Mais leur regard ne s'arrête jamais sur moi, il passe au travers.
Quand je vivais dans le monde, je recherchais le silence en maudissent le bruit des villes et des gens; aujourd'hui, il y a des jours où les - et merde- de Luc sont les seuls mots que j'entende. [...] A côté de ces lambeaux de phrases, les murmures continus de Joshua me font l'effet du bruit de fond rassurant d'un vieux poste de radio.
Parfois, je me demande comment un lieu comme celui-ci peut exister. Pas à cause des vieux, de leur folie, de leurs sévices. Mais déjà l'endroit lui-même.
Un lieu où personne ne passe, jamais.
Un lieu désespéré dès le départ, perdu et muet. Maudit.
Il n'y a qu'ici que ce genre de choses pouvait arriver.
"Lil disait parfois qu'on (on, c'était elle : la vie) ne nous présente pas plus que ce que nous pouvons porter. Que si c'est dur, c'est que nous sommes forts. Mais je n'y crois plus."
"Dans deux ou trois semaines. Je serais un demi-être qui se tient debout quinze heures par jours au travail et qui se moque de s'écrouler avant ou après. Il n'y aura plus de fierté, plus rien. Juste le sentiment extrême de vivre, de tenir. De continuer."
"Mon collègue me l'avait expliqué en taule, plus le temps passe, moins le gars que tu as en face risque de tirer."
"Je veux coûte que coûte m'obliger à trouver des solutions. Aucun système n'est sans faille. Il y a forcément un moyen de s'en sortir."
Nous sommes en mai 2002, je crois. Sur le mur, il manque quelques traits : les jours où j'ai été trop malade ou trop blessé pour les tracer. Cela a dû arriver 10 ou 20 fois. Peut-être plus. Les joué les bâtons que je supposais manquants, après coup. Approximativement donc, nous sommes en mai 2002. Cela pourrait aussi bien être juin.
Douze mois que je suis là. Douze mois.
Putain d'anniversaire.
La conviction n'y est plus. Appuyé contre un arbre, la tête renversée en arrière, je somnole. Fièvre. Quelle saloperie de vie.
Il m'a souri et j'ai vu les dents qui lui manquaient. Il a dit : - Bienvenue en enfer.