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4,23

sur 460 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Voila une lecture extrèmement instructive mais qu'il faut prendre le temps de manger. C'est lourd, un petit peu trop à mon gout, avec une sensation d'indigestion de personnages et de textes (surtout si, comme moi, vous oubliez les noms) mais qui est remplie d'informations intéressante.

La BD se propose comme un prolongement de l'enquête réalisé par Benoit Collombat sur l'assassinat du juge Renaud et le meurtre maquillé en suicide de Robert Boullin, mais avec principalement des témoignages de personnes ayant vécues ces années-là. C'est donc un défilé de personnages et d'avis, parfois contraires d'ailleurs, qui débouche sur une conclusion ne faisant clairement pas la synthèse de l'ensemble, se gardant bien de préciser ce qu'il faut en tirer, mais nous laissant surtout avec la compréhension de tout ce qui se cache derrière. C'est une des choses que j'aime beaucoup avec Davodeau : il ne nous donne pas expressément son avis, même si celui-ci est clairement perceptible dans le récit, mais laisse toute les clés de compréhension pour se faire le sien propre. Et surtout savoir qu'on peut avoir un avis sur la question.

Je suis bien trop jeune pour avoir connu ces années-là, mais ça se sent que c'est pesant comme années. le terme de plomb n'est pas usurpés, dans des années où les engagements politiques méritaient des passages à tabac, selon certains, où des meurtres. Une sorte de sale affaire qui touche à peu près tout ce qu'on peut imaginer de vie politique (associations, politiciens, juges, policiers, magistrats, voyous et criminels ...) dans un pot-pourri qui a des racines lointaines. le récit nous parle de résistances et de collaborations tout autant que des bandes de mafieux des années 70, qui ont fait peser le poids de leur violence sur la France. Et là-dessus, essayons de démêler le sac de noeud de deux affaires de meurtres importantes.
Mine de rien, Davodeau et Collombat ont bien réussis leurs paris, puisque j'ai réussi à comprendre et m'en sortir (avec parfois du mal, je l'avoue) dans la multiplicité des personnages, des situations et des imbrications. Mais le tableau d'ensemble est glaçant d'effroi. Voir tout ce qui est possible de la part de nos politiciens pour conserver un peu de pouvoir, s'enrichir et contrôler plus de choses ... C'est d'autant plus effrayant que certains de ces politiciens sont encore en activités ou simplement les maitres à penser de ceux que l'on a actuellement.

Niveau dessin, Davodeau est toujours égal à lui-même, avec peu de représentations de paysages (contrairement à le Droit du sol) et beaucoup de visages, comme à son habitude. Rien de notable mais de l'efficace, ce qu'on demande pour un documentaire en somme.

Un documentaire qui correspond à ce qu'on peut attendre de Davodeau, avec son habitude de parler de sujets variés et de façon très diverses. Moins rentre dedans que peut l'être un Squarzoni, mais toujours compréhensible et clair, c'est une BD qui permets de comprendre que lorsque l'on parle des pourris au pouvoir, le terme n'est pas trop fort. Il y a toujours des dossiers puants qui sortent sur les politiciens chaque année et cette BD nous rappelle jusqu'où ils sont prêt à aller. Inquiétant, oui !
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Histoire troublante... et passionnante !
Cette BD relate une enquête troublante et passionnante sur une des faces cachées du pouvoir politique. Elle permet aussi, je trouve, d'éclairer le présent et amène à se poser certaines questions du style "un tel fonctionnement est-il toujours possible aujourd'hui ?", "Quels sont les rôles réellement joués par certaines associations dites secrètes ?", …

