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sur 3163 notes
Nous sommes dans une petite bourgade de l'est de la France près de V. (certainement Verdun), durant la première guerre mondiale, à quelques kilomètres des tranchées. Par un froid matin d'hiver, le quotidien de ce village se trouve bouleversé par la découverte d'un corps flottant dans un marais. C'est celui de Belle de jour, petite fille de 10 ans. Qui l'a tuée ? Les soldats en permission aperçus à proximité du lieu du crime ? le procureur dont la demeure est attenante au marais ? Un vagabond passant par là ?

Une histoire loin d'être joyeuse en somme, mais cette grisaille en fait paradoxalement sa beauté.

En avançant dans la lecture de ce roman, j'ai eu l'impression de progresser dans un épais brouillard. Au début, on ne distingue que quelques contours, le lecteur est laissé dans l'indécis. Et peu à peu la brume se dissipe les formes deviennent plus nettes et la trame se révèle. L'histoire apparait, le passé tourmenté des personnages également. La façon qu'à Philippe Claudel de maitriser son récit est superbe, l'intérêt du lecteur étant savamment entretenu au fil des pages.

Le roman prend place en plein conflit. Fidèle à son parti pris naratif, l'auteur choisit de nous faire deviner la guerre plutôt que de la décrire. Pas de bataille, mais des blessés rapatriés, des soldats en permission ou des convois réquisitionnant les routes. le front est là, tout près, mais invisible.

