Ce tome contient les épisodes 6 à 10, initialement parus en 2012/2013, tous écrits par
Joshua Dysart. L'épisode 6 est dessiné par Phil Briones et encré par Andrew Hennessy. L'épisode 7 est dessiné par
Barry Kitson, avec l'aide de
Lee Garbett et
Khari Evans. L'épisode 8 est dessiné et encré par
Lee Garbett. L'épisode 9 est dessiné par
Pere Pérez. L'épisode 10 est dessiné et encré par
Matthew Clark. Il faut avoir commencé la série avec le premier tome.
Kris Hathaway se rend comme chaque jour à l'immeuble dans lequel Joseph Irons a trouvé refuge. Ce jour-ci elle arrive devant une façade éventrée par une explosion. Alors qu'elle l'examine de loin, elle est victime d'un curieux phénomène : elle perd 3 minutes de son temps, sans explication. Puis elle retourne chez ses parents, dans leur pavillon de banlieue, où sa mère contemple atterrée les factures médicales, pour son mari qui ne s'est pas remis de son attaque cardiaque. Cette nuit-là, Kris est contactée par Faith Herbert, qui lui demande de l'appeler Zephyr (le nom de code qu'elle s'est choisie).
Faith Herbert emmène Kris Hathaway auprès de Peter Stanchek, le jeune homme doté de pouvoirs psychiques qui en abusé sur elle. Elle décide de refuser la position de victime et prendre les choses en main. La situation est complexe et dangereuse, mais elle dispose d'un atout de taille : le sentiment de culpabilité de Peter Stanchek lui-même.
Avec le premier tome,
Joshua Dysart avait réussi un petit exploit en racontant une histoire d'individus dotés de superpouvoirs, centrée autour d'un jeune homme rebelle ayant des difficultés à maîtriser ses pouvoirs, sans ressembler aux X-Men ou aux Teen Titans, sans costumes moulants, sans combats à coup de poings, et sans altruisme, avec un clivage Bons / Méchants tout relatif. le lecteur revient donc à cette série, avec une vraie curiosité dans la mesure où elle n'est pas enlisée dans des schémas usés jusqu'à la corde, et où beaucoup de choses sont encore possibles. Effectivement, la première séquence voit le retour d'un personnage dont il pensait qu'il avait fait son temps.
Dans le premier tome, Peter Stanchek avait fait usage de son pouvoir de manière particulièrement immorale, en intimant à Kris Hathaway d'éprouver un sentiment amoureux pour lui, et en couchant avec elle. Cette jeune femme avec un anneau sur la lèvre et un piercing au menton est le centre de l'introduction et joue un rôle de premier rang tout du long de ces 5 épisodes. le lecteur est d'autant plus à contre-pied qu'elle ne dispose d'aucune capacité télépathique, ni aucun pouvoir d'aucune sorte. le scénariste prend le temps nécessaire pour montrer et établir la force de caractère de Kris Hathaway. Elle ne se laisse pas faire, elle est aussi rebelle que Stanchek à sa manière, et elle a une faille de taille. Ce que lui a fait subir Stanchek a laissé une trace indélébile, avec une dimension à la fois romantique et tragique qui lui apporte une touche tragique inattendue et très particulière.
Ainsi, si le titre de la série Harbinger renvoie à Stanchek, il partage la vedette avec Kris Hathaway. Ce n'est pas tout car l'inénarrable Faith Herbert est toujours présente, toujours aussi décalée, toujours aussi pétulante, avec une approche de la vie qui sort de l'ordinaire. Il faut lire ce recueil pour croire qu'un tel personnage puisse exister, qu'un scénariste puisse réussir à faire passer une telle personnalité. Qui plus est Dysart ne s'en tient pas un artifice à répétition, il montre au lecteur une partie de l'histoire personnelle de Faith Herbert, établissant que ses traits de caractère ne sont pas factices et qu'ils se sont développés avec le temps.
Tout aussi agréable que soient ces 2 personnages féminins, ça ne suffit pas à remplir 5 épisodes.
Joshua Dysart sait faire exister ses protagonistes, avec une sensibilité qui sort des sentiers battus et des stéréotypes qui pullulent dans les comics de
superhéros. du coup, le lecteur est entièrement convaincu par la nature des décisions des uns et des autres, et par la stratégie sortant de l'ordinaire de Kris Hathaway. Il adhère à son point de vue. Il comprend comment elle en est arrivée à choisir ce mode d'action, tout en se laissant surprendre par ledit mode d'action. le scénariste réussit la combinaison paradoxale de montrer et justifier des choix excentriques, et d'arriver à un stéréotype des comics de
superhéros : la composition d'une équipe, avec des membres à l'écart de la bonne société. Loin de revenir dans des poncifs, il fait encore plus fort en introduisant des personnages en marge de la société et originaux, parce que la confidentialité relative de l'univers partagé Valiant lui permet de s'écarter des moules habituels de DC et Marvel.