J'ai beaucoup aimé cette BD et je trouve que l'enchainement des récits et des reproductions de documents officiels, photos, courriers, … est très appréciable. C'est d'ailleurs un des aspects que j'avais fortement apprécié dans la BD RURAL d'Etienne Davodeau. Et enfin, je trouve que la BD complète très agréablement bien ce documentaire, et inversement !
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François Renaud. Robert Boulin. Parmi tant d'autres, ces deux noms résonnent familièrement aux oreilles de qui suit, même de loin, la vie politique française des dernières décennies. le premier était juge d'instruction, le second était ministre sous Valéry Giscard d'Estaing. Tous les deux sont morts dans des conditions que la justice n'a pas pu - ou voulu - expliquer aux familles et aux Français. de Renaud à Boulin, et plus encore, du début des années 1960 aux années 2000, le journaliste Benoît Collombat et l'auteur de bande-dessinée Etienne Davodeau narrent la face cachée d'un régime politique en apparence stable et respectable. Sur la couverture est représenté un général De Gaulle au costume présidentiel maculé de sang, toisant le lecteur, symbole dune Vème République sur laquelle son ombre inquiétante plane.

Indéniablement, la narration tourne autour d'une structure autant nébuleuse qu'incontournable qu'est le Service d'action civique, plus connu sous l'acronyme du SAC. Créé originellement pour appuyer le général De Gaulle dans les années tourmentées de la guerre d'Algérie, le SAC devient bientôt une officine à la solde du pouvoir, et dont la composition interpelle. On y trouve, mêlés, ceux que la vie civile oppose ou segmente : des policiers, des juges, des hauts fonctionnaires, et encore des voyous de droit commun. Contre l'OAS, contre les communistes, contre les centristes de Giscard, le SAC fait le coup de poing ordinaire. Là n'est pas le sujet de Collombat et de Davodeau, qui vont fouiller dans les marais de la République où flotte l'ombre du SAC, des années 1960 jusqu'au coeur des années 2000, bien que la fin du mouvement ait eu lieu officiellement au début des années 1980. Première affaire : la mort du juge Renaud, qui enquêtait notamment sur le braquage de la poste de Strasbourg par le gang des Lyonnais. Que les braqueurs aient pu aussi facilement échapper aux barrages de la police étonne. Que le ministre des postes, Robert Galley, fut aussi un éminent membre du SAC interroge. Que cette somme ait pu arriver dans les caisses du RPR aurait eu de quoi constituer un scandale politique d'une envergure considérable. Sont ensuite abordées deux séquences qui marquèrent l'opinion publique : la tuerie d'Auriol en 1981, la mort de Robert Boulin en 1979. La première affaire concerne le meurtre sauvage du chef du SAC de Marseille et de sa famille, la seconde le possible assassinat d'un ministre en exercice à cause de son honnêteté et de sa droiture morale. Là encore plane l'ombre du SAC, de cette collusion hallucinante entre les milieux du crime et ceux de la politique, lorsque les bras et les mains armés se mettent d'accord avec les plus hautes autorités politiques et judiciaires du pays pour favoriser, in fine, les ascensions individuelles de quelques uns. Sorte d'État dans l'État, le SAC parasitait toute action exercée dans le cadre légal normal, contaminait même les commissions d'enquête parlementaire, parvenait à faire taire curieux et détracteurs, unissant sympathisants et opposants dans un même mutisme. Quant aux rares qui osaient parler, ou écrire, hommes politiques ou journalistes, de terribles pressions s'exerçaient contre eux et leurs familles sous la forme de menaces insidieuses ou directes. de façon paradoxale, ce n'est pas la mort, toute auréolée de mystère qu'elle soit, d'un ministre de la République qui mit fin aux agissements du SAC, mais plutôt la mort brutale d'un de ses chefs. L'évidence du lien marquait l'opinion publique et offrait une occasion unique pour le nouveau pouvoir socialiste de mettre fin à ce mouvement. Toutefois, le SAC ne disparut pas aussitôt : d'une part parce que les ramifications étaient très nombreuses, jusque dans les couches les plus ordinaires de la société française ; d'autre part parce que le personnel politique d'une certaine droite française fut l'héritier de ceux qui avaient mis en place le SAC. Que l'on pense simplement à Achille Peretti, fondateur du SAC, qui avait des liens tant avec Jacques Foccart ou encore Nicolas Sarkozy.

