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sur 2657 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Cher Connard, ça commence fort, sans filtre, comme ces échanges sur les réseaux sociaux, sans nuance, l'insulte brandie comme une arme dans une altercation visant à détruire l'interlocuteur par la violence des propos. La surenchère est à peine probable, on atteint d'emblée un sommet.

La première lettre, Oscar Jakack, l'écrivain a succès se la prend en pleine face, et elle n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan des réactions qui ont fait suite aux accusations de harcèlement dont il a fait l'objet. Il a été un peu trop insistant auprès de son attachée de presse, elle en a souffert à plus d'un titre, et il se trouve qu'elle a une notoriété non négligeable sur le net, où elle défend la cause des femmes.

Cette première lettre d'insulte est écrite par une actrice célèbre. Plutôt que d'ignorer le message, l'écrivain lui répond et tente d'amorcer le dialogue. Il en suivra de nombreux échanges, entrecoupés par les interventions de Zoé, la victime.

Le début tonitruant laisse la place à un apaisement progressif des interlocuteurs et à un vrai débat, autour de la question du féminisme, des féminismes, du patriarcat de l'impact de la célébrité sur le comportement, de la drogue (beaucoup) et des difficultés pour en sortir, des dangers des réseaux sociaux, de leur fonctionnement, de tous nos moyens de communication modernes pas toujours très bien maitrisés ou au contraire parfaitement manipulés par des blackblocks du net.

Bien argumentés, bien développés, les thèmes bénéficient de la plume acérée de Virginie Despentes. La forme est bien adaptée au débat, puisque chaque personnage peut librement s'exprimer dans ses messages. On perçoit l'installation d'une écoute et d'un dialogue sincère entre l'actrice et l'écrivain. C'est plus compliqué pour Zoé, qui malgré les excuses réitérées d'Oscar, ne parvient pas à tourner la page.

Sans oublier, et c'est une chance pour Oscar, les médias ayant un nouvel os à ronger, l'arrivée inopinée de la pandémie...

Beaucoup d'humour, de nombreux clins d'oeil (évocation de personnalités connues), Cher Connard se lit avec plaisir, tout en proposant une réflexion sur le statut des femmes et l'évolution des relations entre les sexes. Avec une note désespérée sur l'agonie de notre société.

Roman phare de la rentrée, qui mérite son succès médiatique.

352 pages 17 Août Grasset
#cherconnarddespentes #NetGalleyFrance

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Voilà ,je viens de refermer la dernière page de " Cher Connard" de Virginie Despentes et je suis toujours en vie. Oui , je le dis , bien vivante ! Je tiens à le préciser car je me suis demandé si en vue de la haine ambiante autour de ce livre , des fous furieux au verbiage fleuri comme j'en ai lus des tonnes n'allaient pas m'agresser par derrière tout en m'insultant de "sale féministe de merde islamogauchiste ". Je n'étais pas à l'abri non plus d'une donzelle qui aurait également pu me vider une canette de bière en pleine tête en hurlant " C'est une honte de faire la publicité d'une sale alcoolique vulgaire et sans talent qui défend des terroristes " ! Vous savez comme tous ces gens qui dénonçaient leurs voisins en des temps obscurs sans une once de réflexion voire même un éclair de discernement. J'ai pensé aller bouquiner en toute sécurité devant les locaux de Télérama ou des Inrocks mais j'habite un peu loin… Mais c'est une évidence , ca devient limite plus dangereux que d'ouvrir un Houellebecq qu'on comparait à Celine ! Allez savoir pourquoi… On prend des risques extrêmes à lire aujourd'hui… D'ailleurs je me demande si me procurer prochainement "Guerre" de ce "facho" de Celine ne va pas être problématique également , sait-on jamais dans l'ambiance actuelle , un nerveux ou une nerveuse pourrait me le faire regretter , pas un(e) illettré(e) , ni un(e) opprimé(e) , non non , juste un(e) tocard(e) qui viendrait de s'énerver sur Twitter au sujet d' une guerre entre Booba et les influenceuses ou un(e) bien pensant(e) limité(e) , bref une personne à l'encéphalogramme plat à qui parler de l'art et de l'homme n'évoquerait pas grand chose tant il /elle serait embourbé(e) dans sa triste lobotomisation crasse. Oui la société est ainsi , C'est noir ou blanc , pour ou contre , pas un pet de nuance , chacun met son grain de sel sur tout et sans compétence aucune , les rouages d'une machinerie de la pensée totalement abrutie par un néant abyssal du savoir. La preuve , combien sont-ils à descendre un livre qu'ils n'ont pas ouvert ! Seul un titre est maintenant un gage de valeur : "misogyne ou vulgaire " " elle n'écrit que de la merde" , " crade et saoularde" … Mais qui sont ces gens ? Les habitués d'Instagram ou Tik Tok et autres applis abritant les décérébrés qui fabriquent la violence verbale de masse ou ceux qui se drapent dans une fausse dignité arrogante préfabriquée au gré des courants de pensée anti-gauchiste du moment oubliant cependant la définition de " liberté " ou de " pensée" ? Peut-être les deux. Clairement la forme est là , mais le fond ? Vide. " j'aime , j'aime pas ". ils ont déjà un pied dans le métaverse , ne s'expriment que le pouce en l'air ou en bas , le fond est facultatif , la critique inexistante. Tout sonne creux.

