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3,73

sur 1971 notes
C'est toujours délicat, face à un archi, archi classique, de ne pas être en phase avec la majorité et de se sentir beaucoup plus tiède que les autres lecteurs ou commentateurs. Mais force m'est, si je veux être honnête avec moi-même, d'être plus nuancée dans l'éloge que nombre d'entre-vous. On se sent comme à l'arrêt d'un bus qu'on attendrait depuis longtemps et qui, quand il arriverait enfin, vous passerait sous le nez sans s'arrêter, prétextant un retour au dépôt. On s'interroge, on se dit qu'on a probablement raté une marche, qu'on n'était pas soi-même dans un très grand état de forme intellectuelle ou physique, et mille autres explications plausibles, — tant soit peu — à ce rendez-vous manqué.

Qui suis-je d'ailleurs pour émettre un avis sur ce monument ? J'aurais tant aimé pouvoir m'enthousiasmer comme souvent cela m'arrive sur les romans du XVIIIème ; vous en vanter les délices ; vous en soulever le voile, juste un petit peu, pour que vous ayez envie de le lever vous-même complètement. De plus, Denis Diderot a vraiment tout pour plaire : le style, la finesse, l'envergure d'esprit, etc. Aussi suis-je bien triste de ne pas avoir tant goûté la saveur, le suc intime de cet ouvrage, pourtant tellement vanté par un auteur que j'aime beaucoup, Milan Kundera.

À n'en pas douter, Diderot est un grand esprit et il soulève moult questions pénétrantes au travers des pérégrinations de Jacques (le valet) et son maître, un couple de héros à la manière de Don Quichotte et Sancho Pança. Comme dans Don Quichotte, la sagesse et l'usage du monde sont plus développés chez le valet que chez le maître, mais à la différence de l'Ingénieux Hidalgo, ici, Jacques possède également le grain de folie ou de roublardise qui donne la saveur au roman. Le maître ici n'est donc qu'un faire valoir pour le valet qui analyse tous les aléas de son existence au crible de la fatalité au moyen d'une formule du genre : « Il était écrit sur le grand rouleau que cela se passerait ainsi... »

J'aimerais dire que j'ai pris un plaisir fou à le lire, mais à la vérité, les fréquentes interpellations du lecteur par le narrateur furent, de mon point de vue, un peu barbantes de et ne me semblaient apporter strictement rien au propos. Les très (trop ?) fréquentes remarques du genre : « j'aurai pu faire en sorte qu'il leur arrive ça, mais finalement non » ou « vous voulez la suite, n'est-ce pas, et bien non, je vais l'entrecouper volontairement avec un autre récit qui n'a rien à voir » hachent considérablement le récit et sont pour moi un peu fatigantes à la longue.

En fait, bien plus que Don Quichotte, c'est le roman de Laurence Sterne, Vie et opinions de Tristram Shandy qui est la véritable source d'inspiration de Diderot. On y retrouve un égal art de la digression, doublé d'un sens aigu de la dérision qui sont les fers de lance du modèle anglais. On sait, au surplus, la grande estime dans laquelle l'auteur tenait la littérature anglaise de l'époque (voir son éloge à Richardson, par exemple, ou encore l'influence décisive du philosophe John Locke sur le mouvement des Lumières, etc.)

Finalement, comme pour le livre de Sterne dont la lecture m'a harassée, je fus bien contente d'en découdre ici également, même s'il est vrai que c'est facile à lire, qu'il y a toujours une agréable pointe d'humour ou d'ironie sous-jacente, que Diderot a une connaissance approfondie de l'âme humaine, et ce dans les différentes classes sociales et qu'il n'hésite pas à aller sur le terrain du grivois de temps à autres. Pour moi, la qualité de l'écriture ou l'intérêt du fond ne compensait pas le manque dans la construction. C'était à mes yeux un fatras, un peu comme à un marché aux puces où il fallait chiner, sans être du tout certain que la pièce qu'on négociait trouverait sa place et sa raison d'être dans notre intérieur à l'avenir.

Bref, je l'ai lu et d'un point de vue culturel et de l'histoire de la littérature, je ne le regrette absolument pas, mais je n'en ferai sûrement pas mon livre de chevet. À vous de voir, car tout ceci n'est — fatalement — que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose, et il était écrit sur le grand rouleau qu'il ne pouvait en être autrement...
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Sans doute l'un de mes romans préférés!
Des personnages sans destination, parcourant des lieux divers, affrontant des aventures "fortuites", discutant et philosophant...et un narrateur omniprésent qui mène une discussion avec le lecteur.... et les amours de Jacques?

J'aime beaucoup ces couples (maître-serviteur) que j'ai retrouvés avec un grand plaisir dans le roman sur Palomino de Vargas Llosa (qui lui aussi, comme Kundera, admire ce roman) avec le couple Lituma-Silva. Une tradition assez communes : Pantagruel et Panurge, Don Quichotte et Sancho...les dialogues y sont drôles, familiers et intéressants; et représentent des visions assez singulières des choses les plus communes!