Au-delà de la narration politique que proposent Benoît Collombat et Étienne Davodeau, on peut déjà saluer ce souci constant de la contextualisation des événements racontés. Contexte historique, d'abord, car le SAC a pour parents deux guerres : la Seconde guerre mondiale et la guerre d'Algérie. Périodes instables par excellence, elles furent aussi le laboratoire de rencontres entre hommes qui, unis par un même passé de résistants, avaient trouvé dans ces deux événements un contexte où leur violence était légitime (la défense de la patrie contre l'occupant allemand, celle de la République contre les putschistes de l'armée). Il fallait alors agir dans un cadre sinon illégal (la loi de l'occupant était illégitime), du moins un cadre où l'urgence prenait le pas sur toute autre considération. de là découle une sorte de mantra idéologique du SAC, qui plaça ses actions sous la valeur sacrée de la défense de la patrie. On voit bien, concernant l'assassinat du juge Renaud ou la tuerie d'Auriol, le décalage considérable qui se fit entre la raison idéologique du SAC et sa réalité. Les années 1960 amènent aussi un nouveau contexte géopolitique international, celui de la guerre Froide, laquelle eut un impact considérable en Europe comme elle l'eut dans le monde. En Italie comme en Allemagne, ce fut le temps des années de plomb - expression qui sert de sous-titre à la bande-dessinée - marquées par des attentats meurtriers. Que la France échappa à ce genre d'actes ne doit toutefois pas faire oublier que la crainte du communisme justifia l'idée d'une droite de l'ordre, quels que furent les moyens mis en oeuvre. Enfin, il y a un contexte politique français d'opposition traditionnelle entre la gauche et la droite, mais encore, au sein de la droite, une opposition entre une droite gaulliste dont Chirac et le RPR se réclament, et une droite giscardienne davantage centriste et libérale, coupée davantage du passé obscur de la République. Cette contextualisation constante ne doit pas faire oublier au lecteur que cette France, c'est aussi la nôtre : nous en sommes les héritiers.

Il convient enfin de s'attarder sur le format choisi par les auteurs. La bande-dessinée se prête facilement au genre documentaire, probablement par sa capacité à apporter à un sujet lourd un cadre plus aéré qu'un essai purement littéraire. L'angle choisi par les auteurs est clairement celui de l'enquête journalistique, soulignée par la mise en scène de Collombat et de Davodeau, sans cesse représentés dans leur quête de témoignages nouveaux, manière aussi de montrer que les histoires du SAC ne sont en rien de la fiction, mais correspondent bien à une réalité historique. Cette enquête se base essentiellement sur la collecte des témoignages des personnes qui ont connu cette époque, ces événements. Hélas, manquent parmi les témoins ceux des protagonistes qui furent aux manettes politiques, soit parce qu'ils sont déjà décédés, tel Jacques Foccart, soit parce qu'ils refusent l'entretien avec les auteurs, tel Charles Pasqua. Les silences, dit-on parfois, valent bien des aveux. C'est de ceux-ci qu'il faudra se contenter, car, malgré l'important faisceau d'indices, malgré ce qui apparaît comme des coïncidences, malgré les dossiers accumulés, par exemple par la fille de Robert Boulin, ces années de plomb de la République française demeurent encore dans le flou des secrets et des non-dits. La vérité est souvent peureuse. Elle attend qu'il n'y ait plus personne pour se révéler enfin.
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Ce cher pays de notre enfance, c'est la France des années 60 -70. Une douce époque dans les souvenirs de ceux qui l'ont connue, mais qui avait aussi sa face obscure. C'est ce que le journaliste Benoît Collombat et le dessinateur Étienne Davodeau présentent en montrant les a côté, les turpitudes, de la cinquième République période gaulliste.
Une longue partie est consacrée au SAC (Service d'Action Civique), qui a vu se mélanger anciens résistants, responsables politiques, et truands jouant les gros bras pour le parti gaulliste, tout en bénéficiant d'une belle carte bleu blanc rouge qu'ils utilisaient comme une carte joker au besoin.

