Ainsi les poètes populaires, même lorsqu’ils connaissent leur heure de gloire, ne sont-ils pas véritablement acceptés en tant qu’auteurs singuliers, mais plutôt observés, avec crainte ou admiration, comme autant d’archétypes de cette espèce de monstre social qu’est un poète-ouvrier, comme des illustrations, variables au gré des mouvances idéologiques, du concept de poésie populaire.
Stendhal se pose en effet tout autant contre qu’en marge de ses aînés quand il publie son Racine et Shakespeare8, en quelque sorte le premier manifeste du romantisme alors naissant. Dans son opuscule, Stendhal assume la position de « sectaire » que lui assigne Auger, malgré l’odieux du mot. Et c’est à partir de cette position, marginale en regard des institutions officielles comme l’Académie, qu’il défend son point de vue. Après Stendhal, mais avant lui aussi, les artistes romantiques revendiqueront leur marginalité, à travers leur singularité.
Le champ poétique semble particulièrement approprié pour envisager ces questions : le lyrisme, situé au coeur du renouveau romantique, y prend une place essentielle ; dans le même temps néanmoins, le poète se marginalise dans une société sur laquelle, prophète, il tente d’agir, mais dont, artiste, il ne peut partager les valeurs. À la fois centre et marge, la poésie est donc un lieu fécond d’expérimentation des oubliés du romantisme.