L’usage est assez général, depuis deux siècles, de classer Gérard Edelinck parmi les maîtres de l’école française ; et pourtant, ce n’est pas en réalité à notre pays qu’il appartient. Il naquit en 1640 à Anvers, comme Philippe de Champaigne, qu’on a coutume de confondre, lui aussi, avec les artistes français, était né en 1602 à Bruxelles. Ce ne peut donc être qu’en vertu d’une convention, sinon par suite d’une erreur, que les noms ou les oeuvres du graveur et du peintre flamands figurent sou¬ vent, soit dans les livres, soit dans les collections publiques, à côté des noms ou des oeuvres de nos compatriotes. Sans doute, ils ont l’un et l’autre passé la plus grande partie de leur vie à Paris.
Un artiste aussi insuffisamment muni n’était donc guère en mesure de diriger fort utilement l’élève qui se confiait à ses soins. Tout au plus pouvait-il, faute de mieux, lui enseigner la pratique du métier; quant à l'initier aux secrets de l’art lui-même, quant à lui en révéler les hautes conditions, il était, — ses oeuvres le prouvent de reste, — incapable d'en rien faire.
Edelinck, en effet, est par excellence, et dans la plus stricte acception du mot, un graveur; j'entends un homme dont les travaux ne participent nullement des inspirations ou des procédés d’où sont nés des travaux d’un autre ordre, un homme dont le talent a pour moyen d’expression unique et nécessaire, non le crayon, non le pinceau, mais le burin.
Son originalité consiste dans la perfection même, dans l’incomparable correction de son talent, et aussi dans l’aisance singulière avec laquelle il l’approprie à la traduction des modèles les plus opposés par les caractères pittoresques ou par le style.
Un artiste d’un talent aussi considérable à tous égards mérite donc d’être mis au rang des maîtres, malgré ce que peut avoir de dépendant et de secondaire l’art qu'il a pratiqué.