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3,73

sur 1971 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Sans doute l'un de mes romans préférés!
Des personnages sans destination, parcourant des lieux divers, affrontant des aventures "fortuites", discutant et philosophant...et un narrateur omniprésent qui mène une discussion avec le lecteur.... et les amours de Jacques?

J'aime beaucoup ces couples (maître-serviteur) que j'ai retrouvés avec un grand plaisir dans le roman sur Palomino de Vargas Llosa (qui lui aussi, comme Kundera, admire ce roman) avec le couple Lituma-Silva. Une tradition assez communes : Pantagruel et Panurge, Don Quichotte et Sancho...les dialogues y sont drôles, familiers et intéressants; et représentent des visions assez singulières des choses les plus communes!

Le dialogue est omniprésent; une théâtralisation que mène Diderot dans son roman, lui le dramaturge entre autre (la plupart de ses livres sont des dialogues d'ailleurs). Ce procédé lui permet de développer ses idées philosophiques d'une manière plus simple (sur la fatalité surtout), mais aussi de présenter le pour et le contre, les visions les plus opposées (toutes les idées peuvent être soutenues de deux différentes manières; et les deux sont plausibles, comme il le dit lui-même quelque part dans son roman)

Le deuxième procédé employé est celui de la digression. Ainsi l'histoire des amours de Jacques est interrompue sans cesse par d'autres événements inattendus (des brigands, le mauvais temps, d'autres histoires d'amour, de vengeance, de trahison, d'autres rencontres et d'autres discussions...). A un moment donné, on oublie les amours de Jacques et on suit les autres aventures tellement c'est captivant et drôle (on se dit parfois que ce rusé de Diderot va terminer son roman sans nous raconter les amours de Jacques). Ce procédé me rappelle "Les Mille et une nuits" qui regroupent d'interminables histoires de la même veine (d'un réalisme magique). Même le roman de Diderot peut comporter d'autres péripéties jusqu'à l'infini avant de nous raconter les amours de Jacques.

Par ailleurs, et loin de la philosophie, ce roman est un exemple du travail du romancier. La présence de Diderot comme narrateur est intéressante par ces commentaires sur le rôle de l'écrivain et du lecteur (qui peut créer un autre roman à partir du roman lu, ou même reprendre un personnage et le mettre dans d'autres histoires, ce qu'appelle Eco, le personnage migrateur). Diderot interrompt la narration au moment le plus important pour nous montrer toutes les possibilités qui s'offrent (une invitation au lecteur de recréer lui aussi les événements).

Ce roman est un mélange plaisant de Don Quichotte, Tristam Shandy et Gil Blas. Diderot nous présente un ouvrage moderne et original qui a inspiré tant d'écrivains mais aussi une réflexion sur la liberté de l'individu et la destinée.

J'ai lu ce roman pendant une époque que j'avais consacrée à la littérature française du XVIIIème siècle. J'ai gardé un très beau souvenir de cette lecture.
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Un dialogue entre un maitre et son valet, prétexte astucieux pour parler des changements qui s'annoncent dans la société française. le monde change et Diderot le voit déjà l'annonce, la connaissance doit gouverner et non l'absolutisme...la naissance n'éclaire que sur l'origine non sur les compétences...Un plaisant moment de lecture..
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Cet ouvrage m'attendait depuis quelques mois maintenant, j'attendais en quelque sorte le « bon moment » pour l'aborder. de Diderot, j'ai lu la Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient ainsi que La religieuse que j'avais tous deux beaucoup aimé ; un peu partout j'ai pu lire que Jacques le Fataliste et son maître était son roman le plus abouti, le plus magistral ; à présent, ne connaissant pas l'intégralité de son oeuvre, je ne saurais prétendre à déclarer ce genre de choses, mais c'est un fait qu'il m'est permis d'affirmer non pour l'unique oeuvre de Diderot, mais bien pour l'intégralité des romans qui ont parcouru les contrées de mon esprit - sans s'octroyer la première place, mais il brigue aisément une situation dans les dix meilleurs. Jacques le Fataliste est en effet une oeuvre pleine de virtuosité, d'intelligence, et de génie.


