Lecteur assidu de
Michael Connelly, j'ai cédé à cette facilité si tentante de jouer la sécurité en me procurant
En attendant le jour, d'autant qu'un nouveau personnage était présenté sur la quatrième de couverture. J'ai lu avec plaisir et sans effort cette enquête de Renée Ballard, retrouvant les ingrédients habituels de l'auteur aux 65 millions de livres vendus (dixit la biographie). Une enquête méticuleuse, mêlant plusieurs affaires, que l'inspectrice conduit avec acharnement et obstination. Rien d'exceptionnel ni de vraiment nouveau, Ballard étant une sorte de Harry Bosch au féminin – pour ma part, j'ai toujours eu une préférence pour Michael Haller et ses procès si passionnants à suivre.
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Le défaut majeur de ce roman réside dans sa forme, et spécialement dans la façon dont le personnage de l'inspectrice est décrit, ou, plutôt, “pas” décrit. le livre commence sur le nom “Ballard”, en omettant étrangement le prénom (page 9, la pagination est celle du Livre de Poche). Il faut attendre le troisième paragraphe et l'adjectif “meilleure” pour comprendre qu'elle est une femme, alors que l'ajout du prénom au tout début nous aurait aidés. Page 18, nous en apprenons enfin sur son apparence, fugitivement et laconiquement : un “tailleur van Heusen” (ce qui ne m'évoque rien), tandis qu'elle “compense sa petite taille”. “Petite taille” ? Serait-elle naine ? Page 19, son collègue Jenkins lui demande : ”Comment va Lola ? – Lola va bien, répondit Ballard”. La policière aurait donc une fille… Suspense…
Les répétitions du patronyme Ballard sont systématiques ; jamais de “Renée” (sauf une fois, sûrement une étourderie, page 105), et jusqu'à 8 occurrences dans une seule page. Page 72, enfin, nous en savons plus sur le passé de Ballard, une licence de journaliste et une vocation d'inspectrice suite à un procès qu'elle avait “couvert” pour le Los Angeles Times. Page 87, va-t-on découvrir la petite Lola ? Eh bien non : “Comment va Lola, demanda-t-il. – Lola va bien. – Bon, bon.” Au début du chapitre 8, formidable coup de théâtre (page 89), on comprend que Lola est… une chienne ! Ha, ha ! Mais quel intérêt d'avoir ainsi entretenu une telle confusion ? Page 91, information inédite : Ballard pèse 56 kilos et pratique le surf. Page 99, sa “petite taille” se précise : 1 mètre 70. Pas si petite, l'inspectrice ! Page 104, son aspect physique est évoqué – il n'est que temps, nous sommes tout de même à 20% de la pagination…
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J'en arrête là avec ces quelques remarques, dont la raison d'être n'est aucunement de se montrer désagréable, juste étonné, perplexe. Comment un auteur aussi renommé, qui a autant de moyens – on note l'importante équipe de coordonnateurs de rédaction dans les remerciements – peut-il bâcler de la sorte l'entrée en scène et la description de son nouveau personnage ? En tant que lecteur, j'ai été dérangé par cette image évanescente et contradictoire que j'ai eue en tête pendant plus de 100 pages : cette inspectrice était-elle une petite femme boulotte, voire une femme de couleur… pas du tout ! Une surfeuse sportive et dynamique. Changer d'image en cours de route est toujours gênant… Mais, à l'évidence, le décalage culturel entre les États-Unis et la France se révèle au travers de ces problèmes formels. Et comme le traducteur doit rester proche du texte original, il n'a guère de latitude pour adapter le style – sauf peut-être d'éviter de répéter des centaines de fois “Ballard fit cela, Ballard reprit, Ballard ouvrit un tiroir”…