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sur 84 notes
Je me souviens… avoir lu il y a bien des années La vie mode d'emploi de Georges Perec, l'histoire d'un immeuble parisien qui, à la manière d'une maison de poupée, se laissait découvrir appartement par appartement.
Je me souviens des films de Claude Sautet durant lesquels on retrouvait souvent les protagonistes autour d'une table, pour un mariage ou en enterrement, après avoir découvert un bout du parcours de chacun.
Je me souviens aussi de la collection de livres reliés dans la bibliothèque de mon oncle. Les 27 volumes des «Hommes de bonne volonté» de Jules Romains, dont la lecture m'apparaissait alors comme une entreprise impossible.
Je me souviens aussi de Marie et Laura, de Cigarette, de Liad, Frank, Chérif, et Alain, les sept voyageurs qui, par un soir d'hiver se retrouvent dans cette rame du RER qui va d'une banlieue parisienne à l'autre.
Je m'en souviens d'autant mieux que cela fait plus de trente ans maintenant que je prends le train pour me rendre au travail et pour en revenir le soir et que fort souvent je me suis pris au jeu d'imaginer la vie de ces personnes que je croise occasionnellement ou plus régulièrement. J'ai même griffonné un soir une idée de roman, dans lequel le narrateur décidait de confronter ses déductions avec les vrais voyageurs.
Autant dire que le premier roman d'Anne Collongues a résonné en moi dès les premières lignes.
Dès que Marie, après avoir hésité jusqu'à la dernière seconde, décide de monter dans le RER. Parce que pour elle, ce voyage a une signification toute particulière. En fait, Marie s'enfuit parce qu'elle ne supporte plus sa petite vie, entre un mari qui ne l'aime plus et une fille qui pleure. Marie, «jean informe, sac de collégienne, aux pieds de vieilles Converse, et le caban rouge bon marché» fait pourtant envie à Laura. Si elle partage son compartiment, c'est qu'elle est partie plus tôt du bureau et qu'elle veut, elle aussi goûter à un moment de liberté.
Et que dire de Liad qui se promenait la veille encore à Sdérot en Israël. Après ses trois ans de service militaire au sein de Tsahal, il a décidé de partir pour Paris plutôt que d'aller en Thaïlande. Dans ce RER, il a le temps de ruminer sa décision. En voyant les tristes paysages, il commence à se demander s'il a bien fait. Mais il a l'avenir devant lui.
Ce n'est plus vraiment le cas de Cigarette qui rêvait d'évasion et qui a déjà manqué un cargo vers le Brésil. En regagnant le ce café où elle travaille, on suit aussi ses espoirs déçus et sa frustration.
L'histoire de Chérif est aussi particulière. Osera-t-il vraiment rentrer chez lui ? Céline et son corps si sensuel l'attendent. Mais également Sofian et peut-être toute une bande qui voudra laver un terrible affront.
Franck n'est pas beaucoup plus joyeux. Il rentre dans son pavillon de banlieue et aspire à la tranquillité qui se refusera à lui. Il le pressent.
Alain a aussi été durement frappé par le destin. Un incendie, la mort d'un enfant, l'éclatement du couple… Il essaie de se reconstruire.
Sept existences que le lecteur va suivre tout au long de ce trajet, sept destins qui vont coexister avant de former un tableau d'une société bien malade.
S'il est quelquefois difficile de bien suivre chacun des parcours, c'est parce que l'auteur a aussi tenté, en construisant son livre avec des morceaux d'histoire, de trouver «une manière de les rapprocher sans utiliser un événement extérieur, de les rassembler, d'aller, en s'approchant de la fin, vers un seul chant à plusieurs voix.»
Mission accomplie. Même si ce chant à plusieurs voix n'a rien d'un chant d'espérance, si on croise des vies brisées et des drames douloureux, on sent en filigrane des hommes de bonne volonté. Je m'en souviens…
Lien : https://collectiondelivres.w..
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"C'est toujours un mystère, la vie des autres" et peut-être encore plus dans un wagon de RER. Un soir de février, ils sont plusieurs à monter dans ce wagon à Paris direction la banlieue. Encore un ou deux arrêts et ils sont sept.
Ils ne se connaissent pas, vont s'asseoir le temps du trajet face à face ou côte à côte. Chacun peut laisser son imaginaire "construire" l'autre d'après son apparence ou son visage ( "le fauteuil rend spectateur") . Certains se prêtent à ce jeu, Marie dans son manteau rouge essoufflée après avoir couru pour ne pas rater le RER et s'endort.
Regarder à travers la vitre et c'est paysage triste et gris mais quelquefois ce dernier fait place aux pensées intérieures : à la journée qui vient de de se passer ou à ce qui les attend ensuite. Personne ne se parle, juste des regards à la dérobée et chacun est perdu ou plutôt plongé dans ses propres pensées. Ils sont ensemble dans ce wagon mais seuls.