Tout d'abord, il me semble important d'aborder cette lecture en ayant bien en tête que ce n'est pas un essai - pour le coup c'est assez évident -, mais que cela implique le fait que Diderot, en écrivant, ne cherche pas à convaincre son lecteur d'adopter cette philosophie déterministe. Il essaie juste de nous donner un aperçu de ce à quoi peut ressembler une bonne application existentielle de cette manière de penser ; et même si les démonstrations de Jacques à son maître peuvent en effet convaincre le lecteur, ce n'est pas l'objectif premier du roman - voire pas un objectif du tout. Parlons du roman intrinsèque pour commencer, sans évoquer immédiatement sa portée philosophique.
Combien de fois l'auteur-narrateur déclare-t-il « ceci n'est pas un roman » ! Et pour cause : j'ai appris, grâce aux excellents dossiers suivants l'oeuvre - éditions GF - que le roman au XVIIIème siècle était une sorte de « mauvais genre », non pas en tant qu'il n'était pas lu, au contraire, il n'avait jamais eu autant de succès ; mais en ce sens que l'on voyait le roman comme un mensonge sans intérêt et susceptible d'avoir une influence mauvaise sur les goûts et les moeurs de l'époque ; Diderot ne voulait ni être un menteur, ni pervertir son époque. Je n'ai pas lu La Nouvelle Héloïse, mais - toujours d'après les dossiers du livre -, Rousseau déclarerait dans la préface de cet ouvrage : « Il faut des spectacles dans les grandes villes, et des romans aux peuples corrompus. J'ai vu les moeurs de mon temps, et j'ai publié ces lettres. Que n'ai-je vécu dans un siècle où je dusse les jeter au feu ! ». C'est assez éloquent.
Quoiqu'il en soit, la théorie littéraire veut que Jacques le Fataliste soit un roman, alors Jacques le Fataliste roman sera - n'en déplaise à Diderot qui n'a de toute façon plus aucun moyen de le contester. Toute l'originalité vient de ce que l'auteur-narrateur interrompt constamment le déroulement des événements pour diverses raisons, nous dire que c'est bien lui qui décide de ce qu'il se passe et qu'en tant que lecteur nous en sommes totalement dépendants, nous remettre dans le contexte de l'histoire, etc. Cette manière qu'il a de nous interpeller régulièrement pour nous dire que c'est lui qui décide peut paraître agaçante, mais elle me semble très symbolique ; il ne cesse de déclarer des choses comme « Jacques et son maître peuvent faire ci, peuvent faire ça, c'est moi qui en décide » cependant que pendant tout le roman, Jacques s'évertue à déclarer que « tout ce qui nous arrive est écrit là-haut » et qu'il ne contrôle, de fait, rien. Un symbole donc, d'abord en ce sens que ce « là-haut », que l'on peut aisément considérer comme étant Dieu - ou tout autre force que vous pourrez nommer comme vous l'entendrez - pour nous, n'est autre que Diderot pour les protagonistes du roman, et ce dernier s'en amuse ; semblant par là oublier que la chose vaut finalement pour lui aussi, s'il semble décider du sort de ses personnages, une force plus puissante que lui décide de son propre sort - et il n'est pas assez stupide pour se croire au-dessus de ses personnages, il en a bien conscience, et c'est je pense la raison qui fait qu'il nous rabâche sans cesse cette contradiction apparemment inconsciente, comme pour se mettre en scène lui-même et l'humanité, tout orgueilleux que nous sommes à grands coups de « c'est moi qui décide », Diderot ironise et fait endosser ce rôle à un auteur-narrateur qui ne semble pas constater que les ficelles qui décident des actions de ses personnages dépassent ces derniers pour s'accrocher également à lui-même. C'est par ces invectives permanentes que ce roman peut être vu comme moderne, en effet, le XXème siècle s'est beaucoup évertuer à analyser la façon dont se fait un roman, mais il ne faut pas oublier le contexte et l'époque de la création de celui-ci.



