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4,1

sur 3375 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Brodeck. le passé de Brodeck, si douloureux quand nous devons concevoir que ce sont des êtres humains semblables à nous, et que nous aurions pu être, qui sont à l'origine de tant de douleur. le village de Brodeck, mais combien faut-il de générations pour prétendre en être originaire? (réponse impossible, il faut juste ne pas être le dernier arrivé). Les amis de Brodeck, rien de moins acquis. La famille de Brodeck, mutilée, issue de nulle part, et sa seule raison de vivre. Au milieu de toute cette bassesse, Brodeck doit sceller son destin….

J'ai hésité avant d'entamer ce livre, car des lectures antérieures, pourtant lointaines, m'ont déjà sufisamment choquée, blessée, traumatisée même pour que je n'ai ni l'envie ni le besoin de raviver ces souvenirs. Comme le dit Claudel “Raconter ne sert qu'à entretenir les plaies comme on entretient les braises d'un feu afin qu'à notre guise, quand nous le souhaiterons, il puisse repartir de plus belle”
C'est la magie de cette belle écriture qui m'a permis de traverser ce roman, poignant mais au combien désesperant. Nous ne sommes de nulle part, rien ne nous appartient, et tout peut basculer d'un jour à l'autre.

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Ça commence comme un roman de Giono : un village isolé au milieu des montagnes, figé dans le temps, vivotant au rythme de ses habitants, des taiseux, sans âme ni mémoire. Tel en témoigne l'instituteur du village cf. " les hommes vivent un peu comme les aveugles, et généralement, ça leur suffit. je dirais même que c'est ce qu'ils recherchent, éviter les maux de tête et les vertiges, se remplir l'estomac, dormir, venir entre les cuisses de leur femme quand leur sang devient trop chaud, faire la guerre parce qu'on leu dit de la faire, et puis mourir dans trop savoir ce qui les attend..." (p.42).
Et pourtant très vite, on s'aperçoit qu'il s'y est produit un drame : les hommes du villages ont tué l'Anderer, un étranger, et mission est confiée à Brodeck, le seul du village ayant poursuivi des études à la Capitale, "d'expliquer ce qui s'est passé depuis la [venue de l'Anderer] et pourquoi ils ne pouvaient que le tuer".
Il appartient alors à Brodeck, lui-même arrivé au village devenu pensait-il son village, d'absoudre la faute collective des habitants.
L'auteur installe l'enquête dans une atmosphère pesante, distillant çà et là des menaces sourdes, oppressantes. La progression de l'intrigue s'en trouve affectée. Une progression rendue lente également par le fait que la rédaction du rapport ne laisse pas le narrateur indemne, révélant toutes les cicatrices jamais refermées, nées de l'occupation et de la captivité, et ravivées par l'attitude des villageois.

Dans un style sobre où exhalent les non-dits, l'auteur nous plonge dans un abîme où s'entremêlent sans jamais se confondre deux histoires : celle de Brodeck emprunt d'un réel humanisme, envahi par son passé et qui s'interroge, et celle du village préférant le confort de la torpeur où règne l'oubli.

P. Claudel manie avec habileté le chevauchement de ces deux histoires sans verser dans l'excès de manichéisme.
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Terrible histoire… Philippe Claudel excelle dans la pratique de ce genre de récit. le rapport de Brodeck est un témoignage de la dénonciation, de la vie dans les camps, du rejet, une peur de l'autre poussant à l'innommable. Brodeck se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment, il va devoir écrire le rapport de la disparition de de Anderer, cet homme arrivé dans le village et dont on ne sait rien. L'impossibilité d'exprimer les choses avec netteté dans cet écrit est extrêmement pesant, provoquant une atmosphère lourde qui ankylose dès le début de la lecture. La lenteur du rythme est difficile à supporter mais nécessaire à la narration. L'horreur se lie à l'horreur, des pans de vie du village se mêlent à ceux de Brodeck dans une atmosphère troublante et monstrueuse. Pas moyen de tourner la tête, c'est un face à face avec les pires cruautés dont l'homme est capable, la lecture pousse à la nausée. L'imaginaire de l'auteur est supplanté par la possibilité d'une vérité d'un réalisme intolérable.
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Connaissez vous l'expérience de Milgram?

