Lorsqu'on découvre
le Pilon, il est impossible de ne pas penser au livre de Hrabal, Une trop bruyante solitude (pour celles et ceux qui l'ont lu - j'engage les autres à le faire rapidement). Mais comme disait à peu près
Gide : tout a été dit, mais comme personne n'écoute, il faut sans cesse tout répéter. Comme le dit aussi
Paul Desalmand - lui aussi très généreux dans l'utilisation de citations - : "Le genre ne consiste pas à découvrir de nouvelles terres, mais à exploiter systématiquement, et mieux que les prédécesseurs, des terres depuis longtemps exploitées. On l'a très bien dit. En littérature, comme dans la création en général, le vol ne se justifie que par l'assassinat." (Ce qui est par ailleurs un clin d'oeil à
Oscar Wilde) Alors,
le Pilon, c'est l'histoire d'un livre qui commence son existence dans un carton qui, une fois livré chez un libraire, traine dans un coin pour finalement repartir chez le fournisseur. Sauvé in extrémis, le livre passera dans les mains de nombreux lecteurs, comme Monsieur Germain, grand lecteur à la jambe de bois, ou Minouche qui le lit avidement et s'en sert pour se protéger les fesses du soleil lorsqu'elle bronze à la plage ; il passe par des bibliothèques, privées, publiques, entend les classiques parler entre eux la nuit ; il dormira sous les ponts avant d'être volé et revendu pour deux sous chez un bouquiniste.
le Pilon est subtil dans son évocation de la chaîne du livre et n'épargne par les mauvais libraires comme il est aussi un éloge de ceux, passionnés, qui tiennent absolument à avoir en permanence tous les livres de
Julien Gracq publiés par
José Corti. On pense à Perec, à
Queneau, et la fin, onirique et splendide, nous entraine au coeur des ténèbres... C'est la plus belle surprise littéraire de cette fin d'année et je ne peux que recommander cette enrichissante lecture qui n'est rien d'autre qu'un louange au livre et à la littérature et c'est déjà bien suffisant et beaucoup à la fois. Formidable.