Le précédent paragraphe qui voulait se limiter au pur roman n'a pu s'empêcher de déborder sur la philosophie qu'il contient, sans doute que les deux sont tellement entrelacés qu'il est impossible de les séparer. Parlons-en plus clairement de cette philosophie : elle semble toute entière provenir du capitaine de Jacques - qui n'est pas son maître - et qui « savait son Spinoza par coeur », là encore, plein d'ironie, Diderot se moque de ceux qui pensent que la philosophie n'est que le fait de se costumer d'un cadavre - comme les Aztèques qui, lors de cérémonie religieuse, sacrifiaient une enfant avant de revêtir certaines parties de son corps mort. La philosophie n'est pas une simple accumulation de connaissance : elle est création permanente. Elle ne peut pas se contenter de disséquer des morts - d'obtenir une parfaite connaissance d'une ou de plusieurs philosophies précédentes -, elle doit créer. Quoiqu'il en soit, selon Jacques et son capitaine, tout est nécessaire. Rien ne naît de rien, il n'y a pas de libre arbitre, « tout est écrit là-haut » sur « le grand rouleau » ; quant à savoir qui l'écrit, peu importe, ça ne modifie en rien le déterminisme total. Rien ne sert à Jacques de courir lorsqu'il est poursuivi par des voyous s'il n'en a pas envie : s'il doit s'en tirer, il s'en tirera ; sinon, rien ne sert de lutter, cela ne fera que le fatiguer. Une sorte de résignation joyeuse en résulte, si le capitaine de Jacques savait son Spinoza par coeur ; Diderot savait son stoïcisme, si ce n'est par coeur, en bonnes conditions.
L'auteur ne cherche pas à nous convaincre, mais il peut tout de même y arriver, puisque nous assistons souvent à une conversation entre le maître et Jacques qui, lui, souhaite convaincre son maître ! L'une des plus éloquentes démonstrations est la suivante et est connu de Jacques de par son capitaine : « si vous voulez librement, essayez de vouloir vous jeter de votre cheval à terre » ; le maître, tout orgueilleux qu'il est, déclare que, bien que ce ne soit pas une perspective des plus réjouissantes, il pourrait tout à fait le faire et donc le vouloir ; « mais mon maître, lui répond Jacques, vous ne voyez pas que sans ma contradiction et sans ce souhait de votre part de prouver votre liberté, il ne vous serait jamais venu à l'idée de vous jeter de votre cheval et de vous rompre le cou ? C'est donc moi qui vous prend par le pied, et qui vous jette hors de selle. Si votre chute prouve quelque chose, ce n'est donc pas que vous soyez libre, mais que vous êtes fou. » Il lui dira un peu après, toujours depuis cette même attitude provocatrice et hilarante, qu'il n'est ainsi pas libre de vouloir aimer une guenon. Les sentences pleuvent : on passe notre vie à vouloir sans faire ; et, peut-être plus important, à faire sans vouloir.
Ne lisez pas ce qui va suivre si vous souhaitez garder intacte l'intrigue romanesque, quoique le quatrième de couverture l'assassine déjà. L'autre modification passionnante qui a lieu, c'est ce rapport qu'entretiennent Jacques et son maître, si le maître peut se targuer d'avoir ce titre officiellement, dans les faits, c'est bien Jacques qui s'en réclame. Et ce en tant qu'il éduque ce « maître » à sa philosophie ; parce qu'il prend les décision la plupart du temps également. le maître, après que Jacques eut théorisé la chose, malin, déclare qu'il vaudrait mieux pour lui avoir la place de Jacques ; mais comme le dit ce dernier, en y prétendant, il renoncerait à son titre tout en ne pouvant pas y parvenir, parce que « ce n'est pas écrit là-haut »... Il devra donc bien s'en arranger, de cette ingrate position de maître, le pauvre ! En évoquant l'oeuvre il m'arrive souvent de la nommer en ces termes : Jacques le maître et - à ce moment là je me rends compte que ce n'est pas ça et je m'arrête. Mais au final, je pourrais continuer, car une fois achevé, le roman pourrait tout à fait s'appeler « Jacques le maître et son Fatalisme ».



Comme d'habitude, je suis bien insatisfait de cet écrit, j'ai le sentiment d'omettre le principal, ou l'important, à tout le moins... Mais qu'y peut-on, s'il est écrit là haut qu'en ma condition présente, à l'heure qu'il est et dans la situation où je me trouve, je ne ferais pas mieux, rien ne sert de me rebeller !
Bref, c'est l'oeuvre d'un virtuose que nous avons là, Diderot s'amuse des intrigues, du lecteur et de la philosophie comme personne, toute une partie de l'histoire de la philosophie prétend qu'un déterminisme total nous enveloppe tous dans sa puissance infinie, vous y souscrirez ou pas ; toujours est-il que Jacques y a souscrit et qu'il est sans doute le héros qui illustre le mieux cette manière de pensée - le plus puissant personnage conceptuel du déterminisme, comme aurait pu dire Deleuze. A lire donc absolument, même si c'est pour vous en démarquer, ceux que la philosophie n'intéressent pas, aussi fous soient-ils, devraient également se satisfaire d'un tel ouvrage, car il dépasse de beaucoup la discipline qui le permet ; au-delà du « roman philosophique », nous avons là en effet un excellent roman.
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C'est peut-être le seul livre que l'on m'a donné à lire au lycée et où je prenais deux à trois chapitres d'avance tellement je l'ai adoré ! le voyage de Jacques et son maître n'est qu'un prétexte à soulever des questions existentielles. Jacques pense que Dieu déroule un immense rouleau où est inscrit chaque action de chaque être humain. Son maître, au contraire, pense que l'Homme est doté du libre arbitre. S'en suit alors une confrontation philosophique entre les deux hommes où chacun cherche à prouver à l'autre qu'il a raison et ce, grâce à ce qu'ils vont vivre.