Au sortir de la seconde guerre mondiale, plusieurs scientifiques se sont posé la question du "pourquoi" et "comment" un individu qui dit simplement obéir aux ordres, peut aller jusqu'à torturer une personne. Entre 1960 et 1963, le psychologue américain Stanley Milgram a évalué le degré d'obéissance d'un individu devant une autorité qu'il jugeait légitime, et il analysa le processus de soumission. Et le problème de conscience?

Malgré la controverse, les tests montraient des résultats troublants....

Ce livre aurait pu être un témoignage d'un rescapé de la seconde guerre Mondiale. Ce livre est un témoignage, imaginé, mais assez réaliste pour se dire que cela aurait bien pu se passer.

Le génie de Claudel, c'est de ne pas nommer : ni la seconde guerre, ni le pays où il se trouve, ni même le mot Shoah ou Juif. Permettant de tisser large dans les esprits, on se détache alors de la guerre et on s'intéresse plus particulièrement à l'histoire d'une vie, d'un village. Les répercussions des souffrances engendrées par la guerre sont aussi terribles que la guerre elle même.

L'auteur ne travail pas de façon linéaire, et au début de la lecture, les mises en abime ou les flash back étaient difficiles à dresser sur une frise chronologique. Mais plus on entre dans le récit, et mieux on comprend la raison de la confection de grand puzzle : une réalité aussi lourde et pesante est difficile à relater en une traite, l'esprit fait des détours pour mieux appréhender les choses. J'ai même eu l'impression à divers moments que le fait de "recoller" les morceaux éparses de sa vie était un moyen de se donner ou de se redonner une identité : un travail à la fois psychologique, mais également un devoir de mémoire . Car tout au long du livre, on ne saura pas le prénom de Brodeck. Il est Brodeck, de cela il est sûr.

Notre rapport à l'autre est malmené : Sartre disait que "l'enfer, c'est les autres". Mais l'autre est également un reflet de moi même. dualité importante entre la peur d'être mauvais et de se voir mauvais. La nuance est fine, certes, mais prégnante dans ce livre. Un village se dresse contre un "étranger" donc un autre que soit qui perturbe et dérange. L'Anderer, l'autre, aura un rôle de révélateur de personnalité enfouie de chaque villageois. Ces derniers, ne supportant pas ce qu'il voit de l'image miroir rendu par l'étranger feront éclore l'incompréhension, le racisme.

Mais peut on être juge et bourreau? Brodeck, doit rédiger son rapport au maire du village. Pourquoi lui et pas un autre? Les raisons apportées par l'auteur sont multiples, et nous pouvons prendre en considération l'une ou l'autre, ou toutes en même temps. Brodeck travaille seul à la rédaction, mais en parallèle, sa mémoire ressasse, et sa vie défile, des moments de joie au moments les plus atroces.

Les témoignages des camps de concentration sont nombreux, celui ci, même s'il ne s'agit pas d'une vraie histoire, dresse tout de même l'horreur de l'humanité envers son prochain. Bien des penseurs et des innocents survivants de ces camps ont écrit et parlé avec coeur de ces abominations. Je n'évoquerais donc pas ce qui se trouve dans le livre.

Les personnages sont exposés avec précision et minutie. On ne connaît pas le passé de tous, mais quelques lignes suffisent pour savoir qui on a en face de soi. La nature, très présente tout au long du livre, est également personnifiée. Se noue avec elle des moments doux et pénibles.

L'écriture est soignée, poétique, mais aussi mélancolique et tragique : l'inhumanité est dépeinte avec force et réalisme : la lâcheté, les crimes sous couvert de la masse et du nombre. Il n'y a ni empressements, ni rapidité, l'auteur ne bâcle ni les détails, ni les faits plus importants : le ton est égal et réfléchi.

Un mot sur la couverture : un visage quelconque, et en même temps un visage marqué, le regard fixe et déterminé. Mais intrigante, à l'image de son contenu.

