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Superbe...

Pearl (14 ans , en parait 8...).
Signe particulier : vit dans une voiture avec sa mère sur le parking d'un camp de caravanes en Floride...
Voilà...
Le "décor" est posé, on sait qu'on est chez les plus démunis des démunis américains....
Et elle ne se plaint pas de sa vie Pearl, elle adore sa mère qui fait des ménages dans un hôpital et qui l'a eu trop jeune. Elle ne connaît que cette vie, sa mère ayant fugué, enceinte, de la maison familiale à bord de sa Mercury, ( cadeau de ses parents pour ses 16 ans ). De son passé , on apprendra qu'elle vient d'une famille bourgeoise, et qu'il y a des vestiges de cette vie, plein le coffre (porcelaine de Limoge, argenterie, collier de perles...) .
Pearl s'est accommodée de cette vie avec bonheur, faisant avec une copine plus âgée, de ce camping, un terrain de jeux formidable, composant avec le danger, là juste devant ses yeux. C'est une gamine , terriblement attachante , à la fois lumineuse , terriblement aguerrie et profondément naïve, à l'image de son physique d'adolescente-enfant.
Un couple mère-fille bouleversant , un amour pour "toujours", jusqu'à ce qu'un homme mystérieux débarque dans le camp. Il n'y a pas que les balles qui sont perdues, dans ce roman, il y a aussi les baffes, que l'on voudrait distribuer à certains adultes et au système.
Un livre profondément original qui dénonce, qui enfonce et qui laisse le lecteur démuni , KO devant tant de misère sociale, tant d'injustices, tant de violence , tant de vies gâchées et tant de beauté dans l'écriture et le style.
Car si Pearl est si juste, si naïve et percutante dans ces réflexions , c'est grâce à des mots divinement choisis, pesés au millimètre près.
Quand la poésie et l'humour dénonce la précarité et le trafic d'armes aux USA, notre coeur fait boum et laisse à terre , pleins de Balles perdues...
Coup de coeur 2020...

Challenge Plumes féminines
Challenge Multi défis
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Ce que j'ai ressenti:

Balles Perdues, Filles aux vents…

Ce roman est une peinture contemporaine, en monochrome de sucre blanc et poudre noire, d'une Amérique confrontée à la montée en puissance du trafic d'armes. La violence et la vengeance à portée d'un doigt, viennent assombrir ce tableau idyllique de la fusion d'une mère célibataire et de sa fille étrangement diaphane. Margot et Pearl, perdues au milieu de rien, vivent de rêves et de chansons d'amour, au fin fond d'une Mercury Topaz, pendant que les tirs de fusils claquent à toutes heures. Une Perle demoiselle qui danse avec des fusils, et une Demoiselle Douceur se frottant à l'amour sifflant: il est des moments de grâce, qui ne dure qu'un temps…Et cette désynchronisation, s'appelle… Eli.

« -Pearl, mon bébé, a-t-elle dit, je crois au coup de foudre, à l'amour au premier regard. Alors fais bien attention à ce que tu regardes. »

Tant de douceur…

Jennifer Clement a une plume guimauve, elle panse avec de jolis mots, les pires traumatismes et, lire cette histoire, c'est sentir le pétillement des grains de saccharose fondre dans la bouche…J'ai adoré la douceur qu'il se dégage de ses pages, et même s'il n'en reste pas moins que l'auteure dénonce un vrai problème de société, cette vie de marginales parfumée au spray Raid et auréolée de souffle magique d'empathie, a su me toucher en plein coeur. Plus efficace encore, que le tir d'une balle meurtrière…J'ai aimé la sensibilité et la manière poétique de Jennifer Clement d'enrober de moelleux, l'énergie négative de ces vies, à l'orée de la société…Il y avait du charme dans ces vies singulières, et je me suis régalée de découvrir une autre façon de vivre, un peu moins commode certes, mais avec un sachet de plus, en liberté suave…

« Ne sois pas trop prudente. On n'est que de la poussière d'étoiles, tu sais. »

