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EAN : 9782954747071
162 pages
(17/10/2016)
4.45/5   32 notes
Résumé :
Gabrielle Danoux n’est pas traductrice du roumain par hasard. Son attachement aux lettres, françaises et d’ailleurs, a connu un tournant lors de sa rencontre avec Aiko Elligrab (et subsidiairement avec quelques bonnes muses dont les prénoms commencent toujours par L.) qui l’a encouragée à rendre publics les deux textes réunis ici. Par la grâce des dieux littéraires, puissiez-vous, chers lecteurs, ses semblables, prendre du plaisir en les lisant !

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Critiques, Analyses et Avis (31) Voir plus Ajouter une critique
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Țăndărică est Gabrielle Danoux, on le sait depuis longtemps, mais qui est Gabrielle oui et non à la fois (da, nu) ? Cette publication semble proposer une réponse détournée, tant le style des deux textes qui se suivent est différent. Je parie même que le narrateur masculin du roman et le je féminin qui fait l'annonce de la fin correspondent à deux esprits opposés, qui s'affrontent et non à deux visions complémentaires du monde. Paradoxalement, le roman le Chemin du fort, nous dit tout ce que la traductrice n'est pas, tant il surprend par son arrogance et ses idées d'un noir dangereux, radical, si loin de ses choix littéraires habituels. le masculin belliqueux se moque des universitaires, tue les étrangers, transforme les magistrats en des hors-la-loi, place des amoureuses dans la même cellule (franchement, quel cliché que ce fantasme des lesbiennes) et se montre lâche dans l'utilisation de toponymes prétendument non identifiables, mais qui trahissent le mépris de l'étranger (le Lobango [law bah go], associé aux "haïdouks" ?) qui doit mourir sans qu'on juge son criminel. Gabrielle Danoux la traductrice choisit de transposer du roumain des textes dans lesquels la noirceur est teintée de lueurs d'espoir, des textes dans lesquels il y a malgré tout une justice des hommes qui triomphe, des textes où l'amour fait encore sens et sauve. Corps transparent et Coeurs cicatrisés de Max Blecher, avec des courtes préfaces éloquentes, en témoignent amplement. Son dernier mot n'est-il pas une promesse créatrice qu'enfante l'amour d'un paradis roumain perdu par l'inhérente disparition de l'enfance, plutôt qu'une menace défaitiste ? Elle répond au "masculin fort" par le rejet de la mort, en nous faisant comprendre qu'il peut y avoir une place pour l'étranger, à condition de se donner la peine de le comprendre tel qu'il est. Traduire devient ainsi acte de "justice" littéraire, mais aussi sociale.
La voix du Chemin du fort roman est bien celle que l'autrice rejette. Pour preuve cet extrait qui prône l'impunité, alors que dans "Ma nouvelle", la pénitence est victorieuse : "Ce vendredi-là, je lisais Zola : « Pourquoi donc faire porter à l'argent la peine des saletés et des crimes dont il est la cause ? L'amour est-il moins souillé, lui qui crée la vie ? » Ni l'époque de Zola ni celle de Borchert n'ont manqué de bourreaux. Malgré la suppression des postes de travail, la nôtre n'en manque pas plus : à l'abri de bureaux, d'agents de sécurité, d'institutions, protégés, ils ne sont que rarement confrontés aux atroces conséquences de leurs actes." (p. 86). Les références littéraires, disons-le, ne sont pas toujours habilement insérées.
À l'arrogance du roman, ressentie jusque dans la syntaxe, la traductrice oppose dans sa nouvelle, la force de la nécessaire légèreté qui "cascade de toute cette matière à la fois" et qui ne tue point.
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Je connaissais Gabrielle Danoux la traductrice de littérature roumaine, mais pas encore l'auteur. C'est chose faite. Son roman, le chemin du fort m'a impressionné.
Bien sûr, comme mentionné dans les autres chroniques du site, j'ai apprécié le style, le vocabulaire, sa précision.
Mais, ce que j'ai retenu du roman, parce qu'ils résonnent avec notre actualité, ce sont les éléments suivants qu'elle observe et décrit avec finesse et humour, parfois férocité :