Les développements sur ce sujet sont un peu répétitifs. La partie sur la mort du ministre Robert Boulin, mort d'un « suicide » dans un étang de la forêt de Rambouillet, dont l'autopsie ne fut que partielle - pour ne pas retrouver de traces de coups -, est, elle, bien plus percutante. Et bien gênante encore aujourd'hui : un ministre en exercice (il était ministre du travail) sans doute assassiné parce qu'il voulait dévoiler les compromissions du pouvoir et de la Françafrique...
Davodeau illustre tout cela sans difficulté. le propos reste toutefois assez engagé et demande une petite connaissance du monde politique de l'époque.
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BD reportage écrite par Benoît Collombat, journaliste d'investigation à France Inter, et illustrée par Étienne Davodeau tous les deux grandis sous la Vème République.

Les planches détaillent courageusement la genèse de deux épisodes noirs de l'histoire récente de la France : l'assassinat politique du haut magistrat François Renaud en 1975 à Lyon, ville qui était connue à l'époque comme la capitale du crime ou le Chicago-sur-Rhône, et le mystérieux suicide du ministre du travail Robert Boulin en 1979.

On apprend sur l'existence du Service d'Action Civique (SAC), une association mafieuse fondée par des fidèles du général de Gaule et dirigée par le Mr Afrique du gaullisme : Jacques Foccart.

Souvent présenté comme une "police parallèle" du régime gaulliste, le SAC est dissous par François Mitterrand en 1982 après la tuerie d'Auriol, au cours de laquelle le responsable de la section locale des Bouches-du-Rhône et cinq personnes de sa famille sont assassinés par des membres de sa section qui le soupçonnent de trahison.

Au fils des planches, plusieurs témoignages sont présentés dont celui de :

Robert Daranc, ancien journaliste, qui raconte qu'on suspecte le SAC d'avoir tué le juge François Renaud car ce dernier voulait prouver que l'argent des hold-up de Strasbourg servait à alimenter les caisses du parti politique UDR, l'ancêtre du UDR et de l'UMP ;

François Colcombet qui confirme qu'à l'époque il n'avait pas de loi sur le financement des partis. Cet homme politique a toujours préconisé de chercher à savoir d'où venait l'argent des campagnes électorales pour trouver les commanditaires de l'assassinat ;

Ce fut une lecture intéressante et instructive, qui m'a permis de découvrir un chapitre méconnu de l'histoire et l'existence d'une milice terroriste financée par De Gaulle et les gaullistes, sur le territoire d'un pays qui se disait démocratique.

Comme a affirmé Honoré de Balzac : "Il y a deux Histoires : l'officielle menteuse, qu'on enseigne, puis L Histoire secrète où sont les véritables causes des évènements, une histoire honteuse".
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Etienne Davodeau, auteur de bande dessinée, et Benoît Collombat, journaliste d'investigation à France Inter, reprennent deux ténébreuses affaires sous forme de bande dessinée : l'enquête sur l'assassinat du juge Renaud, surnommé le shérif, la mort du ministre Robert Boulin, retrouvé dans un étang le 30 octobre 1979.

Le 3 juillet 1975, le juge François Renaud est abattu près de son domicile lyonnais, premier magistrat abattu en France depuis la Seconde Guerre mondiale. Avec son look atypique, François Renaud semble parfois tout droit sorti d'un western, il monte à cheval, se balade en ville en bottes, chemise rose et veste à carreaux. On le surnomme le shérif. Ses méthodes tranchent avec celles de ses pairs. Trois hypothèses sont privilégiées concernant l'assassinat : la vengeance personnelle (un mari jaloux, par exemple), celle d'un groupe de malfaiteurs (ce ne sont pas les suspects qui manquent) ou une raison politique, le juge Renaud était sur le point de mettre en lumière les étranges procédés de financement de certains partis. C'est cette hypothèse qui est retenue par les auteurs de la BD. Cette affaire n'a jamais été résolue et l'enquête n'aboutira à rien. Elle aurait gêné beaucoup de monde, notamment, semble-t-il des hommes politiques de l'époque…

