au meurtre d'un étranger par les villageois. Quelle noirceur : la vilennie et la bêtise des villageois, la peur de l'inconnu, la violence de la guerre et de la déportation, l'intolérance du groupe envers l'étranger ..... tous les travers de l'âme humaine sont décrits avec brio. L'auteur parvient à dépeindre la laideur avec élégance et poésie : quel talent !!!!!
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Qu'importe que le roman se situe au lendemain de la seconde guerre ou au lendemain d'un quelconque autre conflit mondial.
La honte est là, le déshumanisation, la vengenance, la rancune, mais également la sincérité, l'amour, la quête de l'homme.
Ce livre est boulleversant.
Par certains aspects, il rappelle Primo Levi.
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C'est un livre bouleversant, très fort, sur les camps de concentration, la survie " après" et la méchanceté terrible dont est capable l'être humain.On s'émeut, on s'indigne, on compatit pour le personnage de Brodeck, bouc émissaire des lâchetés des autres villageois, dans leur désir infâme de punir quelqu'un, " L'Anderer", autre en Allemand, celui dont on ne veut plus.Celui qui en fait reflète leurs propres méfaits et malhonnêtetés morales.La xénophobie, la cruauté, les compromissions, la trahison, toutes ces tares humaines dégradantes se déchaînent dans ce roman , créant une atmosphère glaciale et terrifiante.

Personne ne sort indemne de cette lecture.
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