L'incertitude de la relation entre adolescents, les doutes liés à la reconnaissance mutuelle, l'attrait sexuel ou non, tout ce qui fait la recherche de véritables amis.
« Au début nous avions choisi de nous ignorer, nous frôler sans nous voir. »
« Quant à la chose de Freud, dès l'adolescence, son accomplissement était nécessaire au prestige social, masculin comme féminin. »

Le dilemme de celui qui accédant à la culture se coupe de son milieu social d'origine :
« le capital culturel, les habitus isolent à jamais les enfants des classes populaires et moyennes. Car leurs codes sont communs à leurs détenteurs. »

La fausse hypocrisie de notre société et de ses convenances :
« le traditionnel rebouteux (…) devenu grâce à la modernisation de la société naturopathe diplômé par validation des acquis de l'expérience. »
« (…) du village natal, qui se trouvait à plus de vingt kilomètres de la maternité la plus proche, du fait de la désertification rurale et des politiques des agences hospitalières ? Comme partout, on avait manifesté ; en vain, comme partout. »
« (…) des aides et participations financières de soutien au développement et la diversité locale, par lesquelles l'impératif du politiquement correct avait remplacé les subventions. »
La recherche du pouvoir comme moteur de l'humain :
« Son implication dans les dernières théories à la mode, utilitariste ou non, plus ou moins moderniste ou éprise de développement durable lui avait ouvert les portes des milieux artistiques les plus distingués et des cocktails aux buffets les mieux garnis par des traiteurs hors de prix. »

La littérature accompagne le récit avec les auteurs que le narrateur découvre au fil du temps, Fenimore Cooper, Balzac, Jules Verne, Marin Sorescu, Franz Werfel, Georges Gissing, Théodore de Banville : « Je n'ai pu que lire Balzac et une petite centaine d'auteurs classiques de la littérature française. Que de peines cela m'a-t-il coutée pour savoir où commencer ma liste de lectures essentielles et où l'arrêter. »

La description de l'architecture du fort est un moment stupéfiant par la précision du vocabulaire, coursives, dessertes et mécanismes ingénieux conçus par l'architecte des lieux et ses utilisateurs, tout y passe :

La force du roman est de combiner l'ensemble de ces éléments dans la construction d'une intrigue dont beaucoup de polars consacrés feraient bien de s'inspirer parfois.

Gabrielle Danoux fait montre d'un sens de l'observation et d'une analyse perspicace de notre société qui force le respect.

En un mot j'ai été scotché par ce roman.

Des formules comme celles-ci valent le détour :

« Seul Dieu, car même les ecclésiastiques n'entendent pas ce type de confession, doit connaitre la tristesse des éjaculations précoces, des sempiternelles simulations dorso-ventrales, de la soumission aux quelques pratiques innovatrices bien éloignées de l'inventivité acrobatique d'un kamasutra que tout le monde évoque sans l'avoir lu… »

« Les gens riches étonnent en effet souvent par leur ignorance. »

« (…) sa mégalomanie l'obligeait à porter un regard lucide sur sa situation. »

« Seuls d'indécrottables naïfs, comme le sont les parents et les parvenus, peuvent croire sérieusement que les diplômes servent à quelque chose, surtout en matière de recrutement. »
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Le chemin du fort c'est une histoire sombre qui claque. Le style est unique, il a un goût d'ailleurs. Le style particulier d'une auteure et traductrice d'auteurs roumains, avec une saveur chocolat noir qui fond sous la langue.
Une écriture riche, acérée, pour une histoire dont la plume trempe dans l'ombre, en nous éclairant de vérité cinglante.

Pour clore ce thriller noir, une nouvelle, comme un dessert, nous remonte le moral descendu dans les chaussettes. Elle m'a fait sourire, m'a donné aussi à réfléchir. Je me suis donc resservie. Deux fois de dessert pour la gourmande d'idées surprenantes que je suis.
Une nouvelle unique, orpheline, comme une chaussette oubliée. Pas une paire ; l'une bonne, l'autre mauvaise. Car au fond, le bien et le mal existent-t-ils ? Ne sont-ils pas tapis en un seul élément au fond de chaque cerveau, dans chaque bourgade, chaque société, comme dans un fort, à l'abri des regards. Cet élément s'appelle souvent hypocrisie et mensonge, enveloppé dans du beau papier.