Les Ames Grises : que ce titre est bien choisi. L'humain dans ce qu'il est de plus vrai, ni tout noir, ni tout blanc. Un très beau livre.
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Très bien adapté au cinéma par Yves Angelo et Philippe Claudel lui-même, ce roman plonge le lecteur dans un monde profondément marqué par la guerre dont on entend l'écho lointain tout au long du livre. le narrateur est un policier mais on ne l'apprend que tardivement. Tous les personnages correspondent bien au titre sauf Belle, la plus jeune des trois filles de Bourrache, le patron du restaurant où mangeait le procureur Pierre-Ange Destinat. En 1917, il est à la retraite depuis un an.
Ce premier décembre 1917, par « un temps de Sibérie », le corps de la petite (10 ans) que l'on appelle Belle de jour, est retrouvé sans vie, dans l'eau, près du mur de clôture du château : « Elle ressemblait à une princesse de conte aux lèvres bleuies et aux paupières blanches. » L'intrigue est lancée et le roman va se dérouler dans une ambiance des plus pesantes avec des personnages d'un autre siècle que l'auteur campe remarquablement.
Le contexte social est bien décrit aussi avec ce château et cette propriété dont a hérité Destinat, descendant d'un industriel. Destinat est veuf et n'a gardé qu'une cuisinière. L'usine est toujours là et ses 800 ouvriers sont réquisitionnés pour le service civil : « Huit cents gaillards qui, chaque matin, sortiraient d'un lit chaud, de bras endormis, et non d'une tranchée boueuse, pour aller pousser des wagonnets plutôt que des cadavres. La bonne aubaine ! »
Arrive enfin Lysia Verhareine, jeune et belle femme, pour remplacer l'instituteur à l'esprit dérangé, surnommé le Contre qui avait remplacé Fracasse, le titulaire parti au front. « La guerre déroulait son petit carnaval viril sur des kilomètres et de là où nous étions, on aurait pu croire à un simulacre organisé dans un décor pour nains de cirque. »
Les premiers convois de blessés arrivaient dès septembre 1914 : « je parle des vrais blessés, de ceux qui n'avaient plus pour chair qu'une bouillie rougeâtre et qui étendus dans les camions sur des civières pouilleuses râlaient doucement… »
Deux déserteurs se révèlent des coupables idéaux pour le juge Mierck et le colonel Matziev, chargés de l'enquête et qui ne reculent devant aucun moyen pour obtenir des aveux. Pendant ce temps, Clémence, l'épouse du narrateur, vit des moments très difficiles… La guerre est terminée. On inaugure le monument aux morts le 11 Novembre 1921 et on découvre les lettres de Lysia…
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Les âmes grises ! Y'a-t-il une leur d'espoir à la page suivante ?
A voir les sourires s'effacer les uns après les autres, nul n'échapper à la suspicion, on perçoit aussi "le ciel bas et lourd qui pèse comme un couvercle" (*), au-dessus de ce village dont on ne connaîtra pas le nom, mais dont on apprend qu'il voisine avec la ligne de front. de ses hauteurs on peut même percevoir au loin la marche inexorable de la grande faucheuse. Elle couche les hommes comme la moissonneuse les épis de blé mûr.
La quête, l'espoir de l'embellie donne de l'appétence et fait avaler les chapitres. Mais pas seulement. Elle est exhaussée par le beau talent d'un narrateur qui s'adresse parfois à son lecteur et sait le tenir en haleine. Avec sa maîtrise du style imagé et de la personnification, Philippe Claudel s'ingénie à faire exprimer aux choses les vérités que l'infamie de la nature humaine tente de dissimuler.
Le destin qui broie une génération dans la fleur de l'âge, à portée de regard, n'a pas son content de vie humaine. Il se plaît aussi à reprocher aux crédules la jouissance de quelques instants de bonheur. Telle Lysia Verhareine, la jeune et belle, trop belle, institutrice remplaçante du village, lasse de l'inquiétude qui lui ronge le coeur, elle est venue aux confins de la zone de guerre tutoyer le malheur. Elle est venue là pour tenter de discerner dans le grondement du canon le battement du coeur de son aimé. En forme d'exorcisme.
Ou bien celle qu'on surnomme Belle de jour. Une pauvrette d'une dizaine d'années dont le seul tort aura été de croiser son assassin. Ce qui deviendra l'Affaire. Mais en ces périodes sombres où la justice n'est pas trop regardante sur le bon droit, on cherchera plus à l'expédier cette affaire qu'à l'élucider. Un bouc émissaire ira donc tout aussi bien qu'un vrai coupable. D'autant que la vérité pourrait bien déranger quelque notabilité. Deux déserteurs seront donc tout désignés pour endosser le crime, même s'il faut user de quelque procédé d'un autre âge pour obtenir des aveux. Ne sont-ils pas déjà coupables. Terrorisés à l'idée de retourner dans les tranchées, hantés par le souvenir des corps déchiquetés, des cris de désespoir de ces hommes cloués dans les barbelés qui appellent leur mère, ils préféreront précipiter la mort plutôt que de la laisser continuer à les narguer.
Le narrateur acteur de cet ouvrage ne sera pas en reste enfin. On ne connaîtra pas son nom mais le destin lui fera comprendre que lui aussi a consommé son capital bonheur.
Est-ce un ouvrage immoral dans lequel règne l'injustice ? A reconnaître la perversité du juge et de son acolyte galonné on serait tenté de le croire. Toute innocence dissimule-t-elle des traces de culpabilité ? "Les salauds, les saints, j'en ai jamais vu. Rien n'est ni tout noir, ni tout blanc. C'est le gris qui gagne. Les hommes et leur âme c'est pareil… T'es une âme grise, joliment grise, comme nous tous…"

Le Renaudot est réputé réparer les injustices du Goncourt. C'est au moins ça pour ce beau roman. Ce n'est pas volé.

(*) Baudelaire : Spleen
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Je me sens presque gênée, mais voilà je ne déborde pas d'enthousiasme pour ce texte.
Je l'ai trouvé très lent. J'ai eu du mal à entrer dans l'histoire contée. Je n'ai pas accroché aux personnages, aucun ne m'a émue.
La description de la société pendant la guerre m'a davantage intéressée. Mais de là à mettre "meilleur livre de 2003" sur le bandeau du roman.....
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Encore un roman de Philippe CLAUDEL qui dévoile son immense talent de conteur et sa maîtrise parfaite d'une langue française qui utilise les mots de tous les jours pour dire l'extraordinaire du quotidien, même terne, même gris. A travers la recherche de la vérité sur ce crime, ce temps, cette vie perdue, c'est le fond de lui-même que sonde le narrateur, dont on apprendra très tardivement qu'il était policier dans le petit village où 'Belle de jour', une fillette de 10 ans a été étranglée. Nous sommes en pleine guerre 14-18, l'horreur du front, qui n'est pas loin, se rend visible à ceux qui sont restés pour faire tourner l'Usine par les hordes de militaires qui y vont et les cohortes de blessés qui en reviennent. Au village, la bourgeoisie tient le haut du pavé, décide, au mépris du vrai, ce qui doit être la vérité tandis que les petites gens se courbent et se taisent car on ne leur a jamais dit qu'il pouvait en être autrement.