"Le militantisme sur Internet c'est le fanatisme à l'état pur : une fois que les gens sont convaincus d'être du bon côté de la morale, ils jugent décent d'égorger l'adversaire." [ Virginie Despentes , Cher Connard]

Forte résonance…

En quoi ce début de chronique a un rapport avec le livre?

C'est limpide. Ils ou elles sont " Cher Connard" , ils sont ces pigeons qui chient sur les épaules en passant , ce qui me permet d'être dans le vif du sujet depuis le début sans oublier le plus ironique, ils servent et donnent toute légitimité à Virginie Despentes en étant finalement tout ce qu'elle dénonce et tout ce qu'ils (paradoxalement ) exècrent : la violence. Qui ose alors encore dire qu'elle est totalement à côté de la plaque ? Merci Messieurs , Mesdames , vous n'avez fait qu'étayer ma lecture , quant à servir d'étendard afin de prouver qu'elle est intégralement ancrée dans la réalité , n'abusons pas , je le savais déjà . La bonne nouvelle , c'est que Despentes est profondément humaine dans toute sa colère en plus d'être clairvoyante , de ce fait , faire le dos rond et laisser pisser reste la meilleure option. Nous ne sommes pas obligés de tous nous aimer après tout , cela dit je reste dans le camp des objectifs et de ceux qui écoutent , le camp de ceux qui ont le cran de dire ce qui défrise un petit monde et surtout , celui qui est capable d'entendre une opinion contraire à la sienne ,d' accueillir un discours étayé sans jugement hâtif. Je reste dans le camp des créateurs et des vecteurs de vie , de ceux qui insufflent des élans et provoquent un mouvement. Je reste , enfin , dans le camp des communicants et de la rébellion face à l'immobilisme et au sectarisme, je reste profondément Virginie Despentes et son "Cher Connard". Ne pouvant développer tous les sujets évoqués , j'ai privilégié ce qui m'a le plus parlé et surtout ce qui glisse sur la page instinctivement, ce qui m'habite et me brûle les doigts.

Alors je lis tout ce qu'elle a à dire au sujet de l'addiction :

"Quand on se défonce , c'est qu'on ne veut plus entendre parler ni de soi , ni des autres .C'est oser dire la vérité. Je ne t'aime pas , et je ne m'aime pas non plus. C'est toute ta lignée , c'est ta langue , c'est ton peuple , c'est ta terre qui est en cellule avec toi"

Des drogues au téléphone portable , des jeux débiles en passant par les réseaux sociaux , je me demande ce que nous fuyons dans cette société pour continuer ce que nous savons néfaste sans parvenir à s'en détacher. Sans doute la fuite de l'absurdité , le constat des illusions perdues , une certaine nostalgie des choses passé la quarantaine , un manque d'inspiration peut-être anesthésié , un désordre interne qu'on ne nomme pas et qu'on ne veut surtout pas remuer , cette violence envers nous-même que nous crachons sur autrui afin de mieux s'en délester. Un mal être .Un vide assourdissant. Un appel à l'aide. Une noyade programmée dans les abysses du fictif. Tout ca porte un nom :La tristesse.


