Ce tome fait suite à Complètement marteau (épisodes 0 à 8) qu'il vaut mieux avoir lu avant. Il contient les épisodes 9 à 13, ainsi que le numéro spécial "Harley Quinn: Future's end", et "Harley Quinn invades Comic-Con international San Diego", initialement parus en 2014/2015, tous coécrits par
Amanda Conner et
Jimmy Palmiotti.
Épisode 9 (dessiné et encré par John Timms) – Harley Quinn monte sur scène pour un spectacle monté par Big Tony (l'un des locataires de l'immeuble qu'elle possède), et elle se fait enlever par un fan. Épisode 10 (dessiné et encré par
Marco Failla) – le temps est venu du premier match de roller : toutes les armes sont permises. Épisode "Future's end" (dessiné et encré par
Chad Hardin) – Harley Quinn se retrouve sur une île déserte avec Bernie (sa peluche de castor à moitié calcinée). Les sauvages locaux la prennent pour une déesse et la conduise à leur dieu.
Épisodes 11 à 13 (dessins et encrage de
Chad Hardin pour 11 & 13, de John Timms pour 12) – Power Girl s'écrase sur Terre, en ayant perdu la mémoire, au pied d'Harley Quinn. Cette dernière voit là la possibilité de se faire une excellente copine. Il s'en suit peu d'action superhéroïque, et surtout beaucoup de bonne humeur.
Dans le premier tome,
Amanda Conner et
Jimmy Palmiotti avaient prouvé qu'ils étaient capables d'insuffler assez de personnalité à Harley Quinn pour la rendre intéressante. le défi est assez compliqué car il faut réussir à la sortir de l'ombre du Joker, pour qu'elle devienne un personnage autonome. Il faut trouver un équilibre crédible entre ses actes de criminelle, et une personnalité assez plaisante. Enfin il faut concevoir une dynamique de sa série à la fois assez consistante pour en justifier l'existence, mais aussi adaptée aux idiosyncrasies du personnage (une supercriminelle).
La première réaction du lecteur est de se dire que les scénaristes ont fait au plus simple en alignant des aventures sans grande conséquence, dans une ambiance détendue : Harley Quinn cabotine sur scène, puis pendant un combat sur roller, puis face au Joker, puis aux côtés de Power Girl (Karen Starr). Les personnages secondaires de la série sont uniquement là pour lui donner la réplique, sans grande épaisseur psychologique. Les séquences alignent les transgressions gentilles (parce que sans grande conséquence) d'Harley Quinn, ainsi que ses changements de tenues.
Pourtant le lecteur se rend vite compte qu'il ne s'agit pas d'une lecture superficielle. Pour commencer, ces épisodes sont denses et ne se lisent pas en 5 minutes. Conner et Palmiotti incluent de nombreuses péripéties, et les personnages ne s'expriment pas par onomatopées. Ensuite, Harley Quinn devient une fofolle très attachante. Elle ne dispose pas de sens moral, ce qui la conduit à accomplir des actes répréhensibles, comme blesser physiquement des innocents, handicaper des opposants, faire se battre à mort des hommes pour son divertissement, abuser de la confiance d'une amnésique, mentir, etc.
Le lecteur peut s'agacer de cette absence de conséquence des actes illégaux et immoraux, neutralisant une partie de leur impact, les réduisant à de simples ressorts comiques. D'un autre côté, Conner & Palmiotti donnent de la consistance à leur personnage, en montrant son côté juvénile, son comportement insouciant, sa joie de vivre, et les différents plaisirs dans sa vie. le fait qu'Harley Quinn ne suive pas un code moral bien établi la rend imprévisible, installant un suspense quant à ses décisions, à la manière dont elle va s'y prendre, au cheminement de sa pensée.
Dès le premier épisode, le lecteur se rend compte qu'elle est sensible à l'amour perverti que lui porte ce fan qui l'a enlevée, mais qui n'a pas réfléchi à la suite (que faire une fois Harley Quinn en son pouvoir ?). Elle apprécie également de pouvoir prendre un bain de minuit avec les autres membres de l'équipe de roller, et de batifoler en leur jouant des tours (une histoire de requin). Finalement Harley Quinn est une jeune femme qui s'amuse des mêmes choses que tout le monde. le lecteur ne peut rester insensible à la manière dont elle embobine Power Girl, en se faisant passer pour sa meilleure amie, en allant effectuer une séance de shopping dans des magasins de vêtements.