Les petites choses de tous les jours deviennent alors de véritables réflexions, des choses dont on n'aurait jamais osé penser.

Le principe de s'adresser directement au lecteur, coupant ainsi son récit, fait partie intégrante du plaisir que l'on a à dévorer cette oeuvre majeure.

N'ayons pas peur de réfléchir sur les sujets qui fâchent, n'ayons pas peur du miroir et éclatons-nous !
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Un grand classique , que j'ai beaucoup fait étudier (mais un peu toujours les mêmes extraits) et relu avec beaucoup de plaisir. Ce qui frappe le plus c'est l'incroyable modernité de la narration avec tous ces récits enchevêtrés et les jeux avec le lecteur . En fait plus que la visée philosophique (Spinoza, la prédestination , le « grand rouleau ») je retiens l'intense plaisir du conteur , du raconteur d'histoires pour la grande satisfaction du lecteur . Et toujours l'humour de Diderot et ce magnifique français du XVIIIème siècle !
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Diderot explique son concept de « grand rouleau » qui révèle son décret prédéterminé sur la vie individuelle des hommes au fil du temps. Cet appel au déterminisme existentiel s'exprime à travers les personnages Jacques, un valet de chambre, et son maître anonyme, qui voyagent vers un lieu indéfini. le maître de Jacques lui dit de soulager leur ennui en racontant comment il est tombé amoureux. Tandis que Jacques s'exécute, la fête est interrompue par une multitude d'embûches et de personnages absurdes, dont le personnage du lecteur, qui interroge le narrateur de l'histoire. La plupart des contes se veulent à la fois drôles et philosophiques, se concentrant sur des sujets de sexe, de romance et d'hédonisme, explorant comment ces aspects de la vie humaine sont philosophiquement intriqués.

L'intrigue principale du roman suit les personnages principaux alors qu'ils voyagent à travers la France rurale. Jacques est le plus bavard des deux, en raison de l'amour de son maître pour entendre plutôt que de raconter des histoires et de la personnalité exubérante de Jacques. L'histoire principale est, apparemment, le récit de Jacques sur la façon dont il est tombé amoureux. Cependant, cette tentative est interrompue à plusieurs reprises par les récits d'autres personnages, qui apparaissent souvent de manière inattendue, ou par les mésaventures logistiques des deux voyageurs. Par-dessus tout, le narrateur prend la primauté sur le rythme de l'histoire, interrompant fréquemment le récit pour parler au lecteur.
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« Si mon ouvrage est bon, il vous fera plaisir ; s'il est mauvais, il ne fera point de mal. Point de livre plus innocent qu'un mauvais livre. »

Jacques et son maître cheminent on ne sait vers quoi et devisent de tout, de la vie, des gens, de leur expérience, de leur passé. Chemin faisant, ils se font philosophes et racontent de petites histoires qui s'insèrent dans celle de l'ouvrage où l'on retrouve les personnages à tel ou tel endroit. On pense bien sûr à Don Quichotte et son Sancho Pança. Et souvent le narrateur s'adresse au lecteur directement, faisant aussi bien les questions et les réponses.
Au départ, Jacques doit conter ses amours à son maître mais à chaque fois il est interrompu par une autre histoire que son maître ou que quelqu'un d'autre vient greffer dessus. Ce qui peut dérouter et donner un aspect confus au livre, mais bientôt les petites histoires nous captent que ce soit celle de mademoiselle de la Pommeraye, pendant des liaisons dangereuses ou les évènements de la vie fatale de Jacques qui semble avoir plus d'expérience et de jugement que son maître, tout bien considéré.
Donc Jacques et son maître passent au crible toute la société française du XVIIIème siècle Ce peut être le peuple qui se réjouit d'un spectacle et notamment d'une exécution publique :

LE MAÎTRE.- le peuple est avide de spectacle, et y court, parce qu'il est amusé quand il en jouit, et qu'il est encore amusé par le récit qu'il en fait quand il est revenu. le peuple est terrible dans sa fureur ; mais elle ne dure pas.
Justement, comme nos protagonistes, le peuple, les gens aiment à raconter ce qu'ils ont vu. On pourra s'interroger sur l'analogie avec nos faits divers relayés par la presse.
C'est aussi bien sûr la religion, omniprésente ; car Jacques et son maître partent du principe que tout ce qu'il se passe sur terre, et surtout ce qu'il leur arrive et leur est arrivé « est écrit là-haut ».
JACQUES.- C'est que, faute de savoir ce qui est écrit là-haut, on ne sait ni ce qu'on veut ni ce qu'on fait, et qu'on suit sa fantaisie, qu'on appelle raison, ou sa raison qui n'est souvent qu'une dangereuse fantaisie qui tourne tantôt bien, tantôt mal.

