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Citations sur La part du fils (68)

Mais qui allait dire ce qui m'étouffait à soixante-dix ans de distance ? Et pourquoi me fallait t-il en tant que fils, depuis que je m'étais décidé à écrire là-dessus, raconter à mon père, contre sa volonté, le destin broyé du sien ? Paradoxalement, ce manque originel de récit familial, ce trou généalogique, aura fait de moi un écrivain. À tout, si j'y réfléchis, j'allais préférer les histoires exotiques, les personnages et les décors tropicaux, comme si j'avais à multiplier les hypothèses. Et même mes livres précédents, je m'en rendais compte avec du recul, comme ceux consacrés à Gauguin ou au Brestois Victor Segalen, artistes démangés par l'inconnu et poussés par le secret, en portaient l'écho. Ils appelaient déjà celui à venir.
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Allais-je avoir une chance de mettre mes pas dans les leurs, et de rattraper ce qui m'aura été dissimulé, si peu transmis ? Un souvenir, des éclairs, une présence profonde dans la bruine. Leur énigme.
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Longtemps, je ne sus quasiment rien de Paol hormis ces quelques bribes arrachées. Elles menaient toutes au gouffre de l’Allemagne nazie. Pareils à ces mandarins subalternes de la Chine ancienne, qui ne devaient pas souiller de leurs lèvres le nom illustre de l’empereur, nous laissions du vide entre nos mots dès qu’il s’agissait de lui. Certains paysages et ce prénom feraient défaut ; il y avait des trous dans nos cartes géographiques, dans les itinéraires, les faits. La douleur n’était jamais sujet.
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Mais à chaque retour, ce bout de Finistère nous happait, lessivé de marées, bruissant de vents. Avec ses châteaux de rochers, ses landes, ses dix hameaux. Et son drame en filigrane : la question était posée là, elle attendait. Nous étions chez nous, heureux mais bancals...
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«  Je comprenais la peine énorme de mon père. Il s’était forgé avec elle , il avait dû composer avec la déflagration originelle. Elle le constituait . La vérité d’un homme, ce peut être aussi sa souffrance .Mais même si elle était insoluble, insécable, jamais partagée, elle pesait sur moi par contrecoup . Ce poids de mémoire close était devenu le mien. J’en restais meurtri , dépossédé de ma propre histoire .... »
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Sur la table, ce bouddha en jade, de même qu’un modèle réduit de la fusée d’Hergé achetée à Bruxelles, damier blanc et rouge, imitée d’une fusée V2 nazie, allaient servir de presse-papiers pour le courrier ou la documentation à éplucher. Si, comme tout le monde, je menais une vie normale dans la journée, je me réservais chaque matin une heure d'investigations, nourrissant des cahiers et établissant des fiches sur du bristol, limier lancé sur les traces de Paol, en chasse. Il était devenu ma figure centrale. Que pouvais-je faire de plus nécessaire que de le ramener à la lumière? Et tenter de nouer ce dialogue singulier avec lui…
Pour autant, plus les choses se ramifiaient, plus elles se complexifiaient. Un témoignage venait en contredire un autre, les dates ne se recoupaient plus, il manquait des pièces et des interactions. Tout aurait-il été embrouillé? A qui s’adresser? M’égarant dans la fourmilière des réseaux et des mouvements, des sous-groupes et des cellules, manquant d’interlocuteurs, le puzzle restait incomplet. Hormis ce que nous en répétions de manière automatique – résistant, déporté, mort en Allemagne –, je ne trouvais pas grand-chose de concret sur cet homme ordinaire…
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A l'aplomb des tours-ananas, Paol comprend qu'il n'est que de passage. Energique comme un homme, dérisoire comme un insecte. C'est aujourd'hui toujours et ici partout. Tellement, si peu.
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Là aussi, en tâtonnant, en composant des images possibles, je le vois, et je sais bien qu'il me faut balayer les souvenirs de films héroïques, ceux qui repassent à la télévision, pour ne garder que la nudité des choses et des faits, l'enchevêtrement du cauchemar où le corps se débat: le couloir résonne, ce bruit de pas, les matons qui en passant font taper leurs clés sur les barreaux, les chariots, ces grilles successives.
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Après guerre (...) les survivants (...) se reconnaissaient entre eux, où qu'ils soient, dans le métro ou un magasin, "à cause de quelque chose dans les yeux". Marqués par une empreinte indélébile, pareille à du vide ou une brûlure, qui avait modifié leur regard.
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je comprenais que cette histoire de déportation resterait dans l'indicible, qu'elle appartenait à une zone d’effroi inaccessible à ceux de mon époque, impossible à décrire, à transmettre réellement, que seuls les survivants ou les témoins pouvaient s'autoriser à le faire.
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