Naître fille ici est une malédiction, pense-t-elle en quittant le dhaba. L’apartheid commence à la naissance et se perpétue, de génération en génération. Maintenir les filles dans l’ignorance est le plus sûr moyen de les assujettir, de museler leurs pensées, leurs désirs. En les privant d’instruction, on les enferme dans une prison à laquelle elles n’ont aucun moyen d’échapper. On leur retire toute perspective d’évolution dans la société. Le savoir est un pouvoir. L’éducation, la clé de la liberté.
Elle raconte comment, dans l'État voisin du Kerala, les gens de sa condition devaient jadis marcher à reculons munis d’un balai pour effacer les traces de leurs pas, afin de ne pas souiller les pieds des autres habitants qui empruntaient le même chemin.
Maintenir les filles dans l’ignorance est le plus sûr moyen de les assujettir, de museler leurs pensées, leurs désirs. En les privant d’instruction, on les enferme dans une prison à laquelle elles n’ont aucun moyen d’échapper.
Le deuil est un chagrin indivisible, que nul ne vous aide à porter. A chacun de s'en arranger.
L deuil est un chagrin indivisible, que nul ne ne vous aide à porter. A chacun de s'en arranger - 112
... Un esclavage sexuel assorti de mauvais traitements sur lequel le gouvernement ferme les Yeux. Parfois surnommé « le paradis des hommes », l'endroit est assurément l'enfer des femmes. ... - 88
». «L'impossible, nous ne l'atteignons pas, mais il nous sert de lanterne », a écrit René Char. Léna tente de s'accrocher à cette idée, à cette petite lumière qu'elle a voulu allumer, un minuscule lampion qui faiblit aujourd'hui mais qui demain, espère-t-elle, retrouvera son ardeur et sa vivacité. Il faut continuer, ne pas se laisser entamer, reprendre la lutte, au nom de ces enfants qui l'attendent chaque matin. Pour eux, Léna veut croire et espérer que quelque chose finira par changer. - 194 /195
Pour la plupart des Indiens, marier son enfant est un devoir, une obligation. le mariage représente bien plus qu'une simple cérémonie, il est le ciment de la vie sociale, l'évènement le plus important de toute une vie - quand bien même il n'a pas été décidé ni choisi par les intéressés. L'amour ne rentre pas en compte.
25 000 fillettes mariées de force, chaque jour, dans le monde, a-t-elle lu.
Girl. No school.
La phrase tombe comme un couperet, une punition.
Pire, une condamnation. Léna reste sans voix. A regarder la petite s'éloigner, munie de son éponge et de son balai, elle a envie de hurler. Elle donnerait n'importe quoi pour transformer ces accessoires en stylo, en cahier. Hélas, elle n'a pas de baguette magique, et l'Inde n'a rien d'un décor de conte de fées.
Le pays n’es pas a un paradoxe près : des millions d’habitants n’ont pas accès à l’eau potable mais disposent d’internet et de la 4G.
Elle entend déjà siffler à ses oreilles la voix de ses détracteurs : ils diront que son regard est biaisé, lourd de préjugés occidentaux sur un monde qui lui est étranger. Qu’elle n’a nullement le droit de condamner ces mœurs. Ils l’accuseront de s’ériger en juge, en censeur, dans un pays qui n’est même pas le sien. Léna se moque bien de ce qu’on pourra lui reprocher. Ces arguments ne tiennent pas longtemps face aux larmes d’une enfant de dix ans que l’on vient de marier. Peu importe que l’on soit indien ou français, savant ou illettré, que l’on connaisse ou non la culture du pays, quiconque a déjà vu une petite fille pleurer le jour de ses noces en a eu le cœur brisé.