Le temps du trajet, Anne Collongues compose leurs vies et on les découvre petit à petit via leurs pensées intérieures.
Marie, Laura, Alain, Cigarette, Chérif, Liad, Franck tous ont un passé bien attendu. Et des attentes mais aussi des désillusions, des regrets et pour certains des espoirs. Durant ce transport et de façon introspective, certains prendront des décisions avec des impacts sur le futur, d'autres regarderont leur vies telles qu'elles sont et y introduiront le "et si".
Des voyageurs anonymes comme tant d'autres avec tout ce qui les séparent et la solitude malgré la présence des autres.

Avec finesse, Anne Collongues les rend uniques avec pudeur et bienveillance et on s'attache à chacun d'eux. Et quand le RER arrive à destination, on n'a qu'un seul regret celui de les quitter.
Un premier roman à la mélancolie douce (sans être pesante ou gluante) où l'on se retrouve par ricochets dans ces vies. Car ce qui nous sépare est ce qui nous unit tous autant que nous sommes.

Lien : http://claraetlesmots.blogsp..
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Belle maîtrise pour ce premier roman. Une langue fluide, des personnages fouillés à la psychologie fine, un fil conducteur original. Je me suis régalée, portée par le talent narratif de l'auteure qui dessine à l'aide de traits fins un petit monde de gens ordinaires et pourtant singuliers. Vous, moi, ceux que nous côtoyons tous les jours. Passionnant.

Un wagon de RER, quoi de plus impersonnel ? Sur fond de paysages de banlieues-dortoirs, on s'y croise sans se voir, on y affiche un masque qui tient les autres à distance, on y est anonyme parmi les anonymes. Et pourtant, derrière les visages lisses et fermés, il y a des vies, des désirs, des souffrances. Sous les bonnets et les casques audio, des pensées affluent, s'agitent, s'étirent. Dans ce wagon, ils sont sept passagers, ne se connaissent pas, empruntent ce train pour des raisons et dans des états d'esprit éminemment différents. Marie, Laura, Alain, Cigarette, Chérif, Liad, Franck. Au gré des mouvements et des arrêts, leurs esprits vagabondent et leurs vies défilent entre volonté de fuir, espoir de renouveau, tristesse, regrets, peurs, envies d'ailleurs.

Ce wagon les rassemble pour un court moment et leur offre une sorte de sas de décompression, une parenthèse hors du temps et loin de leurs contraintes si pesantes. Comme un refuge. L'occasion de faire le point, de repenser à ce qui aurait pu être, à ce qui peut encore être, pourquoi pas ?

Anne Collongues nous offre un concentré d'humanité en posant un regard juste sur toutes ces vies rassemblées et pourtant livrées à elles-mêmes. Car chacun se retrouve seul face à ses choix. La communauté n'est qu'une illusion. Chacun peut sentir sur ses épaules un fardeau de culpabilité qu'il est seul à supporter. Au cours de ce trajet, certains destins pourront peut-être se modifier, des décisions se prendre, mais la solitude, elle, demeure.

Même si le sujet et le traitement sont très différents, je n'ai pu m'empêcher de penser pendant toute ma lecture au livre de Pierre Charras, Dix-neuf secondes qui continue à résonner en mois malgré les années. Je retrouve ici cette façon de soudain donner vie à celui qui nous semble anonyme au point que nous ne le regardons même pas. Celui avec lequel nous partageons pourtant la même planète. Cette façon aussi d'interroger le principe de destin. Et si… ?. Et si, dans ce wagon, quelqu'un avait parlé avec Marie ?...

Avec beaucoup de finesse, ce livre nous parle de notre solitude au milieu de la multitude. Et laisse planer un fin voile de tristesse sur ces quelques destinées à peine entrevues. C'est joliment fait, très convaincant et sacrément agréable à lire.

« On peut essayer d'interpréter les apparences, y associer des occupations, des caractères, mais ce que chacun pense, ressent, rêve, toute cette agitation invisible, cela reste mystérieux et inaccessible, aussi intime soit l'autre (…). »
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Qui n'a jamais pris les transports en commun sans imaginer la vie que peuvent avoir les autres personnes ? Anne Collongues en a fait un livre. Les personnages ne se connaissent pas, n'ont aucun point en commun et pourtant, on arrive à sentir ce qui les sépare et les rapproche en même temps. Des raisons différentes et pourtant des angoisses si proches.
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Un très beau roman, très bien mené, sur un voyage en RER via le regard de sept personnages. Chacun ont leurs préoccupations, certains veulent s'enfuir, s'échapper, d'autres se préparent pour un moment particulier. L'écriture est très fluide, Anne Collongues parvient à nous faire rentrer dans ce même wagon et on se retrouve au milieu de ces personnages, on les observe, on les observe s'observer, c'est un très bon moment. Leurs pensées s'entrecroisent parfois, on passe d'un personnage à un autre, en toute simplicité et fluidité. Un excellent premier roman !
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