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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Elle a tenu longtemps. Sans armes, sans ruses, sans faux-semblants. À mains nues. Voilà. Elle n'a plus ni ciseau, ni maillet, ni sculpture. Ils ont tout pris. Elle revoit la vieille Bible usagée. Elle voulait sculpter. Les petits contre les forts, les grands. Il y en avait encore tant d'autres – tant d'épopées qu'elle aurait aimé relire de ses doigts poussiéreux. Elle est là, sans livres, sans terre, sans bras. La camisole. » (p.70)
On est frappé par la splendeur avec laquelle Anne Delbée nous révèle la vocation de Camille, dans un des premiers chapitres (Les enfants de la lune). L'adolescente est bouleversée par l'appelle des rocs altiers et nous aussi avec elle. Dès le début, ces derniers ressortent des paysages familiers, ils sont humanisés. Un rituel mystique se joue entre Camille et la forêt, les falaises, les racines d'arbres, le vent, la boue, la Nature mystérieuse dans le bruit de l'orage. Elle veut respirer la terre, rouge, elle l'enveloppe dans sa pèlerine, en fait un balluchon. Dans une nudité sacré du coeur, elle se roule dans le sable.
Les pierres lui reviennent toujours : dans ses visions, dans les fables qu'elle invente pour son jeune frère. Elle fait parfois peur à son cadet par son regard vibrant de passion. Sous l'astre nocturne, les blocs de granit s'enlacent, lui demandent des baisers. « Ils étaient nus et leurs doigts à jamais étreints. Aussi ferme que la pierre, aussi obstiné que l'âne, tel était leur amour. » À 13 ans, elle se promène seule, ses vêtements trempés, oublie l'heure, la « petite sorcière » de son père, Louis-Prosper, qui la comprend si bien. Camille aimerait voir le diable, persuadée qu'il est « commun, passe-partout ». D'ailleurs, ce mot maléfique colle à son prénom, par le mépris des un, par l'admiration des autres. « Traînée, traînée ! » Sa mère lui donne des claques, son oeil noir et ses malédictions n'arrêtent pas Camille, si heureuse de sculpter.
Derrière les phrases haletantes d'Anne Delbée se cache le cerveau puissant de l'écrivain qui par le moindre détail de ces pages initiales annonce déjà tous les évènements futurs de l'histoire de l'artiste damnée.
Très jeune, Camille se passionne pour la lecture (Baudelaire, Villon, la Divine Comédie de Dante et tant d'autres), pour des concerts (Richard Wagner, Claude Debussy). Sa culture est immense. Tous les recoins de son âme nous sont dévoilés. Camille a besoin de solitude : « Elle n'est pas méchante mais elle veut être seule ». « Comment peut-on tous les jours de sa vie se réveiller à côté de quelqu'un ? Une chose est essentielle : la solitude à soi lorsqu'on ouvre les yeux… » « Camille marche sous la pluie. L'orage a crevé. Camille, curieusement, se sent heureuse d'être seule. Elle n'aurait pas aimé rester là-bas », sur le divan de l'atelier où Monsieur Rodin l'a aimée pour la première fois. « J'irai là où il n'y a personne. » « On me reproche (ô crime épouvantable) d'avoir vécu toute seule… »
Elle n'aime pas des longs sommeils, elle oeuvre dès l'aube ! Elle déteste les gens qui perdent leur temps dans les politesses. Comme si elle sentait que le temps lui était compté, son ouvrage ni ses mains ne peuvent attendre ! Et pourtant elle est capable d'humilité, douée d'autodérision, cette donzelle aux cheveux indisciplinés. « Ce sont les médiocres qui ont peur d'apprendre et qui s'enferment chez eux. le temps efface toutes les signatures. » Cependant ses yeux bleu sombre affolent, non seulement son petit Paul, mais des étrangers, d'autres sculpteurs, et parfois même son père. « Vous avez quelque chose. Ne le gâchez pas par votre violence ! », lui affirme son premier maître Alfred Boucher.
J'étais en quelque sorte voisine de Camille Claudel au temps où j'habitais à deux pas de l'Île Saint-Louis. Mon ami brûlait d'admiration pour cette femme sculpteur injustement enfermée dans des asiles psychiatriques. Nous nous arrêtions devant la plaque apposée sur sa dernière maison, en même temps son atelier, mais je ne connaissais pas encore la tragédie de Camille Claudel, ni par le film avec Adjani ni par ce texte. C'est maintenant que j'ai la chair de poule en longeant le quai de Bourbon, N°19. J'entends alors en moi ces phrases du livre : « Camille songe à la mer qui transforme les tempêtes du grand large en une caresse qui vient chatouiller doucement les pieds : Paris encercle amoureusement les jambes de l'adolescente. Elle se laisse faire, souveraine de cette ville qu'elle apprivoise déjà. »
À mon humble niveau, j'aime aussi reconnaître des « personnages » et des « attitudes » dans des gros rochers de la forêt de Fontainebleau et les photographier avec frénésie : un mouton, un couple, une fée carabosse, bien au-delà des silhouettes spectaculaires décrites communément dans des guides touristiques. Tant pis si un randonneur me lance avec sourire : « Arrête de fumer la moquette ! » C'est aussi pour cela que je dévore ce bouquin. Dire que je l'ai ramassé au kiosque du Jardin des Serres d'Auteuil, tout écorné par des lectures intensives !
Rodin, « lui seul partageait avec elle un identique idéal de beauté et de vérité. » Elle tombe amoureuse d'abord de ses Mains de sculpteur, si habiles, si intelligentes, si sensuelles, si mystiques, transfigurant la réalité. Ils se sculptent l'un l'autre, leur Rencontre les inspire pour plein d'oeuvres !
Anne Delbée s'est incroyablement documentée pour écrire un livre si détaillé, riche en renseignements techniques sur la sculpture, parsemé de références à Michel-Ange et d'autres génies intemporels. Ses pensées concernant la philosophie de l'art ainsi que l'histoire de l'art m'ont parlé énormément. Très vite j'ai arrêté de publier des citations car chaque passage me paraissait une révélation ! À vous de découvrir les étapes suivantes de la vie de Camille Claudel, ses autres rencontres, rêves et projets.
Un tel destin, un tel roman, poussent à réfléchir et peut-être à se dire qu'il existe un amour si fort, si torrentiel, qu'il faut savoir y survivre, mais déjà il faut avoir du courage pour le désirer. Pour Camille, c'est un amour où la vie et la création ne font qu'un. Elle n'en a pas besoin d'autre. Celui-là est sacré. Est-ce vouloir trop ?
Demeurent La Vague (1897), marbre-onyx et bronze, La Valse (1905), bronze, Vertumne et Pomone (1905), marbre, ces oeuvres présentées Paris, au musée Rodin, et tant d'autres encore…
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Fin du XIXe siècle, une très jeune femme rêve d'être sculpteur. Impensable à cette époque ! Et pourtant, pourtant Camille résiste en dépit des considérations de sa famille. Elle lutte pour assouvir sa passion. Un jour, elle rencontre le célèbre Rodin et c'est l'amour fou. Elle devient son élève aussi bien en amour qu'en sculpture. Son talent éclate, mais leur relation est orageuse et déborde de l'atelier. La rupture est annoncée et Camille ne la supporte pas. le scandale est là, le frère, Paul Claudel, ne le supporte pas. Il la fera enfermée...