Je remercie Gabrielle Danoux, traductrice de littérature roumaine classique, et auteure, pour ce chemin emprunté dans le monde insolite de ces "mo".
("...laisser au lecteur la force optique d'opérer un choix sémantique".)

J'avais apprécié notamment, parmi les romans de l'auteure traduits du roumain, Le collectionneur de sons :
https://www.babelio.com/livres/Holban-Le-Collectionneur-de-sons/682744
De belles découvertes à ne pas manquer.
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Le cadavre d'un homme d'une trentaine d'années a été découvert dans le fort situé au nord du village de Brichamps, il s'agit de Marco Arau, assistant de justice. Son épouse Arielle interpellée a aussitôt reconnu le crime. Charles, le narrateur, a connu Arielle sur les bancs du lycée. Il ne peut croire à sa culpabilité. Il va tenter de reconstituer patiemment le puzzle et essayer de comprendre les ressorts de cette sombre affaire.

Pour moi, l'histoire de ce crime n'est qu'un prétexte pour l'auteure de nous délivrer une satire d'un microcosme gangréné par l'argent, le pouvoir, l'ambition démesurée, le sexe et la passion.

Gabrielle Danoux est traductrice de romans roumains, et dans ce récit elle nous prouve tout son amour pour la langue française. Son texte est à la limite de la littérature classique au même titre que Zola ou Balzac. Les phrases sont ciselées, les mots recherchés, à tel point que parfois le dictionnaire est le bienvenu. le roman est suivi par une nouvelle intitulée sobrement « Ma nouvelle » ce texte est un délice vrai littéraire.
Ce livre est pour les amoureux de la beauté de la langue française.
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D'une présentation désabusée de Brichamps, apparait le parcours de vie du narrateur. Ce dernier revient sur les moments clés de sa vie : sa scolarité induisant son apprentissage et ses interactions au sein des établissements ; l'université avec ses rencontres littéraires en sus de ses acquis.
La suite directe est le questionnement sur son avenir professionnel dans un univers où le diplôme importe moins que le bulletin de vote. Aussi, doit-il son poste au clientélisme ! Un point de désolation mais à quoi bon ? C'est la norme, et s'il peut en vivre...

L'histoire emprunte alors des déviations, délaissant la trame axée sur le narrateur. Il est bientôt question d'un double homicide perpétré par des femmes, les épouses des "victimes", dit-on ! Effet pervers de l'égalité entre les deux sexes ? Dès lors, le chemin du fort se transforme en quête existentielle pour le narrateur qui se lance dans sa propre enquête, un jeu de piste obstiné, dans le brouillard de Brichamps vers la lumière. On pourrait s'y perdre mais la plume, à la fois exigeante et entraînante de Gabrielle Danoux arrive à captiver le lecteur malgré la variété des enjeux.

Le roman est suivi d'un texte au titre de "Ma nouvelle".
L'auteure déclare commencer (à rédiger ?) sa nouvelle. On imagine tout, derrière ce subtile jeu de mots. Etant auteure moi-même j'y ai vu les questions que tous ceux qui prennent la plume se demandent à un moment donné : Ecrire sur quoi ? Quelles sont nos motivations et nos inspirations ? Quel genre, quel style une fois l'idée trouvée ?
J'aperçois dans ce beau texte que la traduction est un "stimulant". Pour ma part, pourvu que les mots sortent. le reste suivra.


