1954, Lakeland, Mississipi. Jack Branch, enseignant, tout comme son père, dirige un cours de rattrapage sur le thème du mal. le mal sous toutes ses formes, qu'il expose souvent théâtralement pour retenir l'attention de ses élèves. Et pour les impliquer encore plus, il leur demande de rédiger un devoir sur une figure emblématique du mal. Jack décide d'aider Eddie Miller, un élève assez effacé, fils du "Tueur de l'étudiante" à rédiger son devoir dont le sujet est tout choisi : son père.
La narration peut dérouter, elle n'est pas du tout linéaire. Jack, le vieillard, raconte un morceau de la vie de Jack, le jeune enseignant. L'histoire est émaillée de souvenirs parfois imprécis, de rencontres et surtout d'extraits de procès. Nous savons donc dès le début qu'il s'est passé quelque chose mais quoi? C'est là que j'ai trouvé que
Thomas H. Cook faisait fort. Car ce roman policier n'en ai pas vraiment un pour moi. Pas de meurtre, pas d'enquête, pas de suspect, pas vraiment de suspens ni de frissons...et pourtant il a réussi à éveiller ma curiosité et à maintenir mon attention avec ses petites insinuations qui en disent trop ou pas assez : " Il n'avait aucune raison d'avoir peur de moi. Ce en quoi, évidemment, je me trompais" ... ah!!! pourquoi? ou encore "Tu n'es pas celui que tu t'imaginais être...elle n'aurait pu se douter à quel point elle disait vrai"...oh!!! pourquoi? Et voilà, tout le long, c'est comme ça,
Thomas H. Cook nous laisse languir dans la chaleur du sud et d'un coup, hop, il nous titille et nous réveille. Et ce jusqu'à la fin car c'est vraiment dans les dernières pages que l'on apprend ce qui a mené au procès.
Quant au style, je découvre
Thomas H. Cook avec ce livre et je ne regrette pas! J'ai vraiment beaucoup aimé sa façon d'écrire, ou du moins la traduction qui en a été faite. J'ai beaucoup apprécié certaines images : " Son corps dévasté semblait noué comme un tricot trop serré, défraîchi, qui se démaillait un peu plus chaque fois qu'il respirait", " le bon pote [...], plus une présence qu'il fallait remarquer qu'une force sur laquelle compter, plus l'écume qui bouillonne à la surface que le poison qui gît au fond". Et certaines phrases m'ont touchées également : " Parfois, on se détruit, non pas d'un seul coup, mais au gré d'une lente descente, qui se fait à pas hésitants, par paliers, à coups de décisions successives", "Mais si le passé, une fois passé, est d'une approche facile, c'est à l'aveuglette que nous nous enfonçons dans l'avenir, par petits pas et faux pas"...
J'ai apprécié les personnages même si certains font un peu cliché surtout dans les élèves. Sheila, la jolie fille, Dirk la petite frappe, Wendell le copain suiveur, Eddie le timide au fort potentiel...C'est surtout les Branch qui m'ont interessée. le père, vieil homme dépressif, érudit, qui plie sous le poids de l'hérédité et son fils Jack, parfois pédant, parano, jaloux, qui finalement se perd dans sa relation avec son père en voulant agir de façon peut être trop paternelle avec un enfant qui a un lourd héritage paternel lui aussi. A trop flirter avec le mal dans ses cours, il le voit partout et de nombreuses fois, il fait des rapprochements entre les sujets horribles étudiés et les évènements qui se déroulent sous ses yeux. Plusieurs fois je me suis demandé s'il n'allait pas finalement tomber dedans, passer de l'autre côté, et si ce n'était pas ce cours qui avait tout déclenché ou du moins fait remonter à la surface ce qui couvait...
Ce livre m'est apparu plutôt comme le récit d'un fait divers d'un point de vue subjectif qui s'attarde sur la vie des personnages et leur ressenti que comme un roman policier. Mais quand les derniers évènements se précipitent et que la narration se fait se télescoper le destin des personnages, je me suis dis "oh..." Un "oh" de déception car c'était déjà fini et même si l'histoire en elle même n'est pas très originale finalement, elle est assez riche de tout le reste.
"La vie est l'inverse du mythe de la Création. Ce mythe commence dans les ténèbres et fini dans la lumière. La vie, c'est le contraire"
Merci à Babelio et aux Editions du Seuil