La rentrée littéraire n'est en général pas quelque chose que j'attends avec impatience, mais lorsque
Virginie Despentes a annoncé son retour avec
Cher Connard, je n'ai pas pu y résister. Et même si ce roman ne sera sans doute pas mon préféré de cette autrice, il reste tout de même marquant par son côté provoquant, auquel on s'attend forcément venant de
Virginie Despentes.
Dans
Cher Connard, on suit la correspondance entre Oscar Jayack, un auteur à succès accusé de harcèlement sexuel en pleine période de #MeeToo, et Rebecca Latté une ancienne vedette de cinéma autrefois adulée pour sa beauté et aujourd'hui vieillissante, à qui on ne propose plus que des rôles de femmes de son âge. Leurs échanges sont ponctués par les postes de Zoé Katana, une jeune activiste féministe sur les réseaux sociaux, qui se trouve être la victime d'Oscar. C'est trois personnages qu'a priori tout oppose, vont nouer des relations très fortes, d'amitiés pour certains, de haine pour d'autres. Tout cela à travers une correspondance où ressortent les thèmes de la drogue, la notoriété, les réseaux sociaux, et bien sûr le féminisme, sous la plume percutante et efficace de
Virginie Despentes.
Dès le début, ce roman m'a fait entrer de nouveau dans l'univers de l'autrice, grâce notamment à ce style d'écriture si particulier qui lui est propre. A la fois incisif, presque vulgaire, mais tout de même très agréable à lire. Lorsqu'on lit
Virginie Despentes on a simplement l'impression d'écouter quelqu'un parler. Même si pour certains cet aspect est plutôt déroutant voire rédhibitoire, c'est pour moi ce qui fait tout son charme et sa singularité.
Cher Connard est un roman qui énerve, notamment à travers le personnage d'Oscar. Au début, ses lettres sont un parfait exemple de mansplainsing, ennuyeux et agaçant au possible. Il est persuadé de savoir ce qu'est le féminisme, n'assume pas ses actes et remet en cause le vécu de sa victime, comme si le sien était la seule vérité. Pour lui, c'est une histoire d'amour qui a mal fini. Pour elle, c'est du harcèlement qui a gâché sa vie, et malgré tout c'est lui qui s'en sort. Oscar Jayack représente parfaitement l'impunité dont bénéficient les harceleurs. On le voit par le fait qu'en tant qu'auteur à succès, sa maison d'édition ne s'en sépare pas et préfère rompre le contrat de Zoé, son attachée de presse. On le voit surtout dès le début du roman, lorsqu'il poste un message d'insultes gratuites sur son compte instagram au sujet de l'actrice Rebecca Latté, qu'il vient de croiser par hasard. Ce qui énerve particulièrement chez lui, c'est que malgré tout ça, il est inconscient d'avoir fait du mal, d'avoir été un harceleur. Ce personnage est malheureusement le reflet d'une réalité beaucoup plus courante qu'on ne le croit.
Les personnages de Zoé Katana, mais surtout de Rebecca Latté, sont donc le moyen pour
Virginie Despentes d'expliquer à ceux qui pourraient se reconnaître en Oscar, pourquoi ce qu'ils ont fait est mal, pourquoi c'est du harcèlement. Et même si j'avoue avoir lu dans les propos de ces deux femmes, énormément de choses que j'ai déjà lues ailleurs, que ce soit au sujet du féminisme, ou encore de la libération de la parole des femmes. Il me semble tout de même important qu'un énième livre aborde ces sujets, ne serait-ce que pour expliquer aux hommes pourquoi ils ne peuvent plus, aujourd'hui, agir comme ils l'ont toujours fait. C'est un message qu'il est visiblement encore nécessaire de faire passer.
Mais pour être tout à fait honnête, le style d'écriture et le propos de fond ne font pas tout, et je dois avouer que l'histoire ne m'a pas autant passionnée que ce que j'aurais voulu. Ce roman aurait selon moi gagné à être plus court, beaucoup de passages ajoutent des longueurs et n'ont pas vraiment d'intérêt dans l'économie et la progression du roman. J'ai aussi été un peu déçue par l'évolution de la relation entre Oscar et Rebecca, je ne l'ai pas trouvée très cohérente.
Malgré tout je conclurai cet article en disant qu'avec
Cher Connard,
Virginie Despentes s'ancre avec brio dans l'actualité. Elle n'a rien perdu de son audace et de son éloquence, et signe à nouveau un roman détonnant. A lire et à partager de toute urgence, ce roman va éveiller les consciences !