Camille Claudel fut internée pendant trente ans... Ce magnifique hommage contient quelques lettres écrites par Camille à son frère. Ce sont des lettres très poignantes dans lesquelles on ressent toute la passion dévorante de Camille pour son art. Quant à la folie, on peut se poser bien des questions à son sujet...
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Pépite !!!
Quand on s'attaque à la biographie de Mlle Camille CLAUDEL, sculpteur de son état, c'est comme un immense bloc de marbre façonné par la vie: quel génie !! une passionnée, belle, intelligente; incarnant la liberté, la passion, sa condition féminine bien malmenée dans le milieu artistique, élève puis amante de Monsieur Rodin, elle s'impose comme une immense artiste.
Celle qui sera toute sa vie "mise à l'écart" par sa famille, internée au Centre psychiatrique de Montdevergues en Vaucluse, son frère Paul ne lui rendra que quelques visites où elle restera interné pendant trente trois ans !!!..

Hélas combien de ses contemporaines ont -elle été "bâillonnées" de la sorte, et si peu considérées...Une artiste émouvante reconnue bien tardivement, son œuvre est impressionnante de par la maîtrise de son art et caractérisée par la force et la beauté qui se dégagent de ses sculptures.

Si vous voulez prolonger cette lecture je vous conseille sa correspondance ..son entourage voulait la faire passer pour une folle..et ne relisant ses lettres nous sommes bien loin de cette description erronée.

