François-Henri Désérable est fasciné par la littérature et notamment par
Romain Gary. En errant dans Vilnus, capitale de la Lituanie, il se retrouve devant ce qui fut autrefois le « n° 16 de la rue Grande-Pohulanka », là où vivait « un certain Monsieur Piekielny ». Cette information, il la tient de
la Promesse de l'Aube, roman écrit par
Romain Gary.
Mû par une curiosité virant à l'obsession, Désérable se lance sur les traces de ce Monsieur Piekielny. A-t-il réellement existé ou n'est-il qu'une pure invention de
Romain Gary ? Au fil des pages, la question va se poser de nombreuses fois. Disposant de peu d'informations sur ce personnage, Désérable se prend à lui inventer une vie, faisant la part entre le possible et l'improbable. Pour nous le présenter, il reconstitue de façon détaillée la vie de
Romain Gary et agrémente le récit de pans entiers de sa propre existence. de Vilnius à Paris, Désérable multiplie les voyages, vérifie puis invalide ses hypothèses les unes après les autres, pour au final nous laisser sur notre faim. C'est d'ailleurs dommage car le lecteur se prend au jeu et s'investit dans la découverte de la vérité ; mais ses attentes sont finalement déçues.
Le triangle Désérable, Gary, Piekielny représente la totalité de l'intrigue. En cherchant des informations sur Piekielny, Désérable nous livre quelques anecdotes, parfois teintées d'humour, parfois purement factuelles et peut-être facultatives. Toutefois ces interventions interpellent le lecteur et brisent le quatrième mur. Ce jeu entre réalité et fiction est omniprésent dans l'oeuvre : Désérable relate une enquête, celle de la recherche de M. Piekielny, mais en réalité on ne sait pas discerner le vrai du faux ; en effet Désérable invente une vie à Piekielny, il déduit de son nom et de sa nationalité son histoire or, il n'a aucune information sur ce personnage. Pour mener à bien cette enquête, Désérable se base sur les dires de
Romain Gary, d'une part dans
La Promesse de l'Aube, mais également sur les faits relatés par Gary dans les soirées mondaines à propos de Piekielny, qui ne sont en réalité que de purs fantasmes de Désérable. de plus Gary et Désérable sont tous les deux auteurs, ce qui signifie qu'ils jouent avec la fiction et la réalité à leur guise, mais aussi qu'ils sont les seuls à connaître la vérité. La question qui se pose alors est la suivante : Peut-on faire confiance à un écrivain ? Peut-on croire ce qu'il écrit sous prétexte qu'il s'est documenté sur le sujet ? C'est là toute la question qui rôde dans
Un certain M.Piekielny ; Désérable cherche à embrouiller le lecteur, il nous donne des hypothèses concernant Piekielny, puis les infirme, il récite des passages de la vie de
Romain Gary comme s'il les avait appris par coeur, il nous laisse des indices et nous parle d'autre chose immédiatement après, comme s'il voulait que l'on ne prête pas attention à ce détail crucial qui peut peut-être changer le cours de l'enquête qu'il mène. Par ailleurs, Désérable lui-même n'ira pas au bout de son enquête, afin de conserver l'ombre d'un doute sur l'existence de Piekielny. Et c'est justement cela que nous avons trouvé décevant.
Au-delà du récit, la trame de fond et le texte sont extrêmement bien travaillés, l'arrière-plan historique est bien présent, l'écriture est fluide, simple à comprendre et on se prend parfois à sourire de certaines anecdotes.
« J'ai dû imposer l'admission d'étudiants noirs à l'Université d'Alabama, État dont le gouverneur a pour credo, tenez-vous bien : « La ségrégation pour toujours ». C'est honteux, dit Jackie. Dégueulasse, renchérit Jean. Excellent, dit Gary (il vient de goûter au champagne). » (p. 181)
Pour ce qui est de l'intrigue et de la trame de fond, l'auteur s'est extrêmement bien documenté et il sait de quoi il parle. L'arrière-plan historique est très présent. En revanche, on a souvent l'impression que l'intrigue et les divers épisodes se déroulent sur de nombreuses pages pour finalement avoir un effet de « pétard mouillé », c'est-à-dire que la chute de l'épisode n'est pas celle que le lecteur attendait, lorsqu'elle n'est pas plate. de fait, il est arrivé plusieurs fois que l'épisode raconté nous semble vraiment trop détaillé et trop long.
Le geste de Désérable est noble, sans lui Piekielny n'aurait eu d'hommage et son nom n'aurait été évoqué qu'en compagnie des grands noms du XXe siècle. À travers Piekielny, c'est à un très grand nombre d'anonymes et d'oubliés que Désérable rend hommage. En somme, pendant un moment, quelques secondes, ce nom résonne dans l'esprit de quelqu'un. Lorsque l'auteur nous livre des noms retrouvés dans les archives de Vilnius, il nous les partage parfois, et leur invente une histoire et une vie. Ces personnes sortent de l'oubli dans lequel le temps les a fait tomber de façon presque inéluctable. Elles existent et sont immortalisées à travers une oeuvre littéraire qui restera longtemps accessible à un plus grand nombre. Ce devoir de mémoire qui est fait ici, est d'une grande force et d'une grande beauté. Néanmoins, l'auteur s'en serait probablement tout aussi bien acquitté avec 150 pages de moins.
Le mot de la fin :
Corail : J'ai trouvé le message beau et l'écriture soignée mais c'est à peu près tout. La seule scène que j'ai vraiment bien aimée c'est celle avec les Kennedy (celle-là, elle était drôle) mais le reste m'a paru un peu trop long pour vraiment me passionner. Tout ce déballage d'introspection complètement gratuit m'a fait lever les yeux au ciel plusieurs fois, sans compter que j'ai été particulièrement déçue et frustrée par la fin. Cette lecture se solde par un grand sentiment de perte de temps de mon côté, c'est bien dommage.
Flora : L'histoire est vraiment très bien écrite. J'ai souvent ri, c'est vrai, néanmoins, j'ai eu aussi de longs moments de solitude, à me demander si je n'allais pas fermer le livre, le ranger sur l'étagère de la bibliothèque et ne plus jamais le rouvrir. Mais j'avais une fiche de lecture à faire. Alors je me suis fait violence, et je l'ai fini. D'ailleurs, entre nous Monsieur Désérable, c'est quoi cette fin ?
Pour en connaître plus sur la vie de
Romain Gary (même si là, on a déjà été servies) :
Cliquez ici pour voir la bande-annonce de
la Promesse de l'Aube, réalisé par Éric Brabier
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