Lien : http://lecturedaydora.blogsp..
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C'est toujours avec un grand plaisir que je me laisse emporter par Philippe Claudel. Non pas que les endroits où il nous emmènent soient gais, loin s'en faut, mais parce que sa sensibilité transpire à chaque phrase. Son écriture est belle, les mots choisis, son regard sur le monde montre toujours la cruauté, la bêtise de l'homme mais aussi la beauté de l'amour, de l'amitié, des sentiments vrais !
Une fois de plus, Merci Monsieur Claudel !
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Brodeck est un homme fragile, brisé par la folie des hommes. Lorsqu'un drame, dont les contours restent flous au départ, survient dans son petit village isolé au milieu des montagnes, il se retrouve, bien malgré lui témoin des turpitudes de ses semblables.
Brodeck va mêler dans son témoignage sur les circonstances implacables qui ont mené à la catastrophe, le récit de son propre passé, violent et tourmenté.

Il est vraiment attachant, Brodeck, car rarement on croise des personnages aussi touchés par la vie et qui pourtant font preuve d'une telle résilience.

L'ambiance de ce roman a un côté mystérieux dû à l'absence de repère spatio-temporel, même si on comprend rapidement que l'auteur situe son récit au lendemain de la seconde guerre mondiale, quelque part à proximité de la frontière allemande.
Il n'empêche. On a peu de repères concrets et cela confère un caractère assez universel à l'histoire que l'on pourrait aisément transposer en d'autres lieux, à d'autres dates. Et qui rappelle au lecteur que le mal peut se retrouver partout, tout le temps.

Et tout cela réalisé avec une grande finesse. Philippe Claudel sait parfaitement suggérer sans imposer, instiller sans forcer. L'histoire se met en place doucement, se dévoile peu à peu, dans toute son horreur. Ce rythme donné par l'auteur donne une forme d'inéluctabilité à l'histoire et à son dénouement, une tension bien présente qui donne le frisson au lecteur.
Un bien beau roman, qualifié de fable par certain, et assurément, il en possède toute la poésie et la justesse.
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Dans ce roman fascinant, Philippe Claudel file ou plutôt brode le mystère et la noirceur, d'un pas lent et tourmenté à travers la mémoire d'un homme et le passé de ceux qui peuplent son village. Brodeck est le narrateur de cette histoire qui se déroule peu de temps après la guerre dans un pays de l'Est qui pourrait être limitrophe de l'Allemagne et où le dialecte en usage se rapproche de l'allemand. Mais ces termes jamais ne sont prononcés, tout comme ceux de nazisme ou de juif. Les indices semés ici et là ne laissent pourtant aucun doute sur le contexte de cette fable cruelle. Brodeck est un homme plus cultivé que la moyenne, ni bien grand ni petit, rescapé d'un camp de concentration. C'est un lettré docile et consciencieux, et en tant que tel, il est chargé par les hommes de son village d'écrire un rapport sur le crime qui a été commis par eux tous, excepté par Brodeck qui clame son innocence dès l'incipit de ce roman. Un homme a été assassiné, un étranger au comportement insolite et incompréhensible, et Brodeck seul peut faire la lumière sur les événements qui ont conduit à cette abomination dont tous veulent se laver.

La langue de Philippe Claudel est précise et belle, aussi habile à décrire le village, ses habitants et les paysages qui les entourent, que les profondeurs insondables de l'âme humaine. L'humanité et l'inhumanité se mêlent avec brio dans cette histoire qui pourrait s'apparenter à un conte ou une parabole sur la cruauté, la culpabilité, ou la mémoire indicible. Les noms choisis par Claudel pour ses personnages sont admirablement évocateurs car ils croquent à eux seuls l'image de leurs porteurs, par leur phonétique ou le champ lexical qu'ils évoquent : Brodeck évoque celui qui brode, L'Anderer une sorte de noblesse lumineuse, Orschwir une ombre qui tourne, Göbbler une créature menaçante, Schloss une flaque qui se répand… le dialecte alémanique inventé par l'auteur apporte une profondeur imaginative au langage de ces villageois, une âme aux mots utilisés pour nommer les choses et les hommes. On suit la pensée de cet homme donc, ce témoin qui ne juge ni ne venge, lui qui a abandonné son humanité dans les camps pour devenir « Chien Brodeck », et qui pourtant a survécu, portant en lui la plus belle des humanités et la plus grande des menaces, celle du souvenir. Mais comme l'histoire nous le raconte, il n'est jamais bon de porter un miroir au visage des Injustes parmi les nations…
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Ou l'effarante banalité du mal !
Dans un lieu indéterminé et à une époque toute aussi indéterminée, Philippe Claudel nous conte la sinistre histoire de Brodeck, le "chien Brodeck", le "fremder Brodeck", celui qui en trente ans de son existence va subir deux guerres, la fuite, l'incarcération en camp de concentration, le retour au village avec la surprise effarée de ses concitoyens, la méfiance des villageois ...