30 octobre 1979, Robert Boulin est retrouvé à moitié immergé, la tête presque hors de l'eau dans un étang de la forêt de Rambouillet. La thèse du suicide est rapidement retenue, toutefois il semble difficile d'affirmer que Robert Boulin se soit suicidé par noyade dans un étang profond de 60 centimètres d'eau et de vase. Au fil des années, de nombreuses voix se sont élevées contre la version officielle, qui a conclu à un suicide…

Etienne Davodeau et Benoît Collombat reprennent, sous forme de bande dessinée en noir et blanc, les enquêtes concernant ces deux meurtres ; il s'agit pour eux de dévoiler la face obscure de la 5ème république des années 70 et 80. Ils retournent sur les lieux des crimes et rencontrent de nombreux témoins et journalistes pour tenter d'éclaircir les dessous de ces deux enquêtes, dépeignant les « années de plomb de la Cinquième république », avec de nombreux détails qui permettent de mieux comprendre le contexte politique de l'époque. Cette BD, particulièrement intéressante, se lit comme un polar où on passe de surprise en surprise. L'ensemble est clair et présente des faits qui dérangent toujours 40 ans plus tard.
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Je suis tombé par hasard sur cet ouvrage dans « ma » BU en flânant parmi le petit rayon des bandes et autres ouvrages dessinés : évidemment la couverture m'a interpellé immédiatement. Je n'ai que très peu entendu parler des « années de plomb » de la Vème République, mais la vision de De Gaulle en noir et blanc, éclaboussé d'un sang dont le rouge n'a pas été altéré, elle, a de quoi susciter la curiosité.

Dans cet ouvrage, il est beaucoup question du SAC : le Service d'Action Civique (1), sorte de milice « Gaulliste » fondée en France pendant la Guerre d'Algérie dans le but avoué de maintenir un semblant d'ordre dans cette période trouble. On y trouve pas que du beau monde, outre quelques anciens résistants, il y a aussi pas mal de « gros bras », de « voyous », dont la ligne politique est généralement bien plus à Droite encore que celle du Général de Gaulle.

Ce serait assez présomptueux de tenter de résumer ce roman graphique structuré sous forme d'enquêtes en quelques lignes. Enormément de personnes interviennent, peu sont anonymisées ce qui, en plus d'ajouter du crédit au récit, permet une immersion bien plus profonde à mon sens par le réalisme conféré aux témoignages et aux situations. L'ouvrage s'articule principalement autour de l'assassinat du « Juge Renaud » (2) et de « L'Affaire Boullin » (3).
Le premier, François RENAUD, magistrat un brin trop téméraire mais surtout beaucoup trop sur le dos du SAC, a vu sa vie écourtée suite à ses investigations sur le « casse du siècle », celui de la Poste de Strasbourg (il y'a en fait plusieurs casses du siècle dans un siècle alors l'expression est vite galvaudée), qui l'avaient conduit à penser que le butin aurait servi à financer un ou des partis politiques… Ce qui aurait fait mauvaise figure ; surtout pour la Droite, clairement dans le collimateur en matière de financement occulte... Si le casse est attribué au « Gang des Lyonnais », leur lien avec le SAC reste difficile à prouver.
Le second, Robert BOULLIN, alors Ministre du Travail, est retrouvé mort dans une position étrange, dans un lac de sa région natale. On retrouve plusieurs éléments concordants vers le suicide : lettres dactylographiées avec note manuscrite personnalisée à chacun des destinataires et surtout une affaire de fond, l'acquisition controversée d'un terrain à Ramatuelle, qui aurait grandement entamé la probité quasi-maladive de Boullin. Toujours est-il que Boullin est, lui aussi, sur le dos du SAC… Et ça ne plait pas beaucoup. L'Affaire Boullin, qui a plus de 40 ans, ne connait pas encore d'épilogue, sa famille se bat toujours pour faire la lumière sur tous les éléments sombres de l'histoire, notamment les fausses déclarations, les archives brûlées, les conclusions médico-légales d'origine démenties et j'en passe.