"Les âmes grises" (Prix Reanudot 2003) n'est pas seulement (et même très peu) une enquête policière. C'est d'abord le long cheminement d'un homme, le narrateur, qui fouille le passé pour retrouver qui il a été, pouvoir le dire, pouvoir enfin se sentir libre de renouer avec son amour de toujours, Clémence!

Roman très agréable à lire. Recherche profondément humaine de qui chacun peut être ou devenir.
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Nous sommes en 1917, la Grande Guerre fait rage... Ceux qui croyaient qu'elle ne durerait pas, déchantent.
Dans un petit bourg du nord-est de la France, situé près de la ville de V., juste assez près du front pour que les habitants entendent les obus, une petite fille de 10 ans est découverte morte : elle a été étranglée. C'est la petite "Belle de jour" que tout le monde connaissait alentour, puisque son père tient "le Rébillon", le seul restaurant du bourg.
Vingt ans plus tard le narrateur, un policier qui a participé à l'enquête (ce qu'on ne saura que vers la fin du roman) et dont on ne saura jamais le nom, se souvient de cette terrible journée glaciale de décembre...
"Belle de jour" avait été retrouvée sur les berges du canal à deux pas de l'usine et du château, la demeure du procureur Destinat.
Le procureur y vivait seul depuis de nombreuses années avec ses domestiques, depuis que sa toute jeune femme était prématurément décédée.
Qui a fait le coup ? le procureur Destinat, toujours triste et seul, qui a été aperçu avec la fillette la veille au soir ? le juge Mierck, personnage dégoûtant et imbu de sa personne ? Un homme du village qui avait trop bu ? Un déserteur de passage, fuyant le front ? Un des ouvriers de l'usine ?
L'affaire ne sera jamais résolue et va soulever beaucoup d'interrogations...

Le narrateur note ses souvenirs dans un petit carnet. Il nous décrit les lieux et les gens avec minutie et discrétion.Il se remémore aussi les conséquences que l'enquête a eu sur sa vie personnelle, et le drame qui l'a broyé à jamais...
Ces morts-là prennent toute la place occultant ceux de la Grande Guerre toute proche.
Le récit monte crescendo dans le drame, créant une tension qui ne se démentira jamais, au fur et à mesure que le narrateur dévoile peu à peu les secrets, enfouis au plus profond de lui toute sa vie ,et qui ne seront révélés en totalité au lecteur qu'à la toute fin de l'histoire...
C'est un récit bouleversant où la frontière entre le bien et le mal est floue, rien ni personne, n'est tout blanc ou tout noir...Les âmes sont grises parce terriblement humaines...tout simplement d'où le titre du roman.

J'ai une fois de plus été plus que séduite par l'écriture de cet auteur, toute en finesse et je ne regrette pas d'avoir choisi cette relecture...