Je lis ce qu'elle a à dire au sujet de MeToo:

"[Zoé Takana ]Tout allait bien avant que tu l'ouvres"

Oui tout va bien quand le corps est à disposition et qu'on ferme sa gueule. Tout va bien quand l'attentat interne reste discret. Tout va bien quand même des femmes expliquent à des victimes que tout ca a toujours existé et qu'elles s'en sont arrangées avec dignité. Bullshit ! Je ne veux plus de cette société du patriarcat , je ne veux plus être muselée et faire partie d'un monde d'hommes. Je ne veux pas me taire . Je ne veux pas faire partie de cet ordre établi. Je veux disposer de mon corps librement. Je veux que la honte change de côté. Je veux l'abolition du privilège machiste. Je ne veux plus qu'on confonde hystérie et détresse , je veux que plus aucune femme hurle en silence. Je veux en finir avec ce " on ne savait rien , on a rien entendu" de la part des hommes qui tous , ne chassent pas mais restent de fait solidaires en faisant semblant d'être aveugles. C'est l'heure ou le temps des dominées est révolu , la dignité a évolué , la respectabilité change de camp , la réserve s'effondre , les rangs des dominants doivent vaciller. Quant à vous messieurs qui vous dites féministes , peut-être pourriez-vous plutôt vous occuper de l'émancipation masculine et nous laisser la lutte du féminisme...A chacun ses armes parce qu'au fond ce que nous entendons en sourdine c'est " Ce que vous dites , nous le comprenons ,mais ne vous libérez surtout pas de vos chaînes , vous risqueriez de briser les nôtres dans le mouvement". Un discours de chienne de garde ? Loin de là , comme le souligne Despentes " Je vous aime les garçons , certains d'entre vous ont fait mon bonheur[…] Je vous comprends , je vous entends , MeToo ca vous est tombé dessus comme une sale surprise. Vous allez vous habituer…" Je ne peux pas mieux dire.

Je lis ce qu'elle a à dire au sujet de l'enfance:

" [ Oscar] Ma fille , qu'est ce que je sais de la vie qu'elle aura ? Plus le danger réel auquel on les expose est grand , plus la protection qu'on exerce sur eux est méticuleuse , c'est paradoxal. Cet écart à quelque chose de grotesque".

Oui , la surprotection commence là ou la liberté de nos jeunes n'existe plus. Qui aujourd'hui pourrait dire qu'il a eu la même jeunesse que ses enfants ? Les sorties à la journée en vélo , les heures où l'on restait à la maison sans parents , cette habitude de se débrouiller seul , de rêver sans entrave , de connaitre les effets de l'échec , de savoir ce qu'est tomber , de se relever , de se construire. Aujourd'hui à la moindre raison qui déroge d'un mode d'éducation établi , c'est le psy qu'on appelle , c'est la grande ruée vers les tests pour tenter de faire rentrer dans les clous sa progéniture. C'est la société parentale de surveillance poussée à l'extrême quand en même temps on refuse au nom de la liberté individuelle les caméras de surveillance dans nos rues. C'est l'enfant roi conditionné à rentrer dans les rails d'une époque , adieu les rêves , ils sont remplacés par la loi du marché , formatés par les réseaux et dépourvus d'initiatives. Qu'est ce qu'on a foiré ? Peut-être juste le fait d'avoir oublié ce qu'était être un enfant. Ou peut-être "le fait de les avoir convertis en accessoires essentiels pour la bonne image de leurs géniteurs. "


Je lis ce qu'elle a à dire au sujet des classes sociales :

