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Critique de ladymuse



Fans du Jonathan Coe années 2000, n'allez pas plus loin!

J'avais lu Testament à l'Anglaise à sa sortie en 1994. Comme chacun sait ce quatrième roman valut à son auteur sa notoriété. Description au vitriol d'une famille d'aristocrates inféodée à Mrs Thatcher, qui détiennent les postes clés de la vie politique et économique, vampirisent une société en souffrance, Testament à l'Anglaise est une farce, une fresque de grotesques qui nous fait rire et rire encore.

« Pendant ce temps ils restent chez eux à s'engraisser tranquillement, et nous, nous sommes ici. Nos affaires s'effondrent, nos emplois disparaissent, notre campagne étouffe, nos hôpitaux se délabrent, nos maisons sont confisquées, nos corps empoisonnés, nos cervelles se bloquent, tout l'esprit de ce fichu pays est broyé et suffoque. Je hais les Winshaw (…). Regarde un peu ce qu'ils nous ont fait. »

Il dénonce avec férocité la dangereuse virtualisation du système financier, la crise sanitaire et sociale et l'hypocrisie de l'industrie militaire. Je cite ici un exemple particulièrement savoureux qui donnerait envie à n'importe quel lecteur potentiel de lire ce roman : « Nous avons le projet de supprimer les repas gratuits pour un demi-million d'écoliers dans les 5 prochaines années. (…) Oh évidemment ça sera un tollé mais ça passera. L'important c'est que nous allons économiser beaucoup d'argent, et, en attendant toute une génération d'enfants de familles pauvres et ouvrières aura pris l'habitude de ne manger rien d'autre que du chocolat et des biscuits toute la journée. Ce qui veut dire qu'ils finiront par s'affaiblir physiquement et mentalement. »

Le monde de l'édition prend lui aussi une grande claque. Jonathan Coe n'était pas encore connu du grand public. Faut-il y voir une certaine amertume? Dans le fond peu importe, surtout si cette non-reconnaissance lui a donné assez de colère pour écrire un livre drôle en même temps qu'instructif.

"Il ne leur suffit pas d'être riche comme des cochons, d'occuper les postes les plus influents à la télévision, d'avoir deux millions de lecteurs qui paient pour gober leurs foutaises domestiques : ces salauds veulent en plus l'immortalité. Ils veulent que leur nom figure dans le catalogue de la British Library (…), ils veulent pouvoir glisser leurs beaux volumes reliés entre Shakespeare et Tolstoï dans la bibliothèque de leur salon. (…) Et ils vont y arriver parce que (…) même si on pense avoir découvert le nouveau Dostoïevski, on en vendra pas le quart de ce que pourrait faire n'importe quelle merde écrite par un type qui présente la météo à leur putain de télévision ! »

Quel bonheur, donc, que Jonathan Coe ait obtenu le prix femina étranger en 1995. C'était très largement mérité.
Ceci-dit en termes de satire il est difficile de se maintenir à un tel niveau. John Irving réussit-il à dépasser le Monde selon Garp? Je ne le pense pas. Encore écrivait-il des contes. (Je note au passage qu'ayant tapé "Irving" sur la barre de recherche, je suis tombée d'abord sur un footballer). Toujours est-il qu'Irving s'était posé la question de l'inspiration tout au long de son célèbre roman.

Aussi "La Maison du Sommeil" roman de Jonathan publié en 1997 était-il beaucoup moins bon. Je l'ai pour ma part trouvé soporifique. Pardon pour ce mauvais jeu de mot.

Et voilà que nous avons droit en 2001 puis en 2004 à un diptyque, avec "Bienvenue au club" et "Le Cercle Fermé" qui deviendra une trilogie avec "Le Coeur de l'Angleterre" en 2018.

On ne peut que déplorer la mode actuelle selon laquelle une fois qu'on a trouvé une jolie petite recette on l'exploite à mort. D'où les fameuses séries télévisées et les "Alien" 1/2/3/4 (ou plus). Pourquoi se fatiguer quand on a convaincu son public ou qu'un public a mordu à l'hameçon? Inépuisables ressources du marketing.

Je ne vois pas très bien bien pourquoi un succès devrait entraîner un concert de OH et des AH dès qu'un roman a une "suite", une "séquelle" (au propre et au figuré), en l'occurrence comme si un arbre en cachait deux autres.

Je ne parlerai pas de "Bienvenue au Club" que je ne pense pas avoir lu. En revanche il m'a fallu attendre la moitié du "Cercle Fermé", dont on dit bien entendu qu'il peut être lu "à part" (très pratique pour la vente) pour m'apercevoir que je l'avais déjà lu. Peut-être ai-je tort de juger une oeuvre en fonction de ma mémoire peut-être défaillante, mais je ne pense pas que le Cercle Fermé fasse partie des livres que Ray Bradbury aurait fait apprendre à ses personnages dans "Fahrenheit 451".

En 2009 Jonathan Coe a dit ceci, à propos du "Cercle Fermé" :

"Testament à l'anglaise est un livre politique dans le sens où il défend un point de vue politique. le "Cercle fermé" a probablement aussi un contenu politique, mais cela se sent moins. Car, aujourd'hui, j'utilise différemment la politique dans mes livres. Ce que j'ambitionne de faire, c'est d'offrir une description aussi fidèle que possible du monde tel qu'il est. On peut d'ailleurs considérer que c'est là encore un projet politique au sens large du terme. Dans Testament à l'anglaise, j'essayais de convertir mes lecteurs à mon point de vue, maintenant je ne crois plus qu'il soit possible ni même souhaitable pour un roman d'y parvenir." (extrait interview "Le magazine littéraire").

"Le monde tel qu'il est", c'est bien ça le problème. Est-ce qu'un livre doit manquer de relief et se résumer à un vague menuet entre ses différents protagonistes, sous prétexte que notre société est faite de familles reconstituées? Une description du monde "aussi fidèle que possible", alors que seule la bourgeoisie est évoquée?

En ce qui me concerne, j'attends d'un livre qu'il m'élève l'élève l'esprit au lieu de le rabaisser. J'attends de la "substance". J'attends autre chose que les souvenirs de quadras peu intéressants. Je trouve triste qu'un auteur se limite à la description plus ou moins drôle de "son" époque. Ca ne me fait pas rire. Ca ne me fait pas penser, ça me donne envie de lâcher cette lecture au lieu de continuer à perdre mon temps avec ce qui n'est dans le fond qu'une ratiocination, un menuet même pas gai.



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