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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Țăndărică est Gabrielle Danoux, on le sait depuis longtemps, mais qui est Gabrielle oui et non à la fois (da, nu) ? Cette publication semble proposer une réponse détournée, tant le style des deux textes qui se suivent est différent. Je parie même que le narrateur masculin du roman et le je féminin qui fait l'annonce de la fin correspondent à deux esprits opposés, qui s'affrontent et non à deux visions complémentaires du monde. Paradoxalement, le roman le Chemin du fort, nous dit tout ce que la traductrice n'est pas, tant il surprend par son arrogance et ses idées d'un noir dangereux, radical, si loin de ses choix littéraires habituels. le masculin belliqueux se moque des universitaires, tue les étrangers, transforme les magistrats en des hors-la-loi, place des amoureuses dans la même cellule (franchement, quel cliché que ce fantasme des lesbiennes) et se montre lâche dans l'utilisation de toponymes prétendument non identifiables, mais qui trahissent le mépris de l'étranger (le Lobango [law bah go], associé aux "haïdouks" ?) qui doit mourir sans qu'on juge son criminel. Gabrielle Danoux la traductrice choisit de transposer du roumain des textes dans lesquels la noirceur est teintée de lueurs d'espoir, des textes dans lesquels il y a malgré tout une justice des hommes qui triomphe, des textes où l'amour fait encore sens et sauve. Corps transparent et Coeurs cicatrisés de Max Blecher, avec des courtes préfaces éloquentes, en témoignent amplement. Son dernier mot n'est-il pas une promesse créatrice qu'enfante l'amour d'un paradis roumain perdu par l'inhérente disparition de l'enfance, plutôt qu'une menace défaitiste ? Elle répond au "masculin fort" par le rejet de la mort, en nous faisant comprendre qu'il peut y avoir une place pour l'étranger, à condition de se donner la peine de le comprendre tel qu'il est. Traduire devient ainsi acte de "justice" littéraire, mais aussi sociale.
La voix du Chemin du fort roman est bien celle que l'autrice rejette. Pour preuve cet extrait qui prône l'impunité, alors que dans "Ma nouvelle", la pénitence est victorieuse : "Ce vendredi-là, je lisais Zola : « Pourquoi donc faire porter à l'argent la peine des saletés et des crimes dont il est la cause ? L'amour est-il moins souillé, lui qui crée la vie ? » Ni l'époque de Zola ni celle de Borchert n'ont manqué de bourreaux. Malgré la suppression des postes de travail, la nôtre n'en manque pas plus : à l'abri de bureaux, d'agents de sécurité, d'institutions, protégés, ils ne sont que rarement confrontés aux atroces conséquences de leurs actes." (p. 86). Les références littéraires, disons-le, ne sont pas toujours habilement insérées.
À l'arrogance du roman, ressentie jusque dans la syntaxe, la traductrice oppose dans sa nouvelle, la force de la nécessaire légèreté qui "cascade de toute cette matière à la fois" et qui ne tue point.
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Comme d'autres ici, je me suis plongé dans le roman de G. Danoux avec un état d'esprit particulier. C'est une amie littéraire et à ce titre je savais devoir être un peu plus attentif à mes mots que d'habitude. Quel effet peut bien avoir sur Agatha Christie la critique d'un vulgaire lecteur ranuculophile ? Alors qu'ici, j'espère si Iaso le permet, continuer à échanger des impressions de lecture avec Tandarica.
Première difficulté : le format numérique Kindle auquel je ne suis pas habitué. Commencé en ligne, contraint de télécharger l'appli du même nom pour le lire d'abord sur mon ordi (pas pratique du tout) puis sur ma tablette (infiniment mieux). Cela a un peu gâché mon entame . . .
Deuxième difficulté : mon insuffisance intellectuelle : Je crois que cela fait bien longtemps que, à part dans « des chiffres et des lettres », je découvre tant de mots dont je n'ai jamais entendu parler. Pire, dont je ne me souviendrai certainement pas . . . Et je ne parle pas des noms propres, d'une province de la République du Congo en passant par des peintres pétaradants (Suzuki) ou des réalisateurs dont la filmographie m'a laissé bouche bée (Bava) . . . . Il n'est jamais très simple de mesurer de manière si crue ses lacunes.
Là, il me faut saluer les performances de l'outil numérique cité plus haut : c'est grave efficace pour comprendre là où c'est possible car il y a certainement des finesses qui m'ont échappées, je le sais, je le sens . . .
Sinon l'ouvrage lui-même est une belle construction, en forme de roman policier sans en être un vraiment. C'est plutôt un puzzle policier dans lequel des éléments divers vont venir enrichir une trame bien définie dès le début. C'est l'occasion de découvrir des morceaux de vie, des parcours, des abandons.
Car l'essentiel du roman est bien dans ces déchirements, ces désirs inassouvis, ces compromis ou compromissions qui jalonnent les vies des protagonistes se croisant dans ce lieu introuvable où se situe l'action. Les sentences narratives de l'auteure font mouche presque à chaque énoncé et nous montrent à quel point quatre-vingt-dix-neuf pourcent des habitants de la Terre, vivant dans ce fameux lieu ou pas, sont soumis aux mêmes contraintes et répondent aux mêmes besoins.
Un beau roman difficile.
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Quel étrange roman que celui-là ! Bien que sa trame soit composée principalement de l'enquête informelle d'un bibliothécaire séducteur compulsif sur deux assassinats prétendument perpétrés contre leurs époux par de secrètes amantes dont les aveux sont notoirement faux et bien favorables aux manigances de magistrats véreux, je voudrais en fournir une lecture très personnelle, à mes risques et périls, qui sorte du polar et que je mettrais sous les auspices illustres de deux auteurs français qui ne sont pourtant jamais cités : La Bruyère et Julien Gracq. En effet, le roman comporte une construction complexe de nouvelles en puzzle, rédigées par le même narrateur (hormis l'Épilogue), qui ne se succèdent pas chronologiquement et qui peuvent pour la plupart soutenir une existence propre, indépendante de l'histoire, même si le fil rouge du narrateur et du personnage d'Arielle les relie. Existence indépendante fondée tout à tour sur un lieu – dont la description me fait penser à Gracq, et/ou sur un « caractère » (La Bruyère), très contemporain dans l'identification des « vices » et des « opprobres » qu'il représente...
Pour vérifier cette hypothèse, j'ai reconstitué le plan du roman en identifiant d'abord le lieu, lorsqu'il est significatif, ensuite le ou les personnages principaux de chaque chapitre. Il en résulte quelques exceptions, par rapport à l'absence de lieux (le ch. IX par contre en comporte 2), qui sont sans doute fonctionnelles au déroulement de la trame, mais mon hypothèse me semble généralement confirmée :