"[Oscar] "- Tu vois que t'aimes ca le luxe salope de pauvre" "Je l'aime bien , leur luxe mais j'ai toujours l'impression qu'ils ont besoin de vérifier encore et encore qu'ils font envie au reste du monde .C'est pour ca qu'ils ont besoin de créer autant de mystère. Pour être sûrs qu'on les envie parce que sans l'envie du pauvre , le bonheur du riche n'est pas incomplet : il est anéanti"

L'exception de la réussite dans les hautes sphères quand on vient du bas , sujet pas si tabou mais d'une violence inouïe. Un entre soi qui jamais n'oubliera de signifier d'où l'on vient pour préserver les élites d'une tâche qui s'est probablement perdue. le talent n'existe pas quand on est prolétaire , on est "exotique". le lieu de naissance définit qui nous sommes et c'est en jouant la carte de la soumission qu'on peut espérer une intégration. Me viennent alors 2 questions. Combien de temps les salopes de pauvres vont endurer ce mépris ? Et en même temps combien êtes vous à être prêts à baisser votre pantalon pour une part du gâteau ? Les réponses sont "longtemps" parce que vous seriez "beaucoup." Longues vies aux hautes sphères dominantes , "c'est fascinant de cracher plutôt sur des "pas trop haut" , sur celui qu'on pourrait être mais pas ceux qui sont vraiment à l'abri"


Ne croyez pas que je glorifie Virginie Despentes ni que je prends une carte d'un parti politique quand je lis , je tente d'extraire le meilleur ou du moins ce que j'estime être le plus sensé dans une pensée , c'est cette liberté que je défends. Elle sait me heurter comme me fasciner , j'ai grandi avec " King Kong Théorie "elle a été une révélation , oui , elle mord parfois de travers bien que j'aime également " Mordre au travers " , m'a fâchée avec " Apocalypse bébé " , séduite avec " Vernon Subutex" , m'a fait sortir de moi lors de discours qui bien que virulents ne méritent ni justification ni célébration ,c'est juste un droit fondamental. C'est la raison pour laquelle Despentes est importante . C'est aussi la raison de ma colère qui ne pouvait en aucun cas être éclipsée de cette chronique , la colère est LE sujet de ce livre au même titre que le courroux. L'insulter pour ce qu'elle pense et minimiser son courage d'être sincère sans chercher à plaire est m'insulter au même titre que diverses personnes, c'est salissant , j'ai donc mon droit de réponse.

La subversivité à toute sa place en littérature , dans l'art en général ainsi que dans les débats sociétaux , c'est primordial. La contradiction capitale. La liberté de pensée essentielle bien que de plus en plus fragilisée ne doit en aucun cas plier devant cet amas d'individus embroussaillés dans des prises de positions immuables. Ces mêmes individus qui s'insurgent suite à la tragédie de Charlie Hebdo , qui brandissent " je suis charlie" tout en assassinant à leur tour une personne étant sur le même courant de pensée des victimes , Virginie Despentes. Mais avaient-ils déjà ouvert un Charlie Hebdo ?Il est là le pathétisme. elle est là l' exaspération , elle est dans ce livre la bile effervescente , elle se ressent à chaque ligne l'indignation , la rage exaspérée face à l'absurdité de notre temps et devant tous ces clichés véhiculés par des incultes se repaissant de la violence nauséabonde pour exister. Mais au milieu du chaos c'est l'intelligence , le dialogue et la réconciliation qui priment dans " Cher Connard" faisant un doigt d'honneur à tous les pigeons , c'est la faculté de Virginie Despentes à créer cette magie qui sous fond de discordance amène les deux protagonistes de ce roman , Oscar et Rebecca , à se confier sous forme d'échange épistolaire , à mettre au dessus de tout la lumière sur ce qui reste de l'humanité : L'amour , l'amitié , les blessures , les souvenirs , la littérature… C'est aussi cette capacité à parler de tout , à aborder tous les sujets sans langue de bois par le prisme de deux personnes radicalement opposées ,un tour de force d'une grande virtuosité qui mène le lecteur dans une profonde réflexion.

