Qui suis-je ? Cette question parcourt le livre de
Fatima DAAS «
La petite dernière », dont tous les chapitres commencent par : “Je m'appelle Fatima » . Une adolescente se construit.
Chaque fois elle repart de zéro, lance sa mélopée qui pulse et qui palpite pour concilier le français et l'arabe, Clichy sous Bois et Alger la blanche, sa mère soumise et son père violent, son asthme et son adolescence, son sexe et son genre, les interdits de sa foi et la loi de ses désirs.
Aux réunions des asthmatiques elle dit « tu dois parler de ton identité. Dire le strict minimum : t'arrêter à tes nom, prénom et âge, trois choses que tu ne choisis pas». L'asthme qui l'handicape depuis l'âge de deux ans est une des facettes de son identité. Elle étouffe. « Je suis porteuse d‘une maladie invisible» Vu la sévérité de ses crises, les médecins lui proposeront plusieurs fois de rencontrer des psychologues ce qui je pense amorcera la réflexion de cette autofiction.
Les transports en commun font l'objet de descriptions précises. Elle habite en banlieue et passe parfois quatre heures par jour dans les trains. Je me suis demandée, mais c'est une interprétation tout à fait personnelle, si elle ne s'interrogeait pas sur la façon de se trouver transportée avec des relations intimes, en commun donc.
La langue est moderne et musicale, simple directe et efficace. Elle va à la ligne presque à chaque fin de phrase, ce qui donne un texte très rythmé. Elle mélange sans heurts l'arabe et le français, ce métissage des langues est le parler local à la maison et au collège. Sa difficulté à exprimer ses sentiments revient souvent car chez elle son « père disait souvent que les mots c'est du cinéma. Il n'y a que les actes qui comptent ». Cet empêchement sera résolu à la toute dernière page quand elle dira à sa mère « ça raconte l'histoire d'une fille qui n'est pas vraiment une fille, qui n'est ni algérienne ni française, ni clichoise ni parisienne, une musulmane je crois, mais pas une bonne musulmane, une lesbienne avec homophobie intégrée. Quoi d'autre ? » et que sa mère lui offrira un carnet pour écrire.
J'ai trouvé ses rapports à la foi très émouvants et très beaux. Pleins de ferveurs ils la portent malgré les contradictions et nourrissent le sens profond de sa vie « je pleure, prosternée devant l'immensité de Dieu. Je tremble en récitant les versets ». Chaque fois que ça ne va pas, elle se recueille pour permettre à son être de retrouver la dimension spirituelle fondamentale de son existence. Cela m'a permis de découvrir en faisant quelques recherches , un islam tolérant, des imams ouvertement homosexuels qui proposent quelques mosquées inclusives.
Ce premier roman, drôle et profond, est très original autant par son sujet que par son style.