L'assommoir
Emile Zola (1840-1902)
Gervaise Macquart et Auguste Lantier qui vivent ensemble ont deux enfants, Claude 8 ans et Etienne 4 ans. Ils logent dans une minable chambre à l'hôtel Boncoeur situé boulevard de la Chapelle à
Paris. Nous sommes en mai 1850, sous le Second Empire.
Un soir Lantier ne rentre pas à la chambre. C'est un homme ambitieux dans le mauvais sens du terme, dépensier et imprévisible qui ne songe qu'à son amusement. La concierge Mme Boche l'a vu avec Adèle, une jeune traînée qui loge dans le même hôtel. Il rentre à l'aube finalement mais pour repartir avec toutes ses affaires, abandonnant les deux enfants tandis que Gervaise est au lavoir.
Gervaise objet des assiduités d'un certain Coupeau finit par céder et se marie avec cet homme zingueur de profession et bien sous tous les rapports. Gervaise a tant connu la galère avec Lantier, un adepte de la ribote et des coups à donner, que pour elle l'idéal c'est simplement de n'être point battue.
Nana vient au monde un an plus tard.
Mais l'alcool et les copains de virée ont vite fait de devenir l'ordinaire de Coupeau avec comme quartier général l'Assommoir du père Colombe, un mastroquet où fondent les paies des maris ou celle des conjointes, un cabaret où les consommateurs s'assomment d'alcool.
Lantier réapparait un beau jour et c'est un ménage à trois qui s'instaure. Cette situation va précipiter la déchéance et la ruine de Gervaise qui, inconsciente de ce qui se profile, est incapable de maintenir à flot la blanchisserie qu'elle a acquise il y a quelques années :
« Elle était complaisante pour elle et pour les autres, tâchait uniquement d'arranger les choses de façon à ce que personne n'eût trop d'ennui. N'est-ce pas ? du moment que son mari et son amant fussent contents, que la maison marchât son petit train-train régulier, qu'on rigolât du matin au soir, tous gras, tous satisfaits de la vie et se la coulant douce, il n'y avait vraiment pas de quoi se plaindre. »
Zola tout au long de ce roman nous fait découvrir en détail les métiers qui étaient monnaie courante dans les rues de
Paris à cette époque : zingueur pour les toitures, blanchisseuse, forgeron, cuisinier, tripier…etc. Et aussi la misère des classes laborieuses, l'alcoolisme et ses ravages et la maltraitance des enfants. Et même la famine :
« Par moments on entendait des plaintes de mioches affamés. On était là dans une crampe au gosier générale, bâillant par toutes ces bouches tendues ; et les poitrines se creusaient, rien qu'à respirer cet air, où les moucherons eux-mêmes n'auraient pas pu vivre, faute de nourriture. »
Et la chute semble dès lors inexorable pour Coupeau et par voie de conséquences pour Gervaise.
Ce roman, un véritable roman noir, publié en volume en 1877, fut le premier best-seller du XIXe siècle. La nouveauté du sujet et la façon dont il est traité avec un style populaire souvent enrichi d'argot, fit un temps scandale, avec cette poésie lugubre d'un
Paris ignoré. L'alcool, ce feu dévorant jusqu'au délirium tremens, qui assomme aussi bien Coupeau que Gervaise, elle qui rêvait du bonheur et de la promotion sociale, est le thème principal de ce roman qui met en scène une classe sociale de parias, d'exclus et de marginaux. L'alambic est le monstre qui dévore le peuple.
L'Assommoir est le septième volume de la série des Rougon-Macquart.