Philippe Claudel a réalisé dans cet ouvrage un condensé des horreurs qui ont balisé le vingtième siècle, en mettant le doigt sur les tares humaines qui conduisent au pire : la peur, la lâcheté, l'indifférence, l'esprit de lucre, la haine, le goût du pouvoir, la volonté de puissance, le renoncement .... (et j'en oublie).
Il est bien évident que tout ce qu'il raconte évoque immanquablement L'Histoire. Mais jamais dans son récit, il ne s'accroche directement à la seconde guerre mondiale, ce qui fait la force de son récit. En supprimant le factuel de données historiques il ne laisse place qu'à la seule monstruosité humaine, qui en tout temps, en tout lieu réussit à transformer le monde en cloaque, en réceptacle de toutes les abominations.

Il a préféré développer un récit allégorique puissant dans lequel son "héros" devient le parangon du pauvre hère subissant les secousses de l'histoire, ployant sous le joug, mais grâce à cela trouvant le moyen de survivre. La résistance l'aurait automatiquement envoyé à la mort. A-t-il eu tort ? raison ?à chacun d'en juger selon ses propres critères !

Et ce mal qui a contaminé le monde n'épargne rien, ni personne. Il se répand partout, y compris dans les lieux les plus reculés, tels ce village apparemment idyllique, niché entre montagne et forêt, quasi inaccessible, mais où pourtant les habitants, vivant en autarcie, seront rongés par cette lèpre et deviendront capables du pire !

Et le pire, ils le feront subir à " l'Anderer". Je ne dévoile rien en disant cela, puisque c'est ainsi que commence le roman, par cet "Ereigniës" fondateur de l'intrigue.
L'Anderer, c'est l'autre, l'étranger, celui qui vient d'ailleurs, d'on ne sait où ?, qui est forcément différent, celui que l'on rejette ... Donc, "l'Anderer" qui vient s'installer au village, est un être dangereux. Il parle peu, regarde et écoute beaucoup, dessine, écrit dans son carnet, mais que peut-il bien dessiner et écrire ? Cet homme est diabolique ! il est là pour jauger, pour nous juger ! c'est inadmissible, il n'a rien à faire parmi nous .....
Ainsi va la vie !
Eternel recommencement de la violence et de la haine.
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C'est un livre bouleversant, très fort, sur les camps de concentration, la survie " après" et la méchanceté terrible dont est capable l'être humain.On s'émeut, on s'indigne, on compatit pour le personnage de Brodeck, bouc émissaire des lâchetés des autres villageois, dans leur désir infâme de punir quelqu'un, " L'Anderer", autre en Allemand, celui dont on ne veut plus.Celui qui en fait reflète leurs propres méfaits et malhonnêtetés morales.La xénophobie, la cruauté, les compromissions, la trahison, toutes ces tares humaines dégradantes se déchaînent dans ce roman , créant une atmosphère glaciale et terrifiante.

Personne ne sort indemne de cette lecture.
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L'homme est ainsi fait qu'il préfère se croire un pur esprit, un faiseur d'idées, de songes, de rêves et de merveilles. Il n'aime pas qu'on lui rappelle qu'il est aussi un être de matières, et que ce qui s'écoule entre ses fesses le constitue autant que ce qui s'agite et germe dans son cerveau.
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