Tout ça nous permet de survoler l'époque et surtout de nous immiscer dans les méthodes du SAC. Bien sûr, la tuerie d'Auriol (4) n'est pas exclue du récit même si elle fait figure de superflu à côté du développement des affaires Renaud et surtout Boullin. Si des zones d'ombre – et donc de doute – persistent sur les responsabilités du SAC dans ces affaires et sur l'impunité qui régnait au sein de cette milice au macaron Bleu-Blanc-Rouge, les actions de la milice Gaulliste méritent qu'on s'y attarde tant les méthodes employées sont condamnables et dignes des pires dictatures : rackets, vols, intimidations, menaces de mort… Et parfois, mise à exécution de ladite menace.
Le SAC a été couvert très longtemps, trop longtemps, par des hiérarchies législatives, exécutives et judiciaires toutes imprégnées, infestées d'encartés du SAC. Si bien que peu sont ceux à oser ouvrir leur dossier, qu'ils préservent dans l'espoir de jours meilleurs :

« - Attendez… Vous êtes en train de nous expliquer que des policiers républicains vous transmettaient des informations sur des affaires criminelles impliquant le SAC et que vous les mettiez au coffre parce que vous étiez persuadé que si vous les donniez à vos supérieurs elles seraient étouffées ?!
- Oui… Tout serait retourné d'où ça venait », répond Paul ROUX, que Mitterrand nommera patron des RG à son accession au pouvoir en 1981 (p. 70).

Dans le genre de petite manoeuvre sympa attribuée au SAC ou ses représentants, on a aussi cette anecdote, suite à l'occupation d'une usine Peugeot en 1973 par des grévistes :

« A cette époque, le directeur du personnel de Peugeot est l'ancien directeur de la Sûreté Militaire. Son adjoint est aussi militaire : le Colonel COCOGNE ! Héhé ! … Et le responsable de la sécurité est un ancien du mouvement d'Extrême-Droite « Ordre Nouveau ». Tout ce petit monde déboule à l'usine avec 70 mercenaires en treillis, équipés de matraques et de chaines de vélo… Bonjour le dialogue social ! » (p. 140)

Comme il est dit clairement dans le livre, le SAC est indissociable du « Gaullisme », et ainsi de l'Histoire de la Vème République. Il y'a la Grande Histoire, celle qu'on apprend à l'école ; et l'histoire des petites mains (parfois sales) qui font la Grande, pour le meilleur ou pour le pire.

A la lecture de cette BD, force est de constater l'opacité générale dans laquelle évoluent les sociétés et surtout les peuples, même en France, pays où l'on vénère pourtant la Démocratie – preuve s'il en est que ce concept est lui aussi très galvaudé. Il est difficile d'avoir un avis définitif sur les affaires mises en lumière : il existe toujours des parti-pris, peu importe le camp. Mais ce n'est pas cela qui est intéressant ici, car malgré les questions en suspens, nombre de faits avérés pour lesquels il y'a eu des condamnations, sont mentionnés. On s'étonnera que le SAC n'ait pas été dissous avant 1982, suite à la tuerie d'Auriol qui aura forcé la main de Mitterrand dans ce sens. La liste des exactions du SAC serait sans doute trop longue pour être mentionnée exhaustivement, ce qui n'est d'ailleurs pas fait dans l'ouvrage ; sans compter qu'on ne sait sans doute pas tout…

Dans l'ensemble, cette BD est vraiment intéressante et permet une profonde immersion dans les arcanes du pouvoir politique. le noir et blanc général donne le ton mais les traits allègent l'ensemble, évitant trop de lourdeur dans cette fresque des années de plombs.

Pour des non-spécialistes (comme moi), je recommande en parallèle la lecture de « L'Histoire de la Vème République en BD » (5) de Thomas LEGRAND (malgré les reproches légitimes que j'ai pu faire sur l'ouvrage) car il permet une connaissance de base des institutions et personnalités phares de la Vème République présentés chronologiquement dans leur époque ; mais aussi, pour approfondir sur ladite époque (et ses prémisses) : « Histoire Dessinée de la Guerre d'Algérie » (6), autre BD, ultra-dense, où l'Histoire est contée dans ses moindres détails en prenant soin de présenter les points de vue des différents acteurs.

