Comme c'est dur de refermer un tel livre ! Et comment en parler, quand c'est un uppercut qu'on vient de se prendre en pleine face ?
Je précise, avant de commencer ma chronique, que je n'ai pas lu «
Mon père », donc je suis entrée dans le livre sans connaissance de la vie de l'auteur, ni idée préconçue.
L'auteur nous parle de son enfance abusée, abus qu'il avait pris soin d'enfouir le plus profondément possible. Des bribes revenaient, le retour de sa mère de la maternité après l'accouchement et qui retrouve son fils de trois ou quatre ans, transformé : il hurle dès qu'on le touche ! Elle a certes compris ce qui s'était passé, mais à cette époque-là, il est malvenu d'en parler, et comment en parler d'ailleurs ?
Elle va se contenter de mettre de la distance entre l'enfant et son père, une chambre au grenier : un « comble » c'est lui qu'on isole ! puis internat, colonies de vacances… Mais pas, de communication, de gestes tendres, encore moins mettre des mots.
Grégoire Delacourt nous raconte son parcours dans la vie, son mariage, son analyse, ses livres qui chaque fois révèle une petite partie de l'histoire, mais il s'agit toujours d'un autre. En revisitant son oeuvre, on découvre l'auteur qui se cache derrière.
Les découvertes sur le divan sont truculentes et ne pouvaient que me plaire :
J'avais déjà décrit dans un autre livre, cette gamine que son père tire. Ça m'avait cassé la tête.
Je voulais dire sur laquelle son père tire…
ou encore:
Ma mère m'avait un jour appris que j'étais né violé, parce que j'avais le cordon ombilical autour du cou, à deux doigts d'être étouffé. Violet. Violé. Une voyelle muette d'écart…
Grégoire Delacourt raconte ce corps mutilé mais sans blessures apparentes, cette envie de se jeter par la fenêtre, sa difficulté à se trouver, à se retrouver, à se reconnaître victime, et à avancer, avec des mots qui percutent, des phrases parfois très courtes, lapidaires.
Il parle aussi très bien du déni, de la possibilité ou non de pardonner, d'aimer.
J'ai vraiment aimé ce livre percutant, déchirant parfois, mais où espoir et résilience avancent lentement mais sûrement. J'ai eu un peu de mal à passer à une autre lecture alors j'ai eu recours à ma bonne vieille méthode : un polar, en alternance d'ailleurs car il faut respirer de temps en temps pour cheminer avec cet enfant qui se répare.
Un petit mot encore pour évoquer la belle couverture, avec cet enfant blond, souriant, innocent, avant que sa vie ne bascule.
Je suis impressionnée par les ordonnances du médecin de famille: Valium, Mogadon, et tant d'autres, dès son plus jeune âge: masquer pour ne pas faire de vagues…
Je n'ai lu que « Un jour viendra couleur orange » de l'auteur que j'avais classé en fait dans la littérature légère, quasi « feel good » à cause d'un de ses titres : «
La liste de mes envies ». Colossale erreur, mais je ne regrette pas de ne pas les avoir, finalement car je vais les découvrir à travers le prisme de celui-ci…
Décidément, cette rentrée littéraire a été riche en coups de coeur (ou presque) après «
Enfant de salaud » de
Sorj Chalandon notamment j'ai lu beaucoup sur le thème de la maltraitance intrafamiliale, inceste, abus … sans oublier le magnifique «
S'adapter » de
Clara Dupont Monod récompensé par le prix par le prix Femina ainsi que le Goncourt des lycéens.
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m'ont permis de découvrir ce roman et de retrouver son auteur dont je vais certainement lire les autres romans ! c'est ma PAL qui va être ravie, déjà qu'elle est en surcharge pondérale depuis des lustres, voilà que je la leste de plusieurs romans d'un coup.
#LenfantréparéGrégoireDelacourt #NetGalleyFrance !
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