Du film, il ne me reste rien, ou si peu, un sentiment d'amateurisme, un brouillon en court de tournage, un refus de l'outil cinéma à dessein qui le desservait ; en gros, un nanar Z.
Le hasard a mis sur mon chemin le livre, que
Virginie Despentes a elle-même adapté, avec
Coralie Trinh-Thi, issue du milieu du porno - un duo qui pourrait presque rappeler le binôme mortel de
Baise-moi, sorte de Thelma et Louise glauque, porn et gore en pleine descente de désespérance.
En soi, le bouquin n'est pas désagréable, sa structure est rythmée, l'écriture de Despentes sans fioritures, sèche, urgente. Elle cherche, à travers ses personnages, avec un sens de l'humour noir très...noir, les punchlines, les répliques qui "tuent", au sens propre.
Le contenu, maintenant : on peut faire l'offusqué, le choqué, face à tant de vulgarité, de violence parfaitement gratuite, de sexe misérable, de déviances sur lesquelles la société ferme les yeux tout en s'en repaissant, mais finalement, tout cela n'est pas nouveau. Despentes cite ici ou là ses références, entre
Bukowski et
Sade, pour se donner une filiation, mais aussi pour les pervertir en se les appropriant.
Car il s'agit pour l'auteur de King Kong Theory de prendre les figures patriarcales - le meurtre, le viol, le porno, le flingue - pour les mettre dans les mains de nanas ; redonner le pouvoir aux femmes ; remettre les compteurs à zéro. Quelque part ce n'est pas totalement gratuit si Nadine explose le crâne d'un gamin de 5 ans, c'est aussi questionner la notion d'innocence, et très loin celle de la maternité en tant que programme sociétal.
Pour autant, même si on peut saluer la démarche et essayer de comprendre cette colère et ce désespoir qui irrigue le texte, Despentes se piège elle-même en se contentant de son renversement de valeur, en restant binaire, et en faisant de la provocation un mode de pensée suffisant. A force de décrire Nadine et Manu comme des coquilles vidées par une société qui n'a rien à leur offrir, à force d'être presque anecdotique et apathique dans ces descriptions de meurtres ou de sexe, Despentes empêche toute empathie pour qui que ce soit, et il ne ressort de cette froideur qu'un grand cri de rage qui aurait mérité plus de profondeur.
Baise-moi apparaît plus comme une base de travail très intéressante, une note d'intention qui, à l'époque, venait facilement rejoindre celles d'autres auteurs enragés, tel que Gaspar Noé.