Globalement, je ne regrette pas la lecture qui ajoute une couche de complexité aux précédentes sur cette époque.

(1) https://fr.wikipedia.org/wiki/Service_d%27action_civique
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Renaud
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Robert_Boulin
(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Tuerie_d%27Auriol
(5) https://www.babelio.com/livres/Legrand-LHistoire-de-la-Ve-Republique-en-BD/1080171/critiques/1956042
(6) https://www.babelio.com/livres/Stora-Histoire-dessinee-de-la-guerre-dAlgerie/874145/critiques/1977641
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Il faudra une bonne journée et une bonne dose de concentration pour venir à bout de ce pavé. Pourtant, le nombre de pages n'est pas aussi impressionnant que cela. Ce sont les dialogues qui occupent totalement l'espace. On suivra le reportage mené par les deux auteurs. Il y a de nombreux témoignages à lire.

Il faut tout d'abord être intéressé par le sujet à savoir ce qui se cache sous la Vème République du Général de Gaulle. La couverture nous donne un peu le ton avec un président qui est taché de sang. Oui, nous apprenons que la 5ème république traîne également de gros boulets qui peuvent apparaître comme dérisoires si on les compare avec les nombreuses dictatures qu'il y a dans le monde. Pour autant, ce n'est pas une raison pour ne pas étudier les faits avec du recul. de là, peut-on réellement dire que la France a connu des années de plomb ? Il semblerait au vu de ce documentaire qui indique que cela a été soigneusement occulté.

J'avoue avoir entendu parler du SAC mais je ne savais pas ce qui se cachait derrière cette association loi de 1901. J'avoue également que j'ignorais que dans ma ville de Strasbourg avait été commis l'un des plus gros hold-up de l'argent public afin de financer le parti gaulliste au pouvoir. Oui, on regarde plutôt ma ville comme la capitale européenne ou la capitale de Noel. Je pense qu'il est bon de rappeler certains faits loin de toute caricature. La bd va s'intéresser notamment au meurtre du juge Renaud et au soi-disant suicide du ministre du travail de Giscard à savoir Robert Boulin.

Par ailleurs, cette bd vient de gagner le prix du public lors du festival d'Angoulême 2016. Les lecteurs ont apprécié dans leur ensemble cette oeuvre richement documentée. Une lecture certes éprouvante mais salutaire pour bien comprendre les évolutions de notre République.
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Un ministre et deux juges assassinés, des braquages et des trafics qui alimentent les caisses de partis politiques, des représentants syndicaux et des journalistes menacés, soyez les bienvenus en France dans les années 60-70 où le SAC règne en maître. Cette milice (ou cette mafia), protégée par ses cartes bleu-blanc-rouge et de nombreux procureurs, chasse tout ce qui pourrait nuire aux gaullistes et alimente les caisses du parti politique en utilisant ses membres infiltrés dans tous les corps de l'état et dans les entreprises mais aussi les plus grands truands de l'époque, d'anciens résistants ou collabos. BD où le texte de l'enquête prend le pas sur le dessin mais qui constitue un résumé intéressant de ce qu'il se passait dans ces années-là.
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Ai-je déjà dit ici tout le bien que je pensais de Futuropolis, un éditeur dont les choix sont souvent (toujours ? ) audacieux et pertinents. Une de leurs publications qui date un peu mais que vous devriez pouvoir trouver... "Cher pays de notre enfance", c'est de la BD d'histoire contemporaine, du journalisme d'investigation mis en images et en mots de fort jolie manière. Un exercice délicat et réussi qui jette le trouble sur cette droite française héritière de de Gaulle et sur son flirt appuyé et complice avec la grande criminalité. Secrets d'état, braquages, financements occultes, disparitions plus que suspectes, milice d'état : Etienne Davodeau et Benoit Collombat arrachent le voile pudique que l'histoire officielle s'efforce de maintenir sur la France de Giscard, de Pompidou, de Pasqua et du (bien mal nommé) Service d'Action Civique.
On se prend à rêver que le même exercice soit un jour réalisé en Belgique...
Il mérite incontestablement une place sur votre Pal.
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