Livre culte pour tous les amoureux de Camille Claudel qui a été le livret du magnifique film adapté au cinéma avec Gérard Depardieu et la sublime Isabelle Adjani.

je vous propose mon quizz et la liste des ouvrages sur cette magnifique artiste
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Une femme… quelle femme ! Camille Claudel, la soeur de Paul l'écrivain, l'élève, la maîtresse et la muse d'Auguste Rodin mais surtout une femme sculpteur à part entière dont le talent n'a été hélas reconnu à sa juste valeur que trop tardivement.

Le livre d'Anne Delbée est un bel hommage à cette merveilleuse artiste qui connut un destin hors du commun. « Trente ans de création – Trente ans d'asile »
Camille Claudel est née en 1864 à Fère-en-Tardenois dans une famille de la bonne bourgeoisie catholique de province. Elle est rejetée par sa mère, qui, après le décès prématuré de son premier né, attendait un garçon, Un brin sauvageonne, les cheveux hirsutes, Camille dès son plus jeune âge s'échappe de la maison familiale de Villeneuve, court dans la nature, parle aux pierres, « poignasse » la terre et la met en forme. A 17 ans, elle le décide, elle sera sculpteur. Soutenue dans son projet par son père, elle va séjourner à Paris où Rodin l'accepte comme élève dans son atelier. Il va s'en suivre plusieurs décennies de création artistique, tout en sensibilité et délicatesse, et une relation passionnée et tumultueuse dont Camille sortira épuisée psychologiquement, anéantie. Un comportement quelque peu désordonné, elle sera jugée folle par sa famille qui la fera interner, sans scrupule, dans l'asile de Montdevergues, où elle mourra 30 ans plus tard en 1943. Au tournant du 19ème siècle il ne fait pas bon être une femme qui refuse les conventions et les codes de la société.

J'ai lu cet ouvrage poignant il y a quelques années déjà. Il m'avait été offert par une amie qui en avait été tellement touchée à sa lecture qu'elle avait souhaité me faire partager son ressenti. Je lui en suis très reconnaissante. Cette biographie originale de Camille Claudel, assez atypique dans son style d'écriture et sa conception, est une pépite ; Anne Delbée y révèle toutes les facettes de la personnalité de cette femme artiste passionnée mais incomprise, enfermée presque la moitié de sa vie en hôpital psychiatrique. Comment ne pas se sentir révolté devant tant de cruauté et d'injustice ? A noter que chaque chapitre est ponctué par des extraits de textes de Paul Claudel et surtout de lettres touchantes de Camille à son frère dans lesquelles elle exprime toute sa passion pour son art et son désespoir d'être privée de sa liberté.

« …quant à moi je suis tellement désolée de continuer à vivre ici que je ne suis plus une créature humaine. Je ne puis plus supporter les cris de toutes créatures, cela me retourne sur le coeur. Dieu ! que je voudrais être à Villeneuve ! Je n'ai pas fait tout ce que j'ai fait pour finir ma vie gros numéro d'une maison de santé. J'ai mérité autre chose que cela… »