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Citations et extraits (70) Voir plus Ajouter une citation
A son arrivée à l'université, Marco note :
"Moi qui m'attendais à un de ces temples de savoir comme on en connaissait à Rome ou dans la Métropole il y a un ou deux siècles, je ne trouve qu'un bâtiment moderne. Mais d'une modernité sans imagination, d'une architecture au mieux banale : deux blocs carrés reliés par deux passerelles. Elle se retrouve d'ailleurs à bien des endroits que j'ai pu observer : les immeubles des banlieues et des quartiers qu'on dit mal famés ou même du centre-ville, les maisons de retraite, les grands magasins, les usines, les prisons, les hôpitaux modernes. La créativité est réservée aux musées, aux bibliothèques, aux immeubles chics des beaux quartiers et quelques autres bâtiments publics et privés. Tout semble avoir été étudié pour concentrer un nombre maximal d'étudiants dans l'espace le plus réduit possible. Les arbustes sont mal entretenus, les escaliers, rampes et autres abords bien plus obsolètes encore. Les tags envahissent les murs dont les couleurs ont été mises à mal par les oiseaux, la lumière, la pollution, que sais-je d'autre ? ... Certains messages sont intéressants, comme s'ils s'adressaient à moi : "Je ne suis toujours pas revenu du pays des mystères."
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Plus tard, je lus aussi Jules Verne seul entre midi, des livres pour m’évader des livres. J’étais intéressé même par les passages qui semblaient sortis de l’atlas géographique le plus proche. Mathias Sandorf était mon héros favori. Certaines histoires me sont restées en souvenir : j’ai aimé disparaître avec Wilhelm Storitz, m’indigner du sort réservé aux frères Kip et à leurs amis Fenians, trembler à la résurrection d’un cadavre plongé dans l’eau par un lointain coup de canon de la Jangada, découvrir dans les dernières pages, en lecteur naïf, la ruse du milliardaire Taskinar pour détruire l’école des Robinsons, courir avec Kin-Fo puis suivre sur un ordinaire petit écran Jean-Paul Belmondo accomplir ses tribulations en Chine, rester incrédule devant la plus élémentaire onomastique, stupéfait que Conseil donne des conseils sans jamais prendre position, m’agacer de la dispute de Kéraban et Van Mitten, partager la retraite solitaire du Kaw-djer, ressusciter en même temps que William Hypperbone, rêver de cette vie isolée et proche de la nature dans l’île mystérieuse, d’être aussi courageux et droit que le jeune Harbert, avec si peu de réussite.
Je gardais ces héros secrets pendant mes études de lettres et ne me mis aux grands classiques qu’à force de dissertations en deux ou trois parties ; je replaçais consciencieusement les auteurs dans leur époque en m’autorisant, comme il était bienvenu à l’académie, l’une ou l’autre fantaisie psychanalytique ou sémiologique sur les symboles de l’œuvre. Peu doté de l’esprit normatif des enseignants, j’aspirais à la fin de mes banales études au minimum possible de responsabilités.

(p. 34-35)
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A Brichamps, elles étaient d'ailleurs les mêmes. Adolescentes, elles ne songeaient qu'à en profiter pour "faire des conneries". Moins de cinq ans plus tard, elles se mariaient immanquablement avec un membre de la même classe, l'exogamie n'étant pas plus répandue à Brichamps qu'ailleurs. Quand aux conneries : quelques beuveries, accompagnées ou non de rapports sexuels non protégés et conduites en état d'ivresse. Cinq ans de prétentions creuses pour plus de quarante ans de monotonie dorso-ventrale.
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Katy désire follement, douloureusement tout contact avec Arielle, même s'il ne lui cause que de la douleur. Arielle la craint et sans doute, la déteste de la distraire de sa passion pour le savoir. Néanmoins, elle ne peut s'empêcher, encore et encore, de la serrer contre elle, d'embrasser, de s'imprégner des parfums, des fluides de cette espèce unique par sa fidélité, son dévouement, sa beauté, belle comme un pissenlit, cette fleur si commune, dont on peut se barbouiller, jusqu'à l'écoeurement le visage de son jaune, jusqu'à devenir (comme) elle.
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Plus loin dans ses notes, j'ai donc trouvé le décret dûment signé, sésame qui procurait à Marco la sécurité première d'un immigré, celle de la patrie, dans la pratique, celle de posséder, de manière suffisamment permanente, sans faire usage de la corruption, des papiers attestant de son appartenance à une nationalité, et lui permettant de ne plus devoir justifier de son séjour....Sans doute avait-il gardé des photocopies un peu partout, même en surnombre, pour être prêt à justifier à tout moment de son identité.
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Videos de Gabrielle Danoux (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Gabrielle Danoux
Poème de Carmen Maria MECU traduit du roumain par Gabrielle DANOUX et lu par Thierry MORAL https://www.facebook.com/gabrielle.sava/ www.thierrymoral.fr Images libres de droit : Pixabay
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