«
Bourlinguer »… L'Auteur,
Patrick Deville, se revendique de
Cendrars et suit sur 4 générations les parcours de vie de quatre protagonistes de sa parentèle, mêlés aux turbulences de leurs époques, y compris les deux guerres mondiales. Avec ces existences particulières, Deville élabore une fresque du monde contemporain en adoptant, depuis le lieu de son enfance, l'hôpital psychiatrique de Mindin en Loire Atlantique, un « point de vue satellitaire » . Pour lui, par exemple, notre société, composée de plus de morts que de vivants, a été marquée à long terme par les Saint Simoniens, et l'action de grands entrepreneurs, tels les frères Pereire, créateurs des chantiers de Saint-Nazaire, voisins du Lazaret de Mindin.
Cette société a connu une histoire mouvementée, pleine d'aléas, tant dans les destins individuels que nationaux ou internationaux. Dans le regard que pose sur le monde l'écrivain/philosophe/historien, rien n'est écrit d'avance, tout est régi par le principe d'incertitude.
Toutefois selon la formule du Général, « Tout se tient dans le monde d'aujourd'hui », un évènement dans un pays proche, une équipée aventurière dans un pays lointain, peuvent avoir des effets « papillon » sur nos destinées. D'où les rapprochements, la mention de coïncidences, de concomitances, d'un continent à l'autre, qui entraînent des digressions - parfois ressenties comme intrusives par le lecteur, mais qui prennent sens dans la réflexion de l'auteur, ou renvoient à des personnages réels - comme Walker ou Yersin, acteurs principaux dans « Pura vida » ou « La peste et le choléra ».
« Aspiré par le gouffre du passé, perdu dans l'espace et le temps » l'auteur suit minutieusement les parcours individuels tant par la lecture d'archives complètes tombées entre ses mains, que par une documentation recherchée ou un retour sur le terrain. Nous avons sous les yeux l'oeuvre, mais aussi ses règles d'élaboration…
Ainsi nous est livré un triple portrait de l'auteur : l'enfant immobile dans une coquille de plâtre rêve de grands espaces dans un univers fermé et contraignant, l'écrivain plonge dans ses racines, médite sur l'histoire et sa relativité, le voyageur s'interroge sur la marche du monde sur tous les continents…
Avec
Taba-Taba, l'oeuvre décrit une large boucle spatio-temporelle de 1860 au 15 mars 2017, [En 1860 débute au Caire l'histoire de la famille, en1864 lancement à Saint-Nazaire de « L'Impératrice Eugénie » , premier transatlantique], jusqu'aux attentats islamiques : la fresque temporelle d'une précision maniaque fait penser à un paysage hyperréaliste jusqu' à en devenir onirique...
Taba-Taba se situe dans la lignée d'un Panthéon culturel revendiqué : le lazaret de Mindin rejoint en littérature le château de Combourg et le village de Combray.