C’est pourquoi l’évènement dont, depuis lors, mon père a toujours parlé comme de « l’incident » me prit complètement par surprise, encore qu’il ne manquât pas de me répéter par la suite que celui-ci puisait son origine dans un mal persistant qu’il appelait ses « grands fonds » : des idées noires qui, depuis des générations, frappaient chez les Branch aussi bien les hommes que les femmes – une maladie héréditaire, en somme. « L’incident » s’était produit douez ans plutôt, alors que j’étais en pension, et même si j’étais encore jeune, j’aurais dû en déduire que le monde dans lequel je vivais avait des fondations bancales et invisibles – j’étais un promeneur qui marchait sur un ponton au bois pourri caché sous l’eau.
Il tenait à la main un vieil album dans lequel on se serait attendu à trouver des photos de familles jaunies. (...), je vis l'album frémir légèrement, comme si quelque chose bougeait à l'intérieur, rien de sinistre, plutôt un espoir naissant, comme si au coeur de la sombre collection qu'il contenait, Eddie serait en mesure de trouver une lumière qui le guiderait vers une vie meilleure.
La cabane dont s'est servi mon père a été construite avec le bois qu'il avait volé à la scierie de la sortie de la ville. Il y allait la nuit et volait du bois ou tout ce qu'il pouvait trouver qui trainait là-bas, car il ne faisait pas de différence entre ce qui lui appartenait et ce qui ne lui appartenait pas, si bien que ce qu'il trouvait, si personne ne le voyait faire, devenait à lui par le simple fait qu'il le prenait. Il agissait ainsi en tout pour lui, tout ce qu'il voulait devait être à lui parce qu'il le voulait, ni plus ni moins, et tant pis si c'était à quelqu'un d'autre avant qu'il le prenne pour lui. Le grillage qu'il avait mis autour de chez nous était volé, tout comme la corde dont il s'était servi pour me fabriquer une balançoire dans le jardin, et pour ligoter les mains de Linda Gracie.
Deuxième partie. Chapitre 12
Comme si son opinion était déjà faite.
[…] j'en revins au débat de fond du cours : les raisons pour lesquelles des êtres humains en arrivent à torturer leurs semblables […].
Gâté par le sort, je n'ai pas su voir les ténèbres ni ce qu'elles dissimulaient.
La cabane dont s'est servi mon père a été construite avec le bois qu'il avait volé à la scierie de la sortie de la ville. Il y allait la nuit et volait du bois ou tout ce qu'il pouvait trouver qui trainait là-bas, car il ne faisait pas de différence entre ce qui lui appartenait et ce qui ne lui appartenait pas, si bien que ce qu'il trouvait, si personne ne le voyait faire, devenait à lui par le simple fait qu'il le prenait. Il agissait ainsi en tout pour lui, tout ce qu'il voulait devait être à lui parce qu'il le voulait, ni plus ni moins, et tant pis si c'était à quelqu'un d'autre avant qu'il le prenne pour lui. Le grillage qu'il avait mis autour de chez nous était volé, tout comme la corde dont il s'était servi pour me fabriquer une balançoire dans le jardin, et pour ligoter les mains de Linda Gracie.
Deuxième partie. Chapitre 12
S'habituer à souffrir, c'est l'étoffe dont est faite la vie.
Rien n'est trop ambitieux pour celui qui a de l'ambition, riposta-t-il. Et tout l'est trop pour celui qui en manque.
Parce que la réponse à une question qui vient du fond de ton cœur, Jack, le brise toujours.
-Alors, dis-moi, puisque tu es devenu un expert ès maux, des sept péché capitaux, lequel, selon toi, est le plus tentant ?
-L'orgueil, répondis-je. Il a valu à un ange d'être chassé du paradis.
[...]
-Et selon toi ?
-La luxure, déclara mon père sans la moindre hésitation.
-Pourquoi celui-ci ?
-Parce qu'il n'est pas régi par l'esprit. C'est purement physique et, pour cette raison-là, incontrôlable.