#Challenge illimité des Départements français en lectures (02 - Aisne)
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Âme insolente, virevoltante et artiste de génie, Camille Claudel est un joyau de femme victime de son sexe et de son temps. Camille voit grand, son don pour la sculpture surprend et effraie. Une femme sculpteur ? Ricane-t-on. Camille se débat, n'en démord pas: elle vouera sa vie à son art. Sa mère la rabroue en permanence, son frère ( l'écrivain Paul) adopte une attitude dérangeante envers elle, oscillant entre amour absolu, jalousie et délaissement, seul le père comprend sa fille et compte parmi les adjuvants. Puis, vient la rencontre, d'envergure elle aussi : Rodin. le majestueux, l'imposant, le très célèbre Auguste Rodin la voit, saisit la fougue du génie. Il la conduira à trouver l'or qui est en elle. le pygmalion devient amant, la romance passionnelle qui suit est terriblement douloureuse et Camille en fait les frais. Elle se débat à nouveau, tente de garder pied, de se faire une place mais elle est seule, elle reste une femme, talentueuse certes, mais elle demeure pour beaucoup la soeur de ....ou l'élève de ... Vivre de son art n'est pas chose aisée au XIX ème siècle lorsqu'on est une femme. Et puis son histoire d'amour avec le maître est aussi belle qu'écrasante, sa réputation en pâtit. Peu à peu Camille sombre, elle flanche, c'est dur d'avoir à la fois tant de belles images à façonner et tant d'obstacle à surmonter. Ce sera l'internement. le coup de grâce du frère, l'ignoble trahison. 30 ans de solitude, de froid, de faim et d'abandon. Quel destin ! Que serait devenue Camille Claudel si elle était née plus tard ? Anne Delbée rend un fabuleux hommage à cette femme incroyable qui portait un regard si poétique sur le monde et qui aura laissé dans son sillage des oeuvres d'une beauté et d'une émotion saisissantes. J'ai été très émue par Camille Claudel qui est la quintessence de l'énergie et de la sensibilité. La suivre au fil des pages dans sa vie d'artiste et de femme m'a fascinée mais aussi terriblement attristée et indignée car Camille ne méritait pas ce destin effroyable, encore une femme victime de sa condition. Tant de femmes ont été arbitrairement séquestrées dans les asiles psychiatriques au XIX ème, vies sacrifiées par des maris, des pères...des frères. D'ailleurs, les extraits des lettres de l'asile qui entrecoupent le récit sont très douloureuses à lire car on mesure l'immense détresse de cette femme qui a été trahie et abandonnée. Un livre magnifique qui touche au coeur !
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La vie de Camille Claudel aura été aussi époustouflante que tragique. Avec Une femme, Camille Claudel, Anne Delbée livre une oeuvre de référence sur une artiste méconnue. La vie de Camille, soeur aînée du diplomate Paul Claudel, a tout du drame.
Née en 1864, Camille rêve d'être sculpteur depuis toujours. A la fin du XIXème siècle, un tel métier est inconcevable et scandaleux pour une femme. Mais Camille persévère jusqu'à ce que son talent soit repéré. Elle rencontre Auguste Rodin en 1883 qui accepte de la prendre comme élève dans son atelier. Camille a dix-neuf ans, Rodin en a déjà quarante-trois. Et pourtant, naturellement, ils deviennent amants.
Pendant quinze ans, les deux artistes vont se compléter et s'inspirer. Mais s'ils se nourrissent artistiquement, ils se détruisent personnellement. Les sentiments se mêlent à la création et la relation devient trop orageuse pour perdurer. Camille quitte son Maitre. Elle en restera marquée et fragilisée : de son amour éperdu pour Rodin qui lui aura toujours refusé une vie commune officielle, de son talent incontestable si peu reconnu de son vivant, de son statut de sculpteur tristement bafoué au profit de celui de l'éternelle élève, Camille a sans aucun doute, à un certain moment, perdu pied. Sa dernière richesse, sa liberté, elle la voit disparaitre le 13 mars 1913. Ce jour est le premier de trente longues années d'internement. Elle meurt en octobre 1943 dans une quasi-indifférence générale.
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Même si on connaît l'histoire de Camille Claudel, le livre de Anne Delbée peut être une très belle découverte. J'ai été séduite dès les premières lignes par le style et l'écriture. C'est vif, ciselé, grave ou léger, empreint de sensualité, rempli de couleurs, d'odeurs et de matières. Les descriptions sont très suggestives. On imagine bien Camille, sa gestuelle, ses coiffures, ses vêtements. On se sent très proche d'elle. On vit, on respire, on souffre avec elle. Les chapitres s'enchaînent naturellement, ils commencent tantôt par une citation littéraire de son frère Paul, tantôt par les lettres de détresse qu'elle a écrites pendant son long internement. L'auteure fait un portrait réaliste et émouvant de la sculptrice. Elle décrit une femme attachante qui toute jeune aime toucher et pétrir la terre et qui, dès l'âge de 17 ans, décide de consacrer sa vie à la sculpture. Bien qu'appréciée de son vivant, elle attire la haine, suscite la médisance et elle devra toujours lutter pour être reconnue et avoir des commandes. Anne Delbée évoque ses rencontres et ses relations compliquées au sein de sa famille et dans sa vie amoureuse. Elle décrit sa grande souffrance psychologique, sa lassitude, son isolement et surtout son profond sentiment d'abandon. Elle nous montre à quel point elle a été une créatrice de génie et une femme qui a toujours refusé de se soumettre. Difficile de ne pas être touchée par cette héroïne avide de liberté, à la vie tumultueuse et au destin tragique. (A.P.)
Lien : http://www.bnfa.fr/livre?bib..
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Une biographie passionnante de cette artiste iconique a la vie difficile et aux épreuves toujours plus nombreuses: ici tout est vrai et l'auteur ne fait l'impasse sur aucun passage difficile de la vie de l'artiste ,ses hauts comme ses bas sans jugement ni apitoiement: nous sommes ici en plein factuel,un reportage au plus pret de la vérité.
Qui dit Claudel dit Rodin et leur rencontre décisive est ici abondamment decrite et ses consequences commmentees car ces quinze ans de liaidon entre les deux genies va avoir des firtes conséquences sur la vie de Camille Claudel.
Une biographie a decouvrir sans tarder.
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" Se donner à corps perdu", "Aimer à perdre la raison" : si ce n'est Camille Claudel qui a inspiré ces expressions, assurément, rien n'est plus vrai pour "tenter" de cerner cette femme rebelle, habitée par la passion, les passions, le mot est faible tant il est porté à son paroxysme.
Ce besoin d'absolu est en elle dès sa plus tendre enfance. Les éléments sont autant de sensations dont elle se repaît, faisant corps avec la beauté aride et lugubre de son sol natal, dont elle prélève la terre forte, glaiseuse qu'elle pétrit avec frénésie. Rien ne compte plus que de donner naissance à sa vision du monde par ses sculptures à la facture déjà prometteuse.
A l'initiative de son père qui lui voue une admiration inconditionnelle, incomprise de sa mère et de sa soeur, vénérée par son petit frère Paul, Camille avec la ferme intention de valoriser son art entraîne sa famille qui s'installe à Paris. le sacrifice est grand, le père reste en province, Paul s'ennuie, sa mère et sa soeur mènent une vie restreinte et monotone. Pour Camille le coup de foudre avec la capitale est immédiat, elle seule ressent cette ville qui vibre et à n'en pas douter l'attend.
Recommandée par Alfred Boucher, Camille est admise à l'atelier d'Auguste Rodin. Très vite le sculpteur remarque la singularité de cette jeune fille ombrageuse, insolente dont le talent est aussi intrigant qu'elle-même. Une attirance mutuelle naît entre Camille si jeune et cet homme mûr, ingrat de sa personne mais dont le génie s'anime dès qu'il devient le Maître. Une liaison orageuse, débridée et sublimée par leur art prend vite une place grandissante, envahissante au mépris des convenances. Tous deux n'ont cure des qu'en diras-t-on. Ils abritent leur passion au "Clos Payen" loué par Rodin. Camille veut ignorer la liberté de moeurs de Rodin ainsi que sa double vie avec Rose la mère de son fils.