Pour toutes ces raisons vous devez lire Despentes , ce livre c'est vous , c'est nous , c'est aujourd'hui , c'est demain , c'est notre société , un livre n'est pas qu'un divertissement mais aussi une arme redoutable contre les maux. Que vous adhériez ou pas n'est pas l'essentiel , on a le droit de ne pas être en adéquation ou de ne pas supporter un auteur ou ses idées , mais en connaissance de cause , avec un discours cohérent et constructif parce que c'est ca la clé de la communion , du débat et des avancées.

Sans aucun doute un de ses meilleurs romans.

Je tiens à terminer cette chronique sur cette note d'optimisme … Tout n'est pas perdu :

"Mon grand-père me nourrissait de ses conneries. Il me les mâchait d'abord et les faisait passer de sa bouche à la mienne."[Jean-Paul Sartre.]

Bien à vous ( j' inclus les cher(s) connard(s))


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Il y a quelques jours, je lisais pour la première fois une fiction de Virginie Despentes et j'étais sans doute la dernière andouille à dire Dessepentes au lieu de Dèpente. Aujourd'hui, ma prononciation est corrigée et mon envie de lire les autres ouvrages de l'autrice est elle dévorante...
"Cher connard" est un roman épistolaire où Oscar et Rebecca échangent. Lui est un auteur à succès relatif pris dans la tourmente de Me too. Elle est actrice à la gloire passée, droguée jusqu'à la moelle. Leurs écrits seront parfois entrecoupés des pages du blog de Zoé Katana, ex-attachée presse d'Oscar, fan de Rebecca. Au coeur de cette correspondance, on retrouve : le Ouin-ouin on ne peut plus rien dire, moi j'aime les vrais mecs, oui la misère sociale crée des comportements violents, non il n'y a pas de fatalité, qu'est-ce que la culture?, pourquoi devenons-nous accros? et tant d'autres sujets. Au coeur de ce roman, Virginie Despentes présente des personnages plus vrais que nature, tantôt agaçants, tantôt terriblement fragiles. Elle analyse surtout la société contemporaine avec une plume férocement drôle ! Un roman totalement décapant et intelligent qui secoue un peu la rentrée littéraire 2022.
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C'est assurément l'un des textes les plus attendus de cette rentrée littéraire ; l'autrice et réalisatrice Virginie Despentes a fait paraître, cinq ans après le dernier tome de Vernon Subutex, un nouveau roman.

Préparez-vous à être un peu chamboulé ou agacé par le ton de Virginie Despentes qui n'y va pas par quatre chemins.

Avec cette rencontre- épistolaire exclusivement- de deux âmes cabossées, portée par une verve, une énergie et et une intelligence de chaque instant, et avec même une tendresse inattendue on peut dire que cela fait du bien de voir notre Despentes nationale déployer sa plume cynique qui nous emporter par ses fulgurances – intactes de justesse, de pertinence et d'intelligence.
On l'aime cette ,naissance d'une amitié et d'une fragilité sous les combats de coqs.. Les réflexions, puissantes et profondes, pleuvent sur le féminisme les réseaux sociaux, la difficultés de vieillir, la dépense aux drogues et alcool...

À d'innombrables reprises, on retrouve donc dans Cher connard la Virginie Despentes incisive, lucide, juste, et drôle ; on collecte ses punchlines avec délice et on sort revigoré de ce texte inégal mais souvent jouissif à la gloire des amitiés invraisemblables mais ô combien authentiques .
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Merci, madame Despentes, d'être une telle reine de la littérature.
Quel coup de coeur !

La plume est inclassable et implacable.
Un roman plein de chaos intérieurs et d'humanités volcaniques, de tendresses inconditionnelles et de véracités violentes.
J'ai l'impression d'avoir passé plusieurs jours en compagnie de vraies personnes, à nager parmi leurs névroses, leurs espoirs, leurs peurs et leurs désirs. Et je crois que ces héros me manquent déjà terriblement.
Je viens d'être le témoin d'une catastrophe magnifique et j'en redemande.