Chap I : « La gazette officielle » – l'école – intro du scandale judiciaire.
Chap II : « Brichamps » – le fort – Vernet et le jeune juge Keating.
Chap III : « Pièces obscures : les bibliothèques » - bibliothèques – le narrateur (sa carrière).
Chap IV : « Pièces obscures : les cinémas » - flashback : Ciné Club de Crouziers – le narrateur et Arielle (1er dialogue).
Chap V : « Ce vendredi-là : le rapport » - pas de lieu mais chroniques des deux médias locaux sur le double meurtre.
Chap VI : « Ce vendredi-là : la déposition » - flashback : la fête de Martine, bibliothèque avec Martine et ses enfants, maison de Martine, lieu de son suicide – Martine.
Chap VII : « Le retour : soir de désespoir » - bistrot de Brichamps – Vernet soûlard, le narrateur (séducteur), intro Beate.
Chap VIII : « Ce vendredi-là : Police ! » - pas de lieu – Katy.
Chap IX : « Être né » - forêt de la ville natale, puis surtout : maison de Marco et Arielle – Beate.
Chap X : « Un lys sauvage des marais » - flashback : fête de Flex – Arielle et Katy (passé).
Chap XI : « Ce vendredi-là : elle » - maison de Marco – Arielle et Katy (présent).
Chap XII : « Le tribunal » - le tribunal : lieu de travail de Marco – Marco, Rita et Keating : élucidation des crimes.
Chap XIII : « Homme à vendre, Marco » - pas de lieu ; Marco : circonstances de son installation en France et rencontre avec Arielle.
Chap XIV : « Homme à vendre 2 : Limbourg » - pas de lieu : l'ascension politique de Limbourg.
Chap XV : « Un homme à vendre : Kerpener » - pas de lieu : ascension et chute de Kerpener dans les manigances judiciaires.
Chap XVI : « Recherche du frère » - pas de lieu : enquête du narrateur dans le milieu criminel.
Chap XVII : « Les ruines » - pas de lieu : résultats de cette enquête, puis fin de partie entre Kerpener et les magistrats.
Épilogue : Fin de carrière du narrateur, devenu le conservateur Maucler, narrée par l'auteure.