…Dans un monde de brutes…

On a pleinement conscience, malgré ses deux anges égarées qui voltigent sur la décharge, que la peur et la violence prennent leurs aises, que les accidents sont trop vite arrivés, que la haine envahie les paysages, que les armes font partie du quotidien. Omniprésentes. Clinquantes. Fatales. le décor est saturé de poudre, d'yeux-revolvers, de détonations assourdissantes, elle est tellement là, cette banalisation de port d'armes, que même la jeunesse n'en mesure même plus les dangers, et se perdent dans ses affres…Cela en est désolant…

« La vie est toujours juste au bord de la mort. »

Un cri d'alarme, une jolie rencontre féminine, je suis conquise…Il me tarde de lire d'autres livres de Jennifer Clement, et notamment, curieuse de découvrir ses poésies…





Ma note plaisir de Lecture 9/10



Remerciements:
Je tiens à remercier très chaleureusement Babelio ainsi que les éditions Flammarion pour leur confiance et l'envoi de ce livre! Ce fut une lecture pleine de charme.
Lien : https://fairystelphique.word..
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Dans une Floride pauvre, l'entrée d'un camp de caravanes, une vieille Ford Mercury. C'est là que vivent Pearl quatorze ans et sa mère Margot un peu naïve, un peu rêveuse mais quelque fois lucide sur la nature humaine. La gamine n'a connu que ce seul toit, arrivée quand elle était encore bébé quand sa mère adolescente avait fui une famille bourgeoise, un père intransigeant et rigide, pour l'élever seule. Au delà de cette relation fusionnelle, Pearl a tissé des relations avec Avril May une autre ado, fille du sergent Bob, un vétéran de guerre et de Rose une infirmière, et avec Ray et Corazon, un couple de Mexicains. Avec le pasteur Rex, les relations sont plus difficiles, entre prêches en plein air et rachat d'armes à feu pour sauver le monde, son attitude reste ambiguë.
Ce fragile équilibre va exploser avec l'arrivée d'Eli qui séduit Margot, qui va délaisser sa fille, et vendre ses dernières valeurs pour aider un amant en qui elle n'a même pas confiance. Eli s'installe peu à peu dans la Mercury, trafiquant avec le pasteur Rex, éloignant toujours un peu plus la jeune ado.

Balles perdues est un roman d'apprentissage où Jennifer Clement s'attache à décrire une relation mère-fille fusionnelle qui, malgré une vie matérielle difficile, rend heureuse cette gamine, auprès d'une mère aimante mais trop fragile affectivement. Un roman où elle décrit ce camp où se sont retrouvés les exclus du système - les blancs pauvres - ou ceux qui l'ont refusé, un microcosme à la fois protecteur et dangereux où armes à feu sont échangées comme des ingrédients de cuisine et c'est le danger qui va triompher et verra le départ de la gamine.
Balles perdues est un roman à la fois tendre et poétique mais qui dépeint une réalité sordide entre trafics d'armes, de meth et autres drogues. Un terrain vague entre décharge et caravanes bricolées où va s'épanouir avant de fuir une petite gamine intelligente qui devra quitter sa mère qui n'a pas toujours su la protéger.
Un roman tendre, poignant et effrayant.
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Être né avec une cuillère en argent dans la bouche et décider, à 16 ans, de quitter la grande bourgeoisie pour vivre dans une voiture, ils sont pas nombreux à faire le chemin dans ce sens-là. Margot France est de ceux-là. Quant, adolescente, elle tombe enceinte d'un professeur largement plus âgé, sa décision est prise, elle accouche dans sa baignoire, réunit quelques affaires et file s'installer dans une Mercury Topaz à l'entrée d'un parc de caravanes avec la petite Pearl sous le bras en espérant que personne ne lui demandera jamais de produire un certificat de naissance.
Malgré la pauvreté et la promiscuité de cette situation, la vie ne se passe pas si mal pour ces deux-là, faite de chansons d'amour qu'elles fredonnent à longueur de temps, de l'odeur tenace du Raid pulvérisé tous les soirs dans l'habitacle qui imprègne tout et des trésors chapardés à la riche famille de Margot qui s'entassent dans le coffre. Pour Pearl, devenue adolescente et qui n'a jamais connu autre chose, tout cela semble normal et ne l'empêche pas, avec Avril May sa meilleure amie vivant dans une caravane du parc, d'accumuler avec insouciance les petites bêtises propres à son âge. Bref, une existence plutôt douce que l'arrivée d'Eli, inconnu au bataillon, va faire chavirer en faisant tourner la tête et les sens de Margot et voilà Pearl qui, se sentant rejetée, passe le plus clair de son temps à s'introduire en douce dans les caravanes voisines, les découvrant toutes remplies d'armes, la plupart en transit pour le Mexique. Quoi d'étonnant dans ce trou de Floride perdu au milieu de nulle part où tout le monde est armé et où tout le monde trouve ça formidable, dégainant pour tirer sur, au choix, des bébés alligators, des troncs d'arbre, des panneaux de signalisation et même pourquoi pas, une fois, sur la Mercury ? La routine quoi... Mais l'arrivée soudaine du plus que louche Eli ne peut pas être le fait d'un hasard qu'il prétend affirmer, quelque chose forcément le lie à cet illicite commerce d'armement...

