Imaginez deux enfants de onze-douze ans qui rampent pendant six heures sous quinze mètres de fils barbelés pour s'échapper d'un camp de transit… C'est l'exploit qu'ont accompli Jo Weismann, le héros de ce livre et son camarade Joseph Kogan, et c'est la scène qui ouvre ce livre.
Jo Weismann est connu par le film "La Rafle", inspiré par son histoire. Cette BD nous permet de découvrir sa vie après son évasion du camp de Beaune-la-Rolande en 1942. La narration proprement dite commence en 1965 quand Joseph Kogan retrouve Jo. Il est installé aux Etats-Unis et Jo profite d'un voyage professionnel pour aller le revoir. Dans l'avion, il se remémore son enfance à Montmartre et le début de la guerre, puis la fameuse journée du 16 juillet 1942 et l'arrivée au camp de Beaune-la-Rolande. Ensuite la rencontre avec Joseph Kogan et la mise au point de leur évasion, avec pas mal de perspicacité, de ténacité et un peu de chance. Après cette sortie du camp, le retour à Paris grâce à des gens de bonne volonté et la séparation d'avec son ami.
Quand ils se retrouvent à New-York où Joseph Kogan a construit sa vie, Jo raconte comment il a vécu la fin de la guerre. Placé en orphelinat ou dans des familles d'accueil, il arrive dans la Sarthe où il reste à la Libération. Peu à peu, il se rend à l'évidence que toute sa famille a été exterminée à Auschwitz . Malgré ce qu'il a vécu, il doit encore se battre pour être reconnu comme français. Une famille de commerçants juifs du Mans le recueille et lui permet d'avoir un métier, puis une belle situation, avant de fonder une famille. Joseph vient en France avec sa famille et les deux familles retournent ensemble à Beaune-la-Rolande. Plus tard, Jo ira à Auschwitz avec sa femme, grâce à un cousin qui l'a retrouvé.
La narration nous conduit ensuite en 2019, lors d'une intervention de Jo Weismann devant des lycéens. Pendant longtemps, il s'est refusé à raconter son histoire, il se faisait "tout petit, "profil bas" comme il dit, jusqu'à ce que
Simone Veil le convainque de son devoir de mémoire. Ce qu'il fait encore aujourd'hui car les partisans de la haine sont toujours là et qu'il "ne faut pas accepter l'inacceptable". C'est sur cette parole et sur l'arrivée de sa famille à Auschwitz que se termine le livre.
Comment ne pas se sentir bouleversé par cette BD ! le dessin manque parfois de finesse et n'a pas la force évocatrice de la BD sur
Madeleine Riffaud que je lisais peu de temps auparavant. Mais il donne vraiment vie à cette aventure hors du commun et à la force de ce témoignage.
Mon exemplaire fait partie d'un tirage spécial, réalisé pour mon libraire du Mans. Elle a une couverture originale et elle comprend un dossier complémentaire de seize pages. Il y a quatre pages de BD et huit d'aquarelles sur l'installation de Jo Weismann et sa vie au Mans, où un collège porte désormais son nom . Pour finir, quatre pages sur la Rafle du Vel'd'Hiv, écrites sur la base d'un texte de Jo Weismann. Cette édition spéciale a été présentée au Mans, en janvier 2022. Jo Weismann y était présent pour une soirée empreinte d'émotion !