C'est un livre coup de poing, 75 pages! Reçues en pleine figure.
On lit deux ou trois fois ce récit pour mieux se l'approprier comme un bouquet de fleurs que l'on respirerait, un bouquet de sensations extrêmes mais aussi douces qu'une plume au fil des pages un parfum de fleurs, munies de pétales qui s'effilochent, des pétales colorées de violence, de stupeur comme un cauchemar incompréhensible, intenable, insoutenable.
Marthe, son petit frère Léonce, sa maman et son père habitent une ferme isolée, au milieu des bêtes qui les aiment et qui ont peur comme eux.
Le père mutique, violent, bave de colère et tape sur la maman pour le plaisir de dominer, de faire régner l'horreur à la maison, de faire très mal.
"Maman tombe par terre en protégeant son visage. J'arrive trop tard pour la garder, elle abandonne son ventre à la fureur de papa. J'arrache maman à la pluie de gifles, je la relève, je la pousse vers notre chambre, nous nous enfermons à double tour, petits cochons dans la suie."
"Nous connaissons les mailles du corps, comment elles se cherchent et se trouvent pour nous protéger des coups. Nous posons des questions sans réponses."
Marthe prend bien soin de son petit frère, elle n'est heureuse qu'à l'école car elle désire apprendre: en classe, il n'y a plus de lutte, je peux rêver, imaginer mon frère grandir à l'abri des coups.
Pour elle, les mots sont très importants, elle les consigne sur son carnet, elle rêve, elle a douze ans.
Elle évoque les fleurs et leur langage: les tiges, les boutures et les épines en contre point à sa souffrance, à ses douleurs.
Elle soigne les animaux de la ferme avec tendresse et fierté pour adoucir la haine incompréhensible de cette brute de père qui ne parle pas sauf pour hurler ou cogner sans aucune raison jusqu'à ce qu'arrive l'impensable....
Puis survient Florent, son amour, qu'elle suivra à Baltimore.
Il se lance dans la musique tandis qu'elle étudie ses auteurs préférés, des Grecs.
Elle s'essaie à traduire
Eschyle.
"Que lire, écrire, traduire, c'est reformer le sein, étaler l'origine, aérer le fumier d'où sortiront les fleurs derrière chaque tort redressé.
Il me tarde d'avoir des élèves et de faire leurs preuves,sous mes yeux les phrases s'ordonnent, les déclinaisons rentrent, les auteurs me deviennent familiers... Chaque phrase
que j'arrache au chiendent me récompense d'avoir essayé...."
Marthe a 19 ans, Florent signe son contrat de travail.
"Regarde, laisse fleurir. Une autre nuit Florent ajoute Les coups reçus ouvrent tes bras, les caresses ont franchi tes poings fermés,tes doutes deviendront des élèves, que voulais tu de mieux?que pouvais tu de plus?
Brutalement tout s'effondre, on a du mal à comprendre au bout de ce poème en prose, la chute de ce livre court et puissant.
C'est une histoire bouleversante, délicate, belle et dramatique.
Cette histoire simple nous atteint au plus profond comme un violent coup de poing dont on ne sort pas indemne, un premier roman que l'on n'est pas prêt d'oublier!
Je dois dire que j'ai eu du mal à transcrire toutes mes émotions.
Je ne sais même pas si l'on peut raconter un tel ouvrage!
En tout cas, salutations chaleureuses à Nicolas Clément!