Racontant la vie des rednecks, démunis, révérends louches et autres vétérans du Vietnam, tous fous d'armes à feu, Jennifer Clement fait le choix intelligent de la dénonciation non-manichéenne du deuxième amendement. Que ses personnages soient bienveillants ou mauvais comme la teigne, pas un qui ne soit pas armé et qu'importe que leur coeur soit bon ou noir comme l'ébène, qu'ils portent un flingue parce que tirer sur tout ce qui bouge est devenu leur raison de vivre ou qu'ils se livrent à un petit trafic illégal parce qu'il faut bien manger, ça ne fera aucune différence quand il incombera à la Faucheuse de désigner ceux qui, ayant vécu par la poudre, périront par la poudre. Dans tous les cas, rien de bon, jamais, ne peut sortir du barillet.
Balles perdues tire parti d'une écriture soignée mais le style poétique et élégant de Jennifer Clement ne compense pas une intrigue par trop simpliste et une critique de l'industrie de l'armement un poil trop molle du genou quand on l'aurait voulu tellement plus combative et que la NRA s'étouffe avec !
Au final, un livre agréable à lire mais malgré tout un livre qui se fera tranquillement oublier.
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Pearl a quatorze printemps, le teint diaphane, les cheveux blonds comme les blés, elle a cessé de grandir depuis ses onze ans et ressemble à un petit ange égaré qui aurait échoué dans un camp de caravanes floridien où elle partage une Mercury avec une mère aussi attachante que paumée.

Adolescente intrépide, Pearl va à l'école, respire l'air vicié de la décharge toute proche et vole des cigarettes aux autres membres du camp qu'elle fume en cachette avec sa meilleure amie Avril May au bord de la rivière infestée par des alligators.
Sa mère travaille comme femme de ménage dans un hôpital pour vétérans, elle a fui la haute société à dix-sept ans, emportant quelques souvenirs et son bébé et n'a plus quitté le camp de caravanes depuis, musicienne et rêveuse, elle construit dans sa voiture reconvertie en logement de fortune un monde de poésie et d'amour pour sa fille.
L'arrivée d'Eli, un texan au passé trouble et au sourire enjôleur va briser le quotidien de Pearl tandis que les armes à feu affluent toujours plus nombreuses, recueillies par le pasteur Rex qui vit et officie dans le camp, dans le cadre d'une opération douteuse de lutte contre la violence armée.

Dans sa première partie, le roman nous saisit par l'effet de contraste entre la misère dans laquelle évoluent Pearl et sa mère et le bonheur aussi lumineux que fragile qui emplit leur quotidien. Jennifer Clement marche sur un fil et réussit à créer un monde où la poésie l'emporte sur la misère, où les rêves sont plus forts que la réalité, où un ange de quatorze printemps évolue en apesanteur parmi les laissés pour compte d'une certaine Amérique.

Aussi soudaine qu'impitoyable la violence fait irruption, Pearl quitte en un instant les rivages enchantés de l'enfance et doit faire face au mélange de noirceur et de folie qui emplit le coeur des hommes. Dans cette seconde partie, Jennifer Clement ne laisse jamais sombrer son héroïne, l'horizon s'est obscurci mais la jeune adolescente ne renonce pas, la poésie du monde n'a pas disparu, Pearl continue de fumer des cigarettes à la chaîne en contemplant un magnolia couvert de fleurs blanches qui commencent à faner.

