Citations sur Max (185)
Et puis, je viens à peine de réussir à me détacher d’une mère. Je viens de rayer le mot « maman » de mon vocabulaire. Vous avez été témoin de ce que cette épreuve m’a coûté : j’ai été malade, j’ai maigri, j’ai douté, j’ai eu peur, j’ai failli être embarqué dans la camionnette de livraison, alors, avoir une autre mère, une mère adoptive, quel intérêt ? Je me pose des questions sur ce qu’on attend de moi : va-t-il falloir simuler l’amour pour cette mère ? Comment ? Je crains de ne pas y arriver, je n’ai pas été conçu pour cela.
Voilà. C'est exactement ce que je veux : être souple. Élancé. Vif. Dur. Coriace. Je mordrai au lieu de téter. Je hurlerai au lieu de gazouiller. Je haïrai au lieu d'aimer. Je combattrai au lieu de prier. Oh ! mon Fürher, je ne veux pas te décevoir !
Je n'avais pas compris pourquoi Lukas avait pleuré en écoutant mon histoire.
Pour la première fois, je pleure. Est-ce que ça signifie que je suis devenu un enfant comme les autres ?
Si chacun s'était débrouillé comme il avait pu, Manfred, lui, s'était assis sur une marche et n'en avait pas bougé. Pendant cinq mois! Il n'a pas essayé de retrouver sa maison, ses parents, rien. Il s'était immobilisé, figé, et il a attendu.
Parce que voilà, les médecins des Heime se sont rendus compte que, même si nous autres, enfants de pure race aryenne, avons été programmés avec le plus grand soin, la plus grande rigueur, même si nous sommes le fruit d'un accouplement irréprochable, nous ne sommes pas à l'abri d'une maladie qui se déclare avec la croissance. Triste constat. [...] Ces tares étaient inadmissibles pour la nouvelle génération des seigneurs et maîtres que nous étions censés représenter.
C'est drôle comme on s'habitue à tout. Avant l'arrivée des Russes, on tremblait. On se les figurait comme des monstres. Or, ce sont juste des hommes. (Peut-être après tout que "homme" et "monstre", c'est la même chose ?)
Je chante. Je hurle comme mes potes, les sauvages. Mais ça ne m'empêche pas de réfléchir, de laisser aller mon imagination. Après les fayots juifs dans la soupe, après la vison de Lukas en Fürher, mon imagination me fait voir non pas une simple pyramide de livres en feu, mais une librairie entière, celle de la mère de Lukas. Et la mère de Lukas est à l'intérieur. En train de brûler vive. L'air est saturé de fumée, empli d'une odeur de papier cramé, de cuir cramé, de chair cramée.
J'ai envie de vomir.
Les journées à Kalish sont bien remplies. Rythmées. Programmées à la minute près. Il n'y a jamais de temps mort. Pas le moindre répit.
C'est fait exprès. Les enfants doivent enchaîner activité sur activité. Sans arrêt. S'ils s'arrêtent, ils réfléchissent. S'ils réfléchissent, ils se souviennent. De leurs parents, leurs frères et soeurs, leur maison, leurs jouets, leur plat préféré. Tout ce qui faisait leur vie avant leur enlèvement. Or ils doivent l'oublier, cette vie-là. Définitivement.
J'ai faim. Alors je vais manger avec les assassins de Lukas.
C'est ça, la paix.
Toutes seront fécondées par des SS !
Une semence aryenne. Un réceptacle diversifié mais trié sur le volet et, au final, un produit unique.
Nous.
L'armée des enfants blonds aux yeux bleus.
L'armée du futur.
Je suis l'enfant du futur. L'enfant conçu sans amour. Sans Dieu. Sans Loi. Sans rien d'autre que la force et la rage. Heil Hitler !