Quelle baffe !
Je ne vais jamais m'en remettre.
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En octobre 2020, au Centre Pompidou, Virginie Despentes, à l' occasion du Séminaire qu'organisait Paul B. Preciado, nous a averti :
« La douceur est utile, la douceur et la bienveillance sont les notions les plus antinomiques avec le système qui nous opprime, la douceur et la bienveillance c'est le contraire de l'exploitation capitaliste. ».
Voilà à quoi je repensais après la lecture de son nouveau roman.
Oui, c'est vrai que rien ne nous sépare de la merde qui nous entoure.
Mais on sent que les lignes bougent, quelque chose se transforme, se dessine.
Certain.es diront que c'est la roman de la maturité, d'autres que c'est l' heure des comptes...Et puis on se dit que chacun.e se fera son idée, fera sa lecture. Y a toujours un connard pour donner son avis. La preuve : je vous le donne.
Despentes est encore au rendez-vous. Postée aux carrefours les plus dangereux, elle avertit, parfois prédit, parfois, aussi. Même si l'un de ses personnages refuse d'associer lucidité et bienveillance, et bien, moi je trouve que les deux dansent de concert dans cet écrit.
On est toujours le connard de l'autre. Certains avec plus de talent que d'autres, mais pour finir il faudra bien qu'on s'en sorte tous, et tous ensemble, c'est la seule solution. Et si on doit prendre appui pour sortir la tête du merdier dans lequel on est plongé, tant qu'à faire, on est prié de ne pas mettre ses pieds sur la tête des autres. Si tu noies ton voisin...tu risques de replonger.
Faudra se comprendre s'entraider, se parler et surtout s'écouter ...enfin…Chacun.e connaît son chemin.
Si il n'y a jamais eu de justice il y a toujours eu de l'humain.
Ce qui est à détruire c'est l'inhumain, et là... l'espoir est prié de vite revenir.
Despentes après covid ça donne un très bon roman ( mais bon ce n'est pas nouveau, avec ou sans virus, un Despentes c'est toujours un beau moment de lecture).
Roman à spectre large, comme un antidote à la connerie générale et épidémique.
Y a pas de remède miracle, …. mais ce roman là, il faut le dire, nous fait du bien.

Astrid Shriqui Garain
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Oscar Jayack, écrivain au succès modeste, mais suffisant pour le faire exister sur le marché de l'édition, insulte sur Instagram Rebecca Latté, star quinquagénaire du cinéma français, croisée dans la rue, et qui, à ses yeux, aurait perdu de sa superbe et ne serait plus à la hauteur du mythe. Mais Rebecca est une guerrière, qui peut, selon ses envies, ignorer le monde ou s'opposer à lui. Dans le cas présent, elle va répondre à Oscar et le confronter à sa bêtise, au travers d'un message qui commence par « Cher connard ». La conversation s'engage. Oscar s'avère être le petit frère de sa meilleure amie d'enfance. En admiration devant elle, il voulait attirer son attention. Accusé de harcèlement par son ancienne attachée de presse, Zoé Katana, devenue une blogueuse féministe influente, Oscar explique à Rebecca qu'il est une victime. Tous les signaux sont au rouge pour la star de cinéma : elle a bien à faire à un pauvre type nuisible, qui préfère geindre que de se remettre en question. Au fil des échanges, Oscar confirme bien être un idiot délétère, mais révèle aussi d'autres facettes de sa personnalité. Quelque chose de puissant réunit dans l'ombre Oscar et Rebecca : leurs addictions à l'alcool et aux narcotiques, et l'idée qu'un jour ils puissent s'en extraire. le poison s'affirme comme le sujet central du livre : les misogynes qui sont un poison pour les femmes, la drogue qui est un poison pour les êtres, la vindicte populaire qui est un poison pour celles et ceux qui veulent se réinventer ou qui ont été méjugés.