« Balles perdues » est un livre étrange et rare qui ne saurait être résumé à une dénonciation de la prolifération des armes à feu, c'est un livre qui nous parle des oubliés de l'Amérique, de la magie de l'enfance, de la force des rêves, de la beauté d'une musique oubliée, du goût acidulé des cigarettes qui apaisent les affolements du coeur, et surtout du courage intrépide d'un ange diaphane qui refuse de se perdre au coeur des ténèbres.
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"Balles perdues" dresse le quotidien d'une population défavorisée, parquée dans un lieu isolé, vivant avec le strict minimum et survivant grâce à la débrouillardise et au trafic d'armes. Une adolescente nous raconte son histoire, sans pathos.
Le récit se déroule dans l'État de Floride, de nos jours.
Pearl, quatorze ans, vit avec sa mère, Margot, dans une vieille voiture sur le parking d'un camp de caravanes. L'adolescente grandit à la frontière d'une décharge bordée d'une rivière remplie d'alligators. Entre l'amour et l'insouciance de sa mère, et la solidarité qui règne au sein de la communauté qui l'entoure, Pearl est heureuse. Mais, le trafic d'armes s'installe. On vit au milieu des balles. Et l'arrivée d'un homme au passé obscur, va tout changer.
Pearl évoque ses conditions de vie mais ne s'en plaint pas. Elle habite dans la vieille Mercury de sa mère depuis sa naissance. Sa chambre se trouve sur le siège avant et celle de sa mère sur le siège arrière. le coffre fait office d'armoire et de garde-manger. Pearl va à l'école et passe son temps libre avec sa meilleure amie qui vit dans la caravane d'à côté .
Margot, sa mère, a grandi dans une belle et grande maison qu'elle quitte lorsqu'elle se retrouve enceinte à l'âge de seize ans. Elle s'installe dans le camp pour quelques jours, elle y restera quatorze ans. Elle trouve un travail, scolarise sa fille et le quotidien suit son cours. À l'arrivée d'Eli, un beau texan, Margot retrouve une vie de femme. Pearl n'a plus sa place dans la Mercury.
Si Margot m'a un peu agacé en raison de sa naïveté et de sa frivolité, j'ai trouvé le personnage de Pearl attachant. N'ayant jamais connu autre chose, elle semble se contenter de la vie qu'elle mène alors que l'environnement est terriblement malsain et dangereux.
Avec une plume incisive, Jennifer Clement dénonce l'usage des armes à feux aux Etats-Unis, un pays dans lequel les citoyens défendent ardemment leur droit d'en posséder. Un sujet d'actualité.
Un roman sombre et engageant.
Lien : http://labibliothequedemarjo..
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Balles perdues est une des belles surprises de cette rentrée littéraire !

En tant que grande passionnée de littérature américaine, j'avais très envie de lire ce titre qui avait tout pour me plaire. J'ai pris un grand plaisir à découvrir cette romancière et son nouveau titre : un livre émouvant et dramatique.

Dès le départ je suis tombée sous le charme de l'héroïne. Une jeune adolescente d'une grande perspicacité et qui va être confrontée à l'injustice, aux adultes, à des drames terribles.

Pearl est dans la lignée de ces héroïnes inoubliables et attachantes, je pense à Lucy in the sky (Pete Fromm), Turtle (My Absolute darling de Gabriel Tallent), je pense à ces adolescentes qui doivent affronter de nombreuses épreuves dont tout particulièrement le désistement voire la cruauté des adultes/parents et les désillusions existentielles.

Ce roman se lit d'une seule traite, le lecteur voulant savoir comment tout cela va continuer, se terminer et même commencer d'une certaine manière. Nous attendons avec espoir que la lumière entre dans la vie de cette jeune fille qui voit sa mère s'éloigner d'elle, qui voit entrer dans sa vie un être malveillant, qui va devoir quitter ses repères.