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Univers prenant, angoissant, personnages campés hauts en couleur, crime insoutenable, il y a tout pour plaire dans ce roman etrange, talentueux, qui se lit comme un thriller psychologique d'une magistrale galerie de portraits . le genre de roman qu'on referme et qui reste longtemps avec vous.Philippe Claudel n'écrit pas pour ceux qui veulent comprendre l'histoire dès les vingt premières pages. Il faut mériter le livre et se torturer l'esprit avec le personnage principal. L'écriture est superbe, directe et sans fioriture. Les sentiments font mal mais nous les désirons. Ce livre est superbement construit et laisse le lecteur délicieusement desorienté jusqu'à la dernière page.
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Que dire de ce livre entré, je pense, dans les vrais classiques en libraire? Il réunit tant une qualité d'ecriture, qu'un rythme lent mais intense, une sensibilité forte et une atmosphère lourde, prenante.
J'ai mis beaucoup de temps à le sortir de ma pile des « livres à lire ». Il ne fait pas partie des livres que j'ai dévorés mais repris tranquillement avec envie.
Seule nuance, l'histoire avance au gré des pensées, des réflexions du narrateur... les chemins sont parfois tortueux avec des tours et des détours. Il faut le suivre...
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Quelle affaire ! Une bien sale affaire pour mettre en scène des personnages aux âmes plus que grises, bien noires pour la plupart. Pourquoi une telle concentration d'âmes grises ? le titre nous le révèle. "Les âmes grises " et pas des âmes grises, au sens de là et à cette époque. Non il s'agit de "Les âmes grises" comme si cette parcelle de société peut être généralisée à toute la société et même au-delà de l'époque de la guerre 14-18, à toutes les époques et à toutes les générations. On observe aussi que ces âmes grises se trouvent chez les humbles comme chez les dignitaires, ceux qui devraient être exemplaires: les magistrats et l'officiers de police. de quoi espérer alors ? Cette période de guerre ne fait qu'accentuer la gravité et l'ampleur des délits de privilégiés alors que, pendant ce temps, tant de braves sont condamnés à mourir ou par chance devenir estropiés pour sauver la patrie. Heureusement, comme une pincée de sel réhausse le goût de tout un plat, une pincée d'individus de cette société nous donne à espérer de l'humanité et même sauve l'humanité. Il s'agit de Belle, belle et pure comme la Sainte Vierge dira un protagoniste, de Lysia Verhareine, la jeune institutrice dont l'amour est absolu et de quelques autres dont Constance épouse et mère idéalisée. L'auteur écrit à la première personne: je...vous raconte mes souvenirs d'événements auxquels j'ai assistés, d'autres que l'on m'a rapportés que je tiens pour vrais et enfin ceux de mon fait. Cette mise en scène de l'auteur nous donne une vivacité au texte. Mais aussi nous cheminons dans son destin, avec ses hésitations, ses analyses, ses sentences, ses espoirs, sa solitude, ses choix et pour terminer en son âme grise également qu'il nous confesse. Nous éprouvons un grand malaise au terme. Nous aimerions rétablir un peu de justice en notre humanité. Mais n'avons-nous pas à nous interroger avant de juger ? Avons-nous la capacité à le faire ? Où se situe le curseur de la couleur de notre âme, blanche, noire ou grise ? Incontestablement un chef d'oeuvre. Un chef d'oeuvre car le questionnement sur la couleur qui s'impose à chacun est et sera toujours d'actualité là où nous sommes. En relation à la couleur grise de nos âmes, je ne peux m'empêcher de faire un lien avec une citation de Claude Chabrol: “Il faut accepter d'être parfois le pigeon, parfois la statue." Et je pourrais ajouter, parfois en ignorant que l'on est le pigeon et la statue...
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Une petite ville assez proche du front pour vivre au son des canons et pour voir affluer, dans les estaminets, les soldats au repos et les mêmes détruits par la bataille, estropiés, défigurés.
Une ville avec son juge, son procureur, son policier, son usine, ses citoyens et sa vie propre dans la tempête. Une enfant est retrouvée assassinée près du «château » ou demeure le procureur, le policier enquête, le juge oriente ou plutôt l'empêche d'orienter son enquête vers un certain suspect…Une jeune institutrice s'installe pour remplacer son collègue masculin parti au front, elle fait l'unanimité mais quel est son secret ?…Le policier perd sa femme en couche; absent pour enquête, il n'a pu l'assister. Seule, elle n'a pu mettre son fils au monde.
Le policier arrive à la fin de l'histoire…il a passé son existence à chercher des réponses, à boire plus que soif, à parler à son épouse décédée, il ne sait pas qui a tué l'enfant, il a deux suspects mais pas de certitude, il prend son vieux fusil et part rejoindre Clémence.
J'ai été envoûté.
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