Roman épistolaire, entrecoupé d'articles de blogs de Zoé Katana, Cher connard est un objet hybride, qui peut revendiquer plusieurs statuts. C'est d'abord un essai, succession de réflexions sur le monde moderne (féminisme, drogues, cinéma…), avec argumentaires et contre-argumentaires. Certaines lettres ressemblent à des billets d'humeur ou à des édito presse. Virginie Despentes se fiche de savoir si c'est l'endroit ou non pour balancer une analyse sur la place de la voiture en occident. Elle le fait. Elle a des choses à dire, et les dit, à une seule condition : que cela nourrisse le profil psychologique de ses héros et héroïnes. Car Cher connard est aussi, et avant tout, un grand roman, une oeuvre de fiction où l'autrice donne tout pour construire ses personnages, leur adosser leur propre système de pensée, et les faire exister. Comme dans Vernon Subutex, Virginie Despentes excelle à créer des protagonistes qui porte un regard différent du sien sur le monde, lui permettant de penser contre-elle, de se projeter au coeur de l'autre, pour le comprendre ou pour l'anéantir. Elle change de focale, creuse les angles morts. Jamais ses personnages ne souscrivent à un package idéologique. Dans une société que l'on résume souvent à deux camps – conservateurs contre progressistes – Virginie Despentes redistribue les cartes, lève le voile sur les impostures, recherche la vérité et l'authenticité.

Le féminisme, essentiel dans l'oeuvre de Despentes, reste au coeur de Cher connard, qui fait un tour complet des problématiques actuelles – patriarcat systémique, culture du viol, féminisme intersectionnel et/ou universaliste, questionnement sur le pardon, la haine et la vengeance, positionnement face aux TERF –, sans forcément trancher et en exposant plusieurs points de vue, pour reconstituer un spectre intellectuel complet. Virginie Despentes prend en compte la classe sociale, offre le droit aux gens d'évoluer, de changer d'avis, de devenir meilleur, sans la moindre injonction à pardonner. Chacun de ses personnages est libre de ses émotions, libre d'être un connard, libre d'être une bonne personne, parfois les deux en même temps. Tout ça sans complaisance, sans compromis. le livre est à l'image de Rebecca, qui soutient les combats féministes modernes, mais ne fait pas dans la bienveillance, ne respecte pas les souffrances d'autrui. Elle déteste les personnes fragiles. C'est une star de cinéma, qui a le pouvoir d'envoyer chier les gens, de se débarrasser de personnes toxiques ; et elle fait rayonner ce pouvoir. Mais elle reste une femme, soumise aux diktats, qui doit parfois courber l'échine au travail. « C'est ça la honte, c'est répondre aimablement à quelqu'un qui mérite une claque dans sa gueule », écrit-elle. Autre grand sujet du livre : la drogue. Avec en toile de fond une idée forte, celle que les NA – les Narcotiques Anonymes –, où l'on peut s'exprimer sans être jugé, représentent l'exacte inverse des réseaux sociaux.

Le roman s'inscrit dans la continuité du fameux « On se lève et on se casse » prononcé par Virginie Despentes dans sa tribune sur les Césars 2020. Elle rappelle ce pouvoir des femmes, mais souligne que « se casser » est un scénario du dernier recours, quand la réconciliation est rendue impossible par des personnes néfastes qui refusent de présenter leur excuse. Cher connard est un livre progressiste, tourné vers l'avenir, mais qui se fiche bien d'être aimable, et provoquera sûrement son lot de réactions épidermiques, y compris chez des féministes – « Et je ne vais pas, pour autant, vous laisser le mot féminisme, précise Virginie Despentes par la voix de Zoé Katana, anticipant les critiques. C'est la maison de toutes, le féminisme. Nous toutes qui partageons le même ennemi. Les mêmes tortionnaires, les mêmes assassins, les mêmes violeurs. Les mêmes harceleurs protégés par les leurs. C'est ma maison, aussi. Et je n'entends pas en sortir parce que vous cherchez à en confisquer les clefs. Les clefs sont sur la porte. Et elles y resteront. »