J'ai aimé ce livre car il aborde des thématiques très importantes, car il est construit sous une forme de narration interne où j'ai pu apprendre à connaître Pearl et à l'aimer. J'aimerais même une suite pour la retrouver et voir ce qu'elle est devenue. Cependant j'aime aussi savoir que chaque lecteur pourra lui donner sa propre fin.

En définitive, un très beau roman qui tient sa force de ce personnage central si charismatique, une perle littéraire à l'image du nom de son héroïne: Pearl.

*Le livre paraît demain -22 août- mais afin de respecter mon engagement envers Babelio je publie mon avis un peu plus tôt*
Lien : https://leatouchbook.blogspo..
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Quand Harmony Korine rencontre les frères Cohen en littérature, ça donne du Jennifer Clement.
Pour ceux qui ne connaitraient pas les références ciné citées, hâtez-vous de regarder "Fargo" et "Gummo".
Pour les autres, vous voyez sans doute de quoi je parle, et vous vous faites une idée du genre.
Mais même là, on est encore loin de ce qu'est un roman de Jennifer Clement.
Des sans-abris, des gens paumés, de la poésie, de la douceur, et puis de la violence, à l'état brut. La violence de la vie qu'on passe dans une voiture quand on est qu'une enfant de 9 ans, la violence de la vie, quand on a une mère jeune et fragile, inadaptée à cette vie justement, et qu'il faudrait protéger pour pouvoir grandir.
Pearl, petite fille un peu albinos, pousse donc comme elle peut dans ce terrain vague de Floride, aux bords d'une décharge et d'une rivière toxique.
Elle a quelques amies, et c'est pas toujours facile de trouver sa place dans ce no man's land cerné par les alligators, animaux et humains.
Et puis sa mère tombe amoureuse, d'un type qui sent le parfum Brut.
Comment croyez-vous que tout cela va finir ?
Un drôle de récit, une drôle d'ambiance, des personnages attachants, un style simple et poétique : Jennifer Clement, je vous retiens, et je vous relirai.
Merci beaucoup à Babelio pour cet envoi, et merci aux éditions Flammarion pour la découverte de cette géniale auteure.
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Un très beau roman d'une auteure qui m'était inconnue. Une chronique sur France Inter m'avait incitée à l'ajouter à ma longue liste de lectures à venir. Je ne regrette pas.
C'est à la fois dur et poétique, simple et complexe.. une jeune fille de 14 ans vit avec sa mère dans une voiture, sur un parking près d'un terrain jonché de caravanes. Dans ces caravanes, des âmes en peine, des perdus, des oubliés.. La mère de Pearl parvient à adoucir ce monde plein de violence pour sa fille Pearl, la voiture est une maison où chacune trouve sa place et pourtant il y en a si peu..mais elle a gardé des vestiges de son ancienne vie, tasses en porcelaine de France, argenterie.. et toujours surtout ce respect d'autrui, cette maladie de l'empathie ainsi nommée.
Et l'amour qui habite dans ce véhicule fait pour rouler mais qui n'avance pas, une voiture condamnée à rester à sa place, tout comme ses occupants. Il y a Avril May la seule amie de Pearl, puis Ray et Corazon, "le coeur" , il y a Noelle, Rose... Jennifer Clement décrit avec finesse et poésie un quotidien fait de pauvreté car personne ne possède rien, mais des rêves tout le monde en a.
Et il y a les armes, qui font des ravages.
Combien d'innocents paieront le prix injuste d'une balle perdue ?
C'est touchant, poétique, émouvant, j'ai vraiment accroché à ce roman lu en 24h, et je le recommande vivement, c'est un beau moment littéraire et des romans qui assument leur fonction de vous emmener loin vers d'autres horizons, eh bien moi j'en redemande..
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En Floride, au milieu de nulle part, Pearl, quatorze ans, vit avec sa mère, Margot, dans une Mercury. Cette voiture lui avait été donnée pour ses seize ans par ses richissimes parents.
La Mercury Topaz, de couleur rouge à l'origine, est posée sur un terrain de caravanes avec une sympathique pancarte : « Bienvenue au Camp d'Indian Waters ».

