En 1934, une rébellion a lieu à la colonie pénitentiaire pour enfants de Belle-Ile.
Jacques Prévert est le témoin écoeuré de la traque donnée aux évadés par les locaux, et même par les touristes. Il en tire un poème : la chasse aux enfants.
L'affaire fait grand bruit et un journaliste de Paris Soir,
Alexis Danan, se lance dans une enquête nationale avec appel à témoins : ce livre, paru en 1936, est le bilan de cette enquête et de cet appel à témoin, il comprend des dizaines de lettres d'anciens "colons" de Gaillon, Mettray, Belle-Ile et autres établissements de sinistre mémoire, et d'anciens détenus des pénitenciers pour enfants d'Eysses et Aniane.
N'ayons pas peur des mots, tout cela est une honte qui entache à jamais la mémoire de la justice et de l'administration pénitentiaire françaises, et
Alexis Danan fut aux bagnes pour enfants (le mot n'est clairement pas galvaudé) ce qu'
Albert Londres fut
au bagne pour adultes : ce qu'on appellerait aujourd'hui un lanceur d'alerte.
Cela fut efficace : Mettray, qui existait depuis un siècle, fut fermé l'année suivante.
En fin de volume, Danan présente le reportage qu'il a fait chez nos voisins belges, où l'on découvre qu'ils avaient déjà quasiment tout compris au fait qu'il fallait essayer de comprendre la raison des dysfonctionnements observés chez ces enfants pour la traiter, et que les sévices et privations étaient non seulement inefficaces, mais ne faisaient qu'aggraver les choses.
Le moins qu'on puisse dire est que la comparaison nous est fatale, là où visiblement nous n'étions capables que de mises au cachot, de coups de trique, de viols et d'incitation au vice. Summum : beaucoup des victimes n'avaient commis comme seul crime que d'être orphelins ou rejetés par leur beau-père ou belle-mère !
Cette terrible comparaison est d'ailleurs la preuve douloureuse que l'époque n'est pas une excuse. Ailleurs, on avait déjà compris dans les années 30 ce que nous nous obstinions à ne pas voir, ajoutant la maltraitance institutionnelle à l'abandon parental.
Si aujourd'hui nous n'en sommes plus là, l'état de déliquescence dans lequel se trouve ce qu'on appelle désormais la "protection de l'enfance" donne envie d'envoyer du
Alexis Danan en intraveineuse aux décideurs politiques.