Ce livre est éclatant !
Après
Agathe Ruga, il est mon second gros coup de coeur de ce mois !
A l'heure du féminisme, où l'on se polarise sur toutes les différentes souffrances et maltraitances de la femme, je reçois ce roman comme une très longue et tendre caresse pour l'homme que je suis.
Alors un énorme MERCI, Amélie !
Je ne connaissais pas cette excellente auteure.
Pourtant j'étais venu l'écouter au « Café littéraire », au dernier festival du livre Paris, en avril dernier.
Amélie avait parlé de son dernier roman et j'avais tout de suite su qu'il allait me plaire.
Mais j'étais loin de me douter que l'auteure avait écrit, avec un style assez cru, un roman aussi vivant, aussi puissant, une histoire d'homme très vraie et efficace. Et qu'elle avait de surcroit osé traiter de ce sujet tabou et grave, mais vieux comme le monde, avec de l'humour et de délicieux jeux de mots.
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Car le choix du roman d'
Amélie Cordonnier était clair, c'était celui de donner de la place à l'abstinence forcée d'un homme, en entrant dans la vie intime d'un mari.
D'un mari amoureux qui est détruit, décomposé dans son âme par une trop longue privation de tendresse, d'amour et surtout de sexe.
D'ailleurs l'auteure a été jusqu'à minimiser la souffrance qu'éprouve sa femme Isabelle, le second personnage de cette histoire.
Et je peux comprendre que ce roman ait pu gêner ou déplaire à certaines lectrices.
Pour moi, Amélie a dû être probablement un homme dans une de ses vies antérieures.
Et je suis admiratif, que l'auteure ait pu se mettre remarquablement dans la peau et surtout dans le cerveau d'un homme. Presque intrigué qu'elle ait pu décrire d'aussi vrais sentiments d'homme, avec ses fulgurantes sensations.
Avec ses terribles sentiments de frustration, de vexation, de refoulement, de honte.
Des sentiments qui le rendront égoïste, aveugle, et qui l'empêcheront souvent de chercher à comprendre la propre souffrance de son épouse ou de sa concubine, celle qui se refuse chaque soir, chaque semaine à lui.
Avec ses vraies douleurs et ses questionnements sur sa virilité méprisée.
Avec cette lourde culpabilité de trainer sa trop grande libido.
Avec ses fantasmes d'homme qui viennent ensuite le hanter, impitoyables. Et qui deviendront très vite des obsessions.
Avec ses films insensés qu'il se fait dans la tête et qui tournent en boucle et lui brouillent l'esprit.
Avec cette vision déformée d'un monde érotique qui l'entoure, où les hommes et les femmes ne sont que des animaux en rut et en chaleur, qui circulent, qui se croisent, qui se séduisent, qui se sentent, qui se reniflent, qui veuillent le coït, qui forniquent, qui cherchent une libération, une jouissance furtive, un plaisir sexuel, même des plus tristes lorsqu'il est virtuel.
Un homme frustré avec aussi ses envies lugubres parfois de violences verbales, de violences sexuelles, de violences conjugales, qui l'amèneront inexorablement à forcer et violer sa propre épouse.
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Amélie Cordonnier a tout dit ou presque sur les relations très compliquées parfois conflictuelles du couple. Parce qu'il y a cette différence sur les aspirations, la perception et le sens de la vie de chacune et chacun. Parce qu'il y a toujours eu un énorme décalage entre les désirs sexuels de l'homme et ceux de la femme, surtout lorsque la demande chez le mari est démesurée malgré lui. Et quelque soit l'amour que l'un porte à l'autre
Parce qu'il y a cette différence physiologique, biologique et hormonal qui est parfois insupportable, parfois insurmontable et qui fracassera, désunira doucement les êtres.
La vie de couple n'a jamais été un long fleuve tranquille. C'est un tourbillon d'envies, de séductions, d'émoustillements, de désirs inavoués et inavouables, de petits compromis tacites, de résolutions, de promesses, mais aussi de frustrations, d'absences, de désillusions, d'abstinences.
Tout peut aller très vite lorsque bercé par le ronron du quotidien et englué dans les petits problèmes personnels, ce couple oublie d'entretenir la tendresse et le désir mutuel, ce feu qui unit les corps, la nuit et qui les rend vivants.
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C'est alors qu'apparaissent insidieusement les mots.
Des mots qui dans la bouche d'une épouse peuvent, sans qu'elle en ait conscience, avoir une puissance dévastatrice sur son époux.
Des mots tranchants, des mots violents, des mots castrateurs, des mots qui vous mutilent l'âme.
Des mots, des phrases toutes faites qui émasculent le mari, l'homme, le mâle.
Des mots qui le rejettent et l'enferment dans sa solitude, son mutisme, sa consternation.
Des mots qui lui font ravaler son amour-propre, sa salive.
Des mots qui maltraitent son orgueil et son être tout entier.
Des mots qui lui font douter qu'il est vraiment un homme.