Suivi de : « Ma Nouvelle » : Réflexions de l'auteure sur les fondements biographiques, culturels et identitaires de son écriture.

Je voudrais proposer une hypothèse encore plus hasardeuse et personnelle sur les lieux, peut-être non sans penser à Gracq : il me semble évident qu'il y en a deux qui priment sur les autres : le fort et la forêt (qui inclurait aussi la maison de Marco et d'Arielle). de manière certaine, le palais de justice est aussi mis en parallèle avec le premier, et le pas est court qui consiste à associer la prison aux deux pour en faire les lieux sinistres et labyrinthiques de l'enfermement, de l'injustice, des embrouilles, de la mort (de Marco, et enfin, pour ce qui est du tribunal, des trois représentants de la Justice corrompue). La forêt, par contre, représenterait le lieu des découvertes (botaniques), de l'épanouissement (d'Arielle), de la liberté (d'Arielle et de Marco en jogging) : le narrateur est aussi amateur de la forêt.
Les personnages : je suis frappé par le nombre de noms à consonance étrangère : Marco, alias Arok Mokram, bien sûr, qui est un Africain (un Lobangais), dont les circonstances de la migration en France (voire quelques indices sur un passé pré-migratoire ténébreux) sont exposées. Mais il y a aussi le juge Keating, le greffier Kerpener, peut-être aussi Beate (sans accent), et Katy ? Pourtant, hormis le premier, et contrairement à une grande tradition dans la littérature migrante au sens le plus large, dans laquelle le texte « Ma nouvelle » se propose explicitement d'inscrire cet ouvrage, la nationalité étrangère ou issue d'un migration familiale des personnages joue un rôle très mineur : littérature migrante, oui, littérature de la migration, absolument pas !