D'épisode en épisode, les auteurs montrent une jeune (relativement) bien dans sa peau, au système de valeurs perverti, mais capable d'une grande affection envers ses amis, et prenant la vie du bon côté. Cette forme de joie de vivre s'avère communicative et le lecteur prend conscience que le sourire apparu au premier épisode ne quitte pas son visage pendant tout ce tome. Il faut dire que Conner et Palmiotti ne ménage pas leur peine et font feu de tout bois. Leur abattage est impressionnant, avec un humour piochant aussi bien dans le comique de situation que dans l'absurde (la manière décomplexée dont Harley Quinn défait son adversaire au roller).
Conner et Palmiotti n'hésitent pas à recourir à tous les types de comiques, y compris scatologiques, avec le retour de la catapulte à déjections (voir le premier tome), pour une cible et un effet du plus mauvais goût, totalement assumé. Cette forme d'autodérision mêlée de joie de vivre se perçoit dès les magnifiques couvertures d'
Amanda Conner, vives et enlevées.
Comme dans le premier tome, plusieurs artistes se succèdent pour soutenir le rythme de la parution mensuelle. le premier épisode est dessiné par John Timms, avec des cases un peu surchargées, et une manière de dessiner un peu trop juvénile. Mais il transcrit bien l'entrain inextinguible d'Harley Quinn, sa vivacité. Il établit consciencieusement les décors, et les expressions des visages sont assez parlantes. L'épisode suivant est dessiné par
Marco Failla, avec des décors un peu moins présents, et des postures un peu moins vivantes. Ce n'est pas un massacre, mais c'est le scénario qui porte la majeure partie de la narration.
C'est donc avec un certain plaisir que le lecteur retrouve
Chad Hardin pour les épisodes "Future's end", 11 et 13, pour des dessins un peu plus vivants, un peu plus denses en informations visuelles, et transcrivant avec plus d'efficacité l'énergie d'Harley Quinn. Il s'est inspiré d'
Amanda Conner pour les moues et autres expressions d'Harley, et c'est un bien, plutôt qu'une pâle copie. Il attribue également un langage corporel plus parlant et plus naturel pour les personnages. La séance d'essayage d'Harley Quinn et Power Girl est entièrement dans le ton d'une sortie entre 2 amies, drôle sans être racoleuse.
Avec ces 5 épisodes,
Amanda Conner et
Jimmy Palmiotti déroulent une narration dense, sans être indigeste, bourrée de traits d'humour de nature diverse et variée, faisant passer avec naturel la personnalité d'Harley Quinn.
Chad Hardin ressort comme le meilleur dessinateur du lot, mettant le mieux en valeur la verve des scénaristes. Les 2 autres réalisent un travail plus conventionnel, mais qui ne dénature pas l'histoire. C'est également un énorme plaisir de retrouver Karen Starr écrite par Conner et Palmiotti, comme lors des 12 épisodes qu'ils avaient réalisés pour la série Power Girl (en 2 tomes).
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- Épisode "Comi-con international San Diego" – Harley Quinn se rend à la Comi-Con de San Diego pour montrer son portfolio à Jim Lee. Pendant les 3 jours concernés, ça dégénère dès le premier et ça ne s'arrête pas.
À l'instar du numéro zéro, Conner et Palmiotti ont concocté un épisode spécial 100% démagogique (l'action se passe dans une convention de comics), avec une pléiade de dessinateurs. le lecteur peut lire des pages réalisées par Paul Pope (1 page), Javier Garron (6 pages), Damion Scottt &
Robert Campanella (5 pages),
Amanda Conner (3 pages), John Timms (9 pages),
Marco Failla (8 pages),
Dave Johnson (4 pages), et Stéphane Roux (2 pages).
Les auteurs s'en donnent à coeur joie. Si l'intrigue fait long feu, la bonne humeur est présente à chaque page, et Conner et Palmiotti sont déchaînés. Bien sûr, Dan Didio et Jim Lee font une apparition, chacun de leur côté, où ils ne sont pas forcément montré sous leur meilleur jour.
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- Secret origin (12 pages, dessins et encrage de Stéphane Roux) – Comme son titre l'indique, il s'agit d'une version des origines d'Harley Quinn. Comme elle le dit elle-même, il s'agit d'une version légèrement différente, sous-entendant qu'elle brode de manière différente à chaque fois qu'elle la raconte. Conner et Palmiotti proposent une version cohérente en termes de tonalité narrative avec les épisodes de la série mensuelle.
Stéphane Roux réalisent de belles planches, très léchées, avec des personnages aux visages très expressifs.
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- Ce tome se terminent avec la reproduction de 9 couvertures alternatives, dont 6 réalisées par
Amanda Conner (toujours délicieuses), 1 par
Yanick Paquette, 1 par
Darwyn Cooke, 1 avec des Lego.