Une oeuvre qui donne envie de se (re)plonger dans l'oeuvre de Gary, une (re)découverte de la vie de ce dernier, mise en parallèle avec celle de l'auteur.
Malgré quelques passages personnels desservant peut-être son dernier roman, FHD nous livre un roman au style vif et personnel. Rien d'étonnant à voir «
Un certain M. Piekielny » dans la première sélection des prix Goncourt et Renaudot 2017. A lire, et à suivre !
Nous accompagnons l'auteur dans sa quête de l'identité et de l'histoire de M. Piekielny, souris triste au nom imprononçable, sujet intrigant de la promesse de Gary.
Nous voilà transportés à Vilnius, sur les traces invisibles de cet homme, dont on ne sait à peu près rien sinon que son nom signifie infernal, et qu'il a habité au n°16 de la rue Grande-Phulankan, dans le même immeuble que
Romain Gary. Nous parcourons ces rues, et apprenons l'histoire de cette ville, de ses habitants, Juifs pour la plupart, dont il ne reste à peu près rien sinon l'absence.
Cette recherche nous mène tout naturellement vers l'écrivain aux deux Goncourt, « né d'une mère juive et d'un père russe, élevé en Russie, élève à Nice, aviateur, résistant, écrivain » que nous (re)découvrons au fil du voyage.
Nous suivons
François-Henri Désérable lors de ses pérégrinations Pikielniennes, se métamorphosant peu à peu une recherche du Graal, contées en miroir avec sa propre histoire. Un va-et-vient Gary/Désérable – Désérable/Gary dont cet étrange et mystérieux M. Piekielny, homme sûrement discrètement élégant, affublé d'une traditionnelle redingote, constitue le fil rouge.
Qui est M. Piekielny ? A-t-il jamais existé réellement, ou a-t-il justement existé puisqu'il a été imaginé? FHD vous invite à vous poser toutes ces questions et à le suivre tel son acolyte dans son périple. L'envie m'a été donnée plus d'une fois de quitter momentanément «
Un certain M. Piekielny » pour aller moi-même mener l'enquête. Relire «
La promesse de l'aube », lire tout Gary, à l'affût du moindre indice, afin de venir en aide à mon partenaire.
Je l'ai cependant laissé explorer seul, et me raconter sa propre histoire en écho à celle de Gary. La relation avec sa mère qui considère que l'on n'est pas sérieux quand on est écrivain, mère qui l'obligerait presque à s'inscrire en droit -« ce qu'on fait, le plus souvent, quand à dix-huit ans, on ignore ce qu'on veut faire de sa vie » – où FDH nous répète avec (fausse) modestie qu'il est docteur, alors que le lecteur est tout à fait capable de reconnaître à la lecture de locutions latines telles que hic et nunc et fraus omnia corrumpit la trace marquée au fer rouge des années écumées sur les bancs de la fac de droit (ou dans les syllabus(i ?) juridiques, ce qui revient à peu près au même). Je ne l'ai donc pas vraiment suivi dans tous les passages personnels, certains d'entre eux me semblant constituer un exercice de style alourdissant inutilement le récit.
Heureusement, ces passages restent sporadiques et n'enlèvent en rien le plaisir que cette lecture m'a procuré.
Exceptées ces quelques incartades, j'ai beaucoup apprécié les incises de l'auteur (« Et puis il a filé au Dorchester –où il s'est enfilé trois sandwiches au concombre, -avant de retrouver une amie dans une chambre d'hôtel – où il a défendu l'honneur de la France-, et il a fini par se rendre, à la nuit tombée, au Petit Club français de Saint-James, un sous-sol enfumé, blanchi à la chaux, que j'imagine comme ma taverne à Vilnius – moins la serveuse au chemisier blanc largement échancré-, avec aux murs un drapeau tricolore, un portrait du Général et des photos en noir et blanc de Paris. »), ainsi que son humour (« Et treize ans plus tard, ils (ndlr : Gary et sa femme) passent Noël ensemble au Mexique. Au milieu des cactus donc, où dans mon esprit de gringo tout imprégné de clichés des hommes qui s'appellent indifféremment Carlos ou Pedro portent des santiags assez fines, une moustache épaisse, un sombrero plutôt large, sont assis contre un mur où ils s'enfilent des tequilas déjà tièdes, roupillent et parfois, entre deux roupillons, grattent la guitare, et aïe caramba ! C'est donc au Mexique, où, comme on le voit, je n'ai jamais mis les pieds qu'ils ont fêté Noël, en 1958. ») et la présence de photos illustrant le récit, comme par exemple la reproduction du registre des résidents du n°16 de la rue Grande-Pohulanka.
La première sélection pour les prix Renaudot et Goncourt ne m'étonne pas.
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