Cher connard ne nous impose rien, nous pousse à la réflexion, sous la forme d'un mélange entre le Banquet de Platon et un débat par commentaires interposés sur Facebook, avec des pensées brillantes, instinctives ou structurées, qui auraient aussi bien leur place dans un essai philosophique que dans une discussion de comptoir. Cher connard ressemble à une utopie, celle d'un monde où l'on pourrait se rapprocher d'autrui, sans mettre sous le tapis sa bêtise et sa toxicité passée, sans l'excuser ni même la comprendre, mais avec l'idée que les êtres sont complexes, qu'on ne peut pas les réduire à leurs déficiences, que l'on peut apprécier leur part lumineuse, tout en détestant leur part sombre. Là sont les enjeux du roman : comment pardonner – acte nécessaire pour refaire société – à ceux qui ne le méritent pas ; comment accepter le pardon de quelqu'un qui a ruiné votre vie ; ou le cas échéant, accepter la réconciliation sans accorder le pardon. C'est le roman de l'après "après #metoo", un livre générationnel, qui saisit parfaitement, sur le fond comme sur la forme, son époque. Ça sort demain chez Grasset.
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Tout commence par un post sur Instagram d'Oscar,un écrivain de renom,sur Rebecca,une actrice,la cinquantaine, frappée par le poids des années et de ses excès en tout genre...
L'échange pour le moins houleux continue sur papier avec une série de lettres assasines. Originaire de même quartier, La Cali de Jarville, elle qui fut la meilleure amie de la soeur d'Oscar, très vite, le ton redescend quelque peu quand ils se remémorent le bon vieux temps...
À travers ses personnages,l'auteure épingle une nouvelle fois les dérives et autres aberrations de la société actuelle.
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Je n'attendais pas Virginie Despentes dans un roman épistolaire mais je trouve que cette forme lui va bien. Comme d'habitude elle a des choses à dire et elle n'y va pas avec le dos de la cuillère.
Déjà le titre "Cher connard" est bien choisi parce qu'il est provocateur mais aussi parce que tous les mots comptent.
Certes, il a été repéré en cette rentrée littéraire de septembre 2022 et il est difficile de prendre du recul mais ce roman est d'actualité à l'heure où l'on fête le cinquième anniversaire du mouvement #MeToo créé pour encourager la prise de parole des femmes dans le but de dénoncer les violences sexuelles et toutes agressions liées au genre, pour que la peur change de camp.
Rebecca et Oscar communiquent de façon agressive sur les réseaux sociaux mais leurs rapports vont s'apaiser avec le temps. La célèbre comédienne et l'écrivain découvrent qu'ils se connaissent en fait depuis longtemps puisque Rebecca était la pote de sa soeur. Ils sont tous deux transfuges de classe et s'autorisent à s'écouter même si Oscar est accusé de harcèlement par Zoé Katana, ce qui est grave. Il reste un connard tout en étant cher à la rebelle Rebecca.
A travers ces échanges, Virginie Despentes décrit notre époque en se mettant dans la peau de personnages opposés pour tenter de comprendre tous les points de vues.
En période de confinement, Oscar et Rebecca, tous deux addicts aux drogues durs et à l'alcool vont aussi se soutenir pour devenir clean grâce à leurs séances aux Narcotiques Anonymes où tout le monde peut rentrer et parler sans être jugé.
Un bel éloge à l'amitié et à la parole ouverte.


Challenge ABC 2022-2023
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Je pensais juste mettre une note, persuadé qu'il y aurait déjà énormément de critiques et forcément une bonne note ... Je suis donc surpris. J'ai regardé les avis déjà postés. Il me semble que beaucoup (pas tous!) ont été dérangé par le contenu du livre et le trouve " cliché", " ultra féminsite" ,etc.
Il faut d'abord rappeler que c'est un roman et donc ce n'est pas une étude sociologique donc l'auteur a bien le droit, je crois, d'accentuer son propos ...

Pour ma part, j'ai beaucoup aimé donc. J'aime le style épistolaire qui rend toujours la lecture dynamique et agréable. Quant au contenu, je n'ai pas été choqué et je ne trouve pas qu'Oscar soit présenté comme la pire personne au monde, bien au contraire ... J'ai trouvé, au contraire, que les personnages ne sont pas manichéens et que même le féminisme n'est pas idéalisé ...
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Virginie Despentes

Virginie Despentes est un pseudonyme. A quoi fait-il référence ?

au nom de jeune fille de sa mère
à l'anagramme du nom de son chanteur préféré
au quartier des pentes de la Croix-Rousse à Lyon

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