le doute est donc un principe philosophique de base, cher aux lumières. Et surtout le doute de la divinité. Là où Diderot est subtil, c'est qu'il ne nie pas l'existence d'un dieu éventuel mais il raconte que tel ou tel a douté à tel moment, à l'instar du grand-père de Jacques lorsqu'il raconte d'où il est issu :
JACQUES.- Il y avait des jours où il était tenté de ne pas croire à la Bible.
LE MAÎTRE.- Et pourquoi ?
JACQUES.- A cause des redites, qu'il regardait comme un bavardage indigne du Saint-Esprit. Il disait que les rediseurs sont des sots, qui prennent ceux qui les écoutent pour des sots.

Roman philosophique, discussion socratique, on peut voir aussi Jacques le Fataliste comme un roman qui regroupent tous les romans, où Diderot construit une cathédrale capable de briller dans tous les genres. Il ne cache pas son admiration pour les romanciers anglais de son époque, Richardson ou Sterne et sa mise en abyme est époustouflante ou agaçante. C'est selon. Je la trouve personnellement époustouflante de modernité et de virtuosité narrative.

"S'il faut être vrai, c'est comme Molière, Regnard, Richardson, Sedaine ; la vérité a ses côtés piquants, qu'on saisit quand on a du génie ; mais quand on en manque ? – Quand on en manque, il ne faut pas écrire."


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Appréciation : j'ai choisi ce livre parmi mes lectures classiques, car j'y trouve de l'intérêt pour tous. Paru en 1796, l se démarque par son originalité, surtout pour l'époque. Il sort des sentiers battus de la littérature classique française. En fait, ce roman est un non-roman, puisque tout au long de son récit il interrompt son histoire pour entreprendre une conversation avec le lecteur. Il nous adresse la parole, sans nous demander notre avis, en supposant que c'est le nôtre, sur ce qu'il ne développera pas comme idée au moment ou l'on voudrait connaître la suite d'un événement ou l'aboutissement d'une histoire. Cette lecture est très contemporaine. On pourrait s'imaginer qu'un auteur aurait voulu nous plonger en plein XVIIIe siècle dans un roman d'aventures cocasses qui n'aboutira pas. Presque absurde. Il joue avec le lecteur, bifurque l'histoire, crée un plaisir de lecture en nous déroutant, ce qui évidemment nous fait rire, surtout quand on le lit 200 ans plus tard. Tout à fait fascinant.
Mais une fois passé ce procédé particulier pour l'époque, l'intérêt réside dans la partie philosophique du récit. Tout est prétexte à réfléchir à la fatalité/déterminisme; hasard/destinée. Nous sommes maîtres de notre vie, tout est hasard ou "cela devait arriver", "c'est écrit dans le ciel". Réflexion que je résumerais simplement ainsi:
On entend les gens dire: "Rien n'arrive pour rien" "ce n'est pas du hasard", "synchronicité" et pour les croyants "c'est la volonté de Dieu".......
Diderot était athée dans un monde où la religion, la superstition, le charlatanisme faisaient partie du quotidien tout comme aujourd'hui. Grand philosophe c'est lui, qui avec l'auteur Alembert a créé la première encyclopédie, au siècle des Lumières, pour sortir le peuple de son obscurantisme. Ami de Voltaire, de Grimm, il occupe une place prépondérante dans l'évolution de la littérature et de la pensée. Quoi qu'il en soit, ce non-roman original m'a énormément plu.
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Le titre est à lui seul une petite révolution, replacée dans son contexte historique : au XVIIIème siècle, il fait la promotion du valet (Jacques) contre son maître (cité en deuxième position et... anonyme). le héros du livre est donc le valet, qui a l'intention de nous raconter ses amours, mais qui se trouve sans cesse interrompu. D'ailleurs, ses amours sont-ils bien le sujet du livre ?
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Jacques et son maître philosophent. Mais ils philosophent sur la route, en dilettantes, et sont sans arrêt interrompus par des impromptus, des incongrus, des événements, qui les empêchent de finir leurs conversations. Est-ce qu'ils s'agacent ? Non ! L'un des romans philosophiques qui m'aurait presque donné l'envie d'en lire d'autres. Si, ma foi, j'avais été un peu moins paresseuse. Paresseuse comme Diderot qui s'amuse ici comme un petit fou. Ah ! le Bonheur du XVIIIè siècle !
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