A la manière de ce qu'il partage avec nous, j'avais des impressions sur mon histoire avec
Philippe Delerm. Une impression juste, celle de l'avoir découvert il y a bien longtemps au moment de la sortie de la première gorgée de bière, à la fin des années 90 (il y a environ 25 ans, aïe ça fait mal !). Une impression fausse, celle d'avoir immédiatement enchaîné avec
La sieste assassinée et de m'en être du coup lassé et de ne plus l'avoir lu. En fait, grâce à une liste que je me suis constitué (avant que des sites comme Babelio n'existent pour nous permettre de garder une liste de nos lectures), je me rends compte que j'ai lu
La sieste assassinée près de 8 ans après La première gorgée de bière... et que j'ai lu 4 ans plus tard
Traces (au moment de sa sortie, je me rappelle maintenant que c'était un cadeau qu'on m'avait offert).
Philippe Delerm n'imprime la mémoire que de façon fugace, sans précisions. Ses instantanés, sa marque de fabrique, sont pourtant plutôt bien trouvés la plupart du temps. Ils expriment parfois la nostalgie de moments, d'objets passés de notre enfance, retranscrivent parfois parfaitement l'époque (par le biais ici d'objets et comportements d'aujourd'hui, cigarette électroniques, selfies, scrolling et conversations sur portables). L'angle choisi pour aborder ses moments est toujours légèrement différent selon le livre. Des plaisirs minuscules du début, on passe ici aux gestes qui nous trahissent... ou plutôt qui nous disent comme le précise ici Delerm, la nuance est importante. Nos gestes ne sont pas toujours révélateurs de ce que l'on voudrait cacher, ils sont parfois position assumée, renforcement de la parole. Ou même remplaçant de la parole quand elle ne parvient plus à remplir sa fonction, comme ce doigt passé sur la joue délicatement pour consoler un ami dans la peine et que Delerm parvient à parfaitement décrire, tout en précision millimétrique et en nuances.
Le style Delerm, parlons-en. Il est étrange comme il semble parfois parfaitement en adéquation avec son objet et parfois en décalage dans une trop grande complexité qui perd le lecteur. Et je ne saurais pourtant dire qu'il est fondamentalement différent entre chaque petit geste dépeint, là encore plus une impression qu'un constat, comme si l'exercice qu'il s'impose ne permettait pas à ses phrases de garder une cohérence d'ensemble.
Il m'a semblé voir que Delerm avait également publié un ou deux romans outre ses livres au format recueil de moments. le temps est peut-être venu pour moi de m'y pencher pour me faire une idée plus complète de la voix littéraire que propose Delerm, pour savoir si les impressions peuvent enfin se graver en moi et ne pas que m'effleurer en surface.