Anne Delbée raconte ensuite les trahisons du Maître, le sentiment d'abandon, la lente déchéance jusqu'à la démence. Sa soif de reconnaissance l'entraînera vers l'abîme ; l'amour et le génie lui seront fatals.

Quelques vers de la chanson de de Jacques Brel "La quête" pourrait illustrer la violence de cette perte d'identité :

"Brûle encore, bien qu'ayant tout brûlé
Brûle encore, même trop, même mal
Pour atteindre à s'en écarteler
Pour atteindre l'inaccessible étoile"

Cette biographie m'a marquée : c'est un livre "fort" qui ne peut pas laisser indifférent. Si on n'ignore pas la passion tumultueuse partagée par Rodin et la soeur du poète Paul Claudel, l'écrit d'Anne Delbée permet d'en mesurer la force et la folie. Je recommande sans réserve.
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Il y a des livres que vous aimez mais qui passent dans vos souvenirs et d'autres qui vous bouleversent et changent votre vie... Celui-ci en fait partie!
Lu il y a plus de 30 ans, ce livre entrecoupé de fragments de courriers intimes, a été l'élément déclencheur de mon intérêt, voir passion, pour ce grand sculpteur.
Depuis, je la suis encore et toujours : de livres en expositions, je ne rate rien d'elle et, même si je la retrouve aujourd'hui comme une intime, elle me bouleverse et m'étonne encore et toujours!
Par ce livre, elle est enfin sorti de l'oubli, a bousculé d'autres personnes, des films sur elle ont vu le jour , d'autres livres sont parus, sa correspondance édité... et, pierre par pierre, la voilà aujourd'hui enfin consacrée avec son propre Musée à Nogent-sur-Seine !
Je suis heureuse pour elle!
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