La vie de Pearl se résume à ce terrain de camping, à la décharge toxique juste à côté et l'école.
Sa seule amie, Avril May, vit, elle aussi, sur ce terrain dans une caravane avec ses parents.
Leurs seuls loisirs : fouiller la décharge à la recherche de quelque chose d'intéressant, aller fumer des cigarettes au bord d'un ponton, les pieds dans l'eau.

Dans leur vie, Pearl et sa mère ont trouvé un certain équilibre, dans leur voiture-maison, restant, quand même, dans une grande précarité.
L'irruption d'Eli, qui va devenir l'amant de Margot, rompt cet équilibre déjà très fragile.

« Quand je repense à ma vie dans la voiture, je la vois divisée en deux parties : avant que ma mère ne rencontre Eli et après. Ces mots, avant et après, sont comme des heures marquées sur une pendule. » (page 18).

Jennifer Clement, dans son livre « Balles perdues », nous donne à voir une Floride rurale, faite de « paumés » ; loin des pièges à touristes, des richissimes américains venant passer une retraite dorée ou des Cubains, non moins richissimes, ayant pu se payer le passage entre Cuba et la Floride.

Cet Etat est l'exemple même de cette Amérique à deux vitesses : violences sociales, économiques……
Ces américains modestes ont juste le droit de respirer les vapeurs toxiques de la décharge municipale. On y stocke des déchets hospitaliers, des détergents chimiques… Tout ce qui peut-être dangereux pour un être humain, sauf bien sûr pour ceux qui habitent le Camp d'Indian Waters.

« Dans notre coin de Floride, tout était perturbé. La vie était toujours comme une chaussure qu'on aurait mise au mauvais pied. » (page 16).

"Mme Roberta Young affirmait que la décharge avait des effets néfastes sur le secteur et que nous étions en train d'être lentement contaminés. Elle avait écrit des pétitions et les avait envoyées aux instances locales et fédérales. Mais personne n'était jamais venu pour inspecter la décharge ou vérifier notre eau." (page 68)

Le port d'armes légalisé, aux Etats-Unis, par le deuxième amendement de la Constitution et géré par les Etats, est aussi un point que l'auteur aborde.
Jennifer Clement détaille largement les problèmes causés par ce phénomène. Certains habitants du campement se livrent à un trafic très lucratif.
Des armes qui passent de main en main sans que l'on sache leur provenance, ni leur destinataire.
Un jour, Corazon, en couple avec Ray (deux Mexicains vivant du trafic), en nettoyant un revolver, tombe sur un pistolet encore plein de sang.

« Chez les Mexicains aussi, il y avait des armes partout.
Il y avait des fusils de chasse alignés le long d'un mur, et en piles dans le couloir qui menait aux chambres. Dans les deux chambres se trouvaient des mitraillettes, entreposées sous les lits. Dans le salon, de grands conteneurs remplis de pistolets. Des boîtes de munitions étaient également empilées le long des murs dans presque chaque pièce. » (page 135).

« Les armes appartenaient au pasteur Rex et à Eli. Ils se les procuraient grâce au programme du pasteur, ou ils les achetaient à des vétérans dans les hôpitaux ou dans des foires aux armes. Corazon les nettoyait et Ray aidait Eli à les revendre au Texas, mais surtout, il les passait au Mexique. » (pages 136-137).

Pearl est, à mon avis, le seul personnage solaire de ce roman. Elle est débrouillarde et essaie de voir le côté positif de la vie. Même si chaque jour qui passe, Pearl peut être reprise à Margot par les Services de protection de l'enfance et envoyée dans un foyer.

« Grâce à ma mère, je savais que la mémoire était seule capable de remplacer l'amour. Grâce à ma mère, je savais que le monde des rêves était l'unique endroit où je pouvais aller me réfugier. » (page 260).

« Balles perdues » est à la fois un roman très sombre, très triste mais avec beaucoup de poésie et d'humour.

Un(e) journaliste du Washington Post a écrit à propos de ce livre : « « Balles perdues » nous donne un aperçu du quotidien de ceux qui bataillent chaque jour. Ils sont peut-être les enfants oubliés de l'Amérique, mais après avoir refermé ce livre, vous n'êtes pas prêts de les oublier. »
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