Transition, à travers « Ma nouvelle », sur l'auteure, Gabrielle Danoux, qui m'a fait l'amitié de m'adresser ce volume. Cette auto-interrogation sur son écriture, qui part en vérité de la même question, « Pourquoi écrivez-vous ? », adressée à l'écrivain roumain Mircea Cartarescu, engendre de multiples suggestions ou esquisses ou aperçus de réponse, dont certains transgénérationnels, et donc plus particulièrement liés à un « ailleurs ». Néanmoins, il me semble que le poids principal penche sur sa profession de traductrice, et spécifiquement, comme l'indique l'excipit, sur la traduction conçue comme rédemption. Attention : il est tout sauf banal que de suggérer une réponse qui serait ainsi formulée : « J'écris parce que je traduis », « Je traduis pour me racheter [rédemption] » !
Sans m'attarder sur un tel développement qui tomberait facilement dans un psychologisme de mauvais aloi, je conclurai par contre sur la sensation constante qui accompagne le lecteur d'avoir entre les mains l'ouvrage d'un.e traducteur.trice. D'abord par la richesse et précision du vocabulaire, non seulement dans le domaine judiciaire ; non seulement dans les forts indices disséminés çà et là qu'il existe des références, renvois, citations textuelles à des oeuvres probablement étrangères ; non seulement par la méticulosité exercée sans relâche dans le maniement de la langue française ; surtout par cette conscience suraiguë, chez les traducteurs-auteurs allophones de naissance, que leur oeuvre dans la langue d'élection la traverse horizontalement en même temps qu'ils en sont traversés verticalement, dans un flux qui les précède et les suivra, comme tout autre locuteur, mais que eux ont eu le privilège de choisir parmi d'autres disponibles.
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Salut! Aujourd'hui pour moi vous êtes des cacatoès!x) Il est des plumes, des stylos ou des claviers qui se sont pas "improvisées", mais travaillés et réfléchis. Décorant de figures de styles, profusion de descriptions, les oxymores, les métaphores. On sent que l'auteure à pensée à chaque tournure de phrases (ou ses alpha/beta relectrices?). Chaque choses, pensées, actes, sont très détaillés. Et en même temps un peu évanescent, comme si le lecteur ou la lectrice était noyé.e dans tout ses détails. Pour faire un parallèle c'est comme regarder un film en noir et blanc, c'est difficile de se plonger dedans mais une fois fait, c'est top. C'est aussi comme un premier rapport sexuel x)... Difficile a commencer mais... vous avez compris, lol. Moi j'avais bien aimé Flaubert j'ai eu 16 au BAC de Littérature grâce à lui et j'en ai retrouvé un peu entre tes lignes. Un livre où j'ai du beaucoup revenir en arrière pour en comprendre le sens de ces cent cinquante pages, il ne sera pas facile d'arriver au bout de ce bijou, qui a tout pour nous perdre et nous gagner à la fois, et ma mémoire cachetonnée aux medocs.... Je ne vous spolierais pas sur l'histoire, simplement sur le style un peu particulier. Humble et franc, mais complexe sans être complexé. J'espère que tu trouveras honorifique les propos qui suivent, mais ton style est celui d'un Zola, d'un Diderot, d'un Flaubert, d'un Victor Hugo, ... Mais moi je ne m'intéresse plus à la littérature classique depuis le temps où on nous forçait à en faire au lycée (et en se forçant un peu.... ça passe! J'ai même vraiment adoré Madame Bovary!). Un très grand merci pour la très belle triple dédicace, très belle écriture à la main, moi j'ai perdu ce talent. J'espère qu'on gardera contact. Bon mois d'Août!... En ce qui concerne cette critique, elle ne concerne que moi et j'espère avoir trouvé les mots justes. Et je te souhaite que la mode des classiques et des poèmes revienne en force, comment la très bonne autrice Cécile Coulon. Si je peux vous mettre en contact ce serait super;).
Lien : https://allmylinks.com/charl..
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Lorsque l'auteure m'a fait l'honneur et le très grand plaisir de me proposer de lire des romans d'auteurs Roumains de sa traduction, j'ai été enthousiasmée.
J'ai cherché ses oeuvres sur Babelio, trouvé "Le chemin du fort" qui m'a été gracieusement envoyé.

Autant le dire tout de suite, ce roman est un petit bijou littéraire. N'attendez pas un polar classique, bien qu'il soit question de meurtres.
Le personnage principal mène des investigations et le déroulement des faits nous est présenté selon un enchaînement qui est surtout pretexte à une dénonciation de travers humains, de la justice, de la société.
Un style riche et une analyse fine pour un livre d'une grande érudition.

Alors pourquoi une note moyenne de 3,5 ? Parce que certains passages m'ont demandé un effort d'attention. Parce que les personnages ne m'ont pas été sympathiques. Et parce que le livre me met en difficulté au moment d'écrire une critique...j'ai du mal à ordonner mes pensées.
A la lecture des divers avis déposés et compte tenu de leur qualité, j'ai le sentiment d'être passée à côté de certains éléments et de manquer de capacité d'analyse.

Mes remerciements à l'auteure car j'apprécie néanmoins toujours de sortir de ma zone de confort.


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Suivant l'intrigue de l'enquête sur un crime, ce roman donne lieu à de nombreuses descentes de mémoire, incursions dans les relations personnelles ou familiales, séquences de paysage urbain ou descriptions de l'ambiance propre à l'appareil institutionnel. le parcours de formation et de croissance professionnelle des personnages - ou involution ? - humain, avec de nombreuses références à des modèles culturels possibles. En fin de compte, ce sont ces tâtonnements qui semblent avoir plus d'importance, les tentatives des individus de se connaître, de rechercher des liens stables ou des racines culturelles, le crime et l'enquête restant - éventuellement - en arrière-plan. le texte final du livre, "Ma nouvelle", est aussi une situation dans un réseau humain aux racines culturelles complexes. le narrateur passe en revue quelques modèles ou influences, évoque des textes familiaux - avec leur portée formatrice recherchée ou l'envie de témoignage -, pour finalement faire un choix : celui de devenir ou de rester traducteur.
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