Joshua Dysart ne s'arrête pas en si bon chemin. À l'issue du premier tome, le lecteur a bien compris que la dynamique principale de la série serait l'opposition conflictuelle entre Peter Stanchek et Toyo Harada. Seulement, Peter Stanchek ne revient pas dans les critères usuels propres au héros, ou même au
superhéros. Il ne devient pas altruiste pour l'amour de sa bien-aimée, il ne renonce pas à l'abus de ses pouvoirs pour s'en tenir à un code moral rigide. Même, il ne pardonne pas à ceux qui l'ont offensé. Bien sûr il y a usage de superpouvoirs, et même velléité d'un semblant d'uniforme, mais pour autant cela ne s'apparente jamais au chemin bien balisé des récits de
superhéros. Ainsi le scénariste navigue à la limite de la partition Bien / Mal, sans jamais se soumettre à cette dichotomie.
A priori, ce n'est jamais un bon signe quand dans un seul tome, 5 dessinateurs se succèdent dans autant d'épisodes. C'est le signe d'une forme d'instabilité, synonyme de bouche-trou. Néanmoins, en jetant un coup d'oeil aux titres des chapitres, le lecteur constate qu'ils portent chacun le nom d'un personnage différent, du coup le choix de l'alternance des artistes peut trouver un semblant de sens par rapport au récit. Phil Briones privilégie un découpage avec des cases de la largeur de la page, sans pour autant se contenter d'un visage en train de parler au milieu de la case, et rien derrière. le lecteur apprécie ce soucie de conserver une approche réaliste et descriptive à la partie graphique. Globalement il représente un bon niveau de détails permettant une immersion de qualité.
Dans le premier épisode, le lecteur tombe sous le coup de la surprise dans une séquence pourtant calme. Il prend alors conscience de la qualité de la mise en scène et des angles de prises de vue de Briones qui réalise un travail d'une qualité bien supérieure à celle de l'ordinaire des comics. Il réussit même à trouver le juste milieu entre une approche concrète et une approche un brin idéalisée pour les coiffes en papier aluminium, concoctée par l'inénarrable Faith Herbert. Comme son prédécesseur, il représente cette dernière avec une grande honnêteté quant à son apparence, son obésité, et son sourire inaltérable.
Barry Kitson et
Lee Garbett réalisent des dessins plus propres sur eux pour le deuxième épisode, avec une légère propension à faire joli. le niveau descriptif reste à peu près le même, très légèrement en dessous (les arrière-plans tendent à se simplifier dans quelques cases). Les personnages sont un peu plus agréables à l'oeil, en particulier Charlene Dupre (Flamingo), danseuse dans un bar à striptease. Ingrid Hillcraft (la psychologue) semble avoir nettement rajeuni par rapport au premier tome. Néanmoins, ils restent dans un registre qui évite les poses de
superhéros, qui est en cohérence avec le ton visuel de la série.
Lee Garbett assure seul les dessins de l'épisode suivant. Il bénéficie d'un autre metteur en couleurs,
Moose Baumann, plus impliqué dans l'action d'insérer des textures par le biais des couleurs, ce qui s'avère nécessaire, car Garbett se concentre plus sur la mise en scène et le contour des formes. le résultat est agréable à regarder, avec un niveau de détails satisfaisant (grâce aux couleurs), tout en flirtant dans une case ou deux avec des clichés visuels plus superhéroïques.
Le travail de
Pere Pérez est similaire à celui de
Lee Garbett, avec le même degré fluctuant de détails dans les dessins et des visages parfois un peu trop simplifiés. Ce glissement n'est pas de nature à briser le charme de l'immersion, mais rapproche un peu la narration visuelle d'une représentation moins concrète, un peu simplifiée, ce qui induit un éloignement d'un ou deux degrés du monde réel, avec pour conséquence un pas de fait vers des
superhéros plus traditionnels. Fort heureusement la nature des événements et les décisions des personnages maintiennent le récit éloigné des actions des
superhéros traditionnels.
Le dernier épisode de ce tome marque le retour de
Matthew Clark, déjà à l'oeuvre dans le premier tome. Avec lui l'encrage s'éloigne des jolies courbes, pour reprendre des formes moins harmonieuses, légèrement plus tourmentées, pour une apparence plus adulte, plus en phase avec la nature de l'intrigue.
Avec ce deuxième tome,
Joshua Dysart respecte le point de passage obligé de constitution de l'équipe, avec des rebelles et des laissés pour compte, en évitant tous les clichés inhérents à cette étape. Il sait faire passer la personnalité de chacun de ses personnages, continuer à surprendre le lecteur à chaque séquence maintenir une distance certaine avec les automatismes génériques des récits de
superhéros, rendre les individus attachants, sans en faire des saints. Les dessins sont compétents, avec un excellent démarrage réalisé par Phil Briones, et pour les suivants des planches se démarquant assez de la production de masse des
superhéros. 5 étoiles pour un récit qui a pris son envol, qui conserve sa différence, et des personnages très réussis.