J'ai beaucoup aimé ce livre dans sa première moitié, puis beaucoup moins dans la seconde.
En effet, la première partie est je trouve à la fois plutôt drôle dans sa narration et très pertinente dans son propos. En effet, G. Connard s'attaque au mythe de "l'handicapé tout gentil tout mignon", très stéréotypé, très réducteur mais aussi terriblement condescendant pour les handicapés qui comme n'importe qui ont toutes sortes de personnalités, du plus sympa et intelligent au salaud fini. J'ai trouvé les réactions des gens dans son anecdote à la poste complètement ahurissantes ! Certes gifler un homme en fauteuil roulant peut sembler lâche car il ne peut pas forcément se déplacer rapidement pour esquiver ou se mettre à la hauteur de l'autre pour se défendre mais là, dans cette anecdote, c'était bien cet agent de la poste en fauteuil qui s'était montré lâche et violent en premier contre un client alors que celui-ci n'avait pas la même "arme" en face (jeter une agrafeuse sur quelqu'un tout de même !)
J'ai plusieurs choses à redire à la seconde moitié. Tout d'abord, l'auteur, qui n'avait plus d'idées d'anecdotes sous la main (ce qu'on peut comprendre, car on ne rencontre pas 20 handicapés par jour non plus) s'est servi du prétexte du handicap pour faire des critiques à propos de politiques ou d'artistes qui ne sont pas handicapés au sens propre du terme (bien qu'il les juge "handicapés du cerveau" en quelque sorte), jusqu'à preuve du contraire (certains le sont peut-être, on ne sait jamais, mais aucun psy ne l'a établi pour l'instant et G. Connard n'est pas psychiatre). C'est donc une grosse digression qui n'a rien à voir avec le sujet initial pour moi et ça témoigne d'une faiblesse de quantité de matière première pour le sujet initial.
De plus, en critiquant certains artistes, G. Connard tombe dans une faille qu'il condamne pourtant paradoxalement souvent et juste après, dans sa conclusion du livre : celle de la bienpensance à tout prix, du refus de la violence à tout prix (alors que là, elle s'exprime par mots, de façon sublimée et non par gestes) et de la volonté d'un monde de Bisounours.
En effet, à partir des paroles violentes d'une chanson d'Orelsan, il en fait un être sans doute atteint psychiatriquement parlant et très dangereux. Or, l'art peut parfois servir d'exutoire, et certaines chansons ne sont pas à prendre au pied de la lettre surtout lorsqu'on sait que certains chanteurs interprètent des personnages pour montrer l'être humain dans toutes ses facettes, dont les plus sombres, les moins reluisantes, les plus viles. Et le personnage de cette chanson, c'est un homme qui s'est fait quitter ou tromper, je ne sais plus, et qui dans un moment de déprime, désespoir et colère profonds dit ou pense les pires horreurs. Cela peut arriver dans la vie, de penser des horreurs, de les crier tout seul, sans pour autant passer à un quelconque acte violent et en se ressaisissant par la suite, en comprenant qu'on pense n'importe quoi. Il nous montre cet homme, cela ne veut pas dire qu'il EST cet homme en vrai (de la même façon que j'ai trouvé ridicule sa remarque sur le fait que ce serait un comble que Joey Star incarne un policier dans le film Polisse alors qu'il déteste la police ! Un rôle est un rôle !) le rap et certains mouvements artistiques sont dans la surenchère et la provoc, cela ne signifie pas que les chanteurs pensent réellement tout ce qu'ils clament surtout quand ils interprètent des personnages éloignés d'eux (pour Orelsan, cela se voit qu'il interprète un pauvre type qui ne se remet pas en question et n'a que la violence à la bouche suite à un chagrin et une frustration, ça part de ce scénario de départ). Je me demande donc s'il aurait fait partie de ceux condamnant les peintres expressionnistes allemands comme des "artistes dégénérés" dans la première moitié du XX ème siècle par exemple, ou
Baudelaire pour ses Fleurs du mal ou
Lautréamont.
Parfois, j'ai aussi trouvé que malgré l'humour, le propos tombait un peu dans la répétition alors qu'on a compris ce qu'il dénonce. J'ai parfois eu la sensation que l'auteur se voyait en grand pourfendeur de stéréotypes imbéciles (ce qui est vrai en partie) alors qu'il n'invente pas non plus la poudre bien que ce qu'il dise soit souvent intelligent.