Le dialogue est omniprésent; une théâtralisation que mène Diderot dans son roman, lui le dramaturge entre autre (la plupart de ses livres sont des dialogues d'ailleurs). Ce procédé lui permet de développer ses idées philosophiques d'une manière plus simple (sur la fatalité surtout), mais aussi de présenter le pour et le contre, les visions les plus opposées (toutes les idées peuvent être soutenues de deux différentes manières; et les deux sont plausibles, comme il le dit lui-même quelque part dans son roman)

Le deuxième procédé employé est celui de la digression. Ainsi l'histoire des amours de Jacques est interrompue sans cesse par d'autres événements inattendus (des brigands, le mauvais temps, d'autres histoires d'amour, de vengeance, de trahison, d'autres rencontres et d'autres discussions...). A un moment donné, on oublie les amours de Jacques et on suit les autres aventures tellement c'est captivant et drôle (on se dit parfois que ce rusé de Diderot va terminer son roman sans nous raconter les amours de Jacques). Ce procédé me rappelle "Les Mille et une nuits" qui regroupent d'interminables histoires de la même veine (d'un réalisme magique). Même le roman de Diderot peut comporter d'autres péripéties jusqu'à l'infini avant de nous raconter les amours de Jacques.

Par ailleurs, et loin de la philosophie, ce roman est un exemple du travail du romancier. La présence de Diderot comme narrateur est intéressante par ces commentaires sur le rôle de l'écrivain et du lecteur (qui peut créer un autre roman à partir du roman lu, ou même reprendre un personnage et le mettre dans d'autres histoires, ce qu'appelle Eco, le personnage migrateur). Diderot interrompt la narration au moment le plus important pour nous montrer toutes les possibilités qui s'offrent (une invitation au lecteur de recréer lui aussi les événements).

Ce roman est un mélange plaisant de Don Quichotte, Tristam Shandy et Gil Blas. Diderot nous présente un ouvrage moderne et original qui a inspiré tant d'écrivains mais aussi une réflexion sur la liberté de l'individu et la destinée.

J'ai lu ce roman pendant une époque que j'avais consacrée à la littérature française du XVIIIème siècle. J'ai gardé un très beau souvenir de cette lecture.
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Il est difficile de décrire ce que ce roman raconte tant les histoires sont imbriquées les unes dans les autres. À l'origine, deux hommes échangent et Jacques, l'un des protagonistes, commence à lui conter des aventures...

C'est un classique auquel je n'ai pas adhéré, une fois de plus. J'ai décidé de l'abandonner au bout de quelques mois où je lisais quelques pages par ci, par là. En effet, le fait que ce soit une lecture imposée ne m'aide clairement pas à apprécier.

Les nombreuses digressions de Jacques, qui voulait originellement raconter son histoire d'amour, m'ont totalement perdue et c'est la raison pour laquelle j'ai complètement laissé le livre de côté pendant quelques temps, avant de le ranger de nouveau dans mes étagères.

Comme Jacques, qui n'a jamais fini de conter son histoire, je ne terminerais pas cet ouvrage.
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Ce n'est pas à mon goût.
Jacques et son maître devisent en chevauchant. Jacques, bavard, raconte des histoires qu'il a vécues, comme celle de Mme de la Pommeraye, qui manipule tout le monde pour se venger d'un amour contrarié, et d'autres histoires d'amour, et finalement, le maître raconte aussi la sienne.
.
Denis Diderot, moi qui t'aimais... Tu me déçois, mais tu me déçois ! Tu as créé "La Religieuse" qui est un petit bijou. Et là, je ne te reconnais pas. Un "classique" ???
Un classique est un artiste ou une oeuvre d'art qui fait autorité dans son domaine, qui est devenu une référence.
Quelle autorité ? Je n'ai eu que l'impression de perdre mon temps : des histoires qui s'emboîtent sans queue ni tête, des gens qui sont dans plusieurs histoires, on passe de l'une à l'autre sans présentation, comme du coq à l'âne... Bref, on s'y perd.
Et quelle leçon retenir de cela ? Je ne pense même pas que ce soit une provocation du lecteur, comme "Le bruit et la fureur" de William Faulkner.
Jacques, contrairement à la religieuse qui souffre plusieurs années et nous fait réfléchir sur les moeurs et les institutions religieuses, est un gai luron, enjoué. Insolent avec tout le monde et son pauvre maître, essaye de philosopher. Mais quelle philosophie retenir ? La philosophie de l'insolence est-elle une philosophie ? La philosophie contre l'honneur et le duel ? La philosophie de la fatalité ? Diderot a, je pense, raison d'associer la fatalité à celui qui écrit "le grand rouleau", là-haut, mais comme DD n'y croit pas trop, le truc tombe à l'eau.
Et décidément, j'ai du mal avec les dialogues, pourtant ceux de Pagnol sont succulents !
En outre, le style don quichotesque de la chevauchée m'a rappelé de mauvais souvenirs, ahem !
.
Heureusement, l'histoire finale entre Jacques et Denise est trop mignonne : )
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Ce Jacques le Fataliste me laisse une impression mitigée. D'un côté, le plaisir de parcourir l'oeuvre d'un esprit brillant, un génie du siècle des Lumières, Denis Diderot, dont le parcours, le travail, l'empreinte sur son temps, la trace dans l'Histoire, inclinent au respect et à la modestie ; la légèreté de son style malgré l'usage d'un français ancien, la facilité, l'humour, des échanges jubilatoires entre Jacques et son maître, qui inciteraient à l'éloge du roman. de l'autre côté, l'honnêteté intellectuelle, qui pousse à livrer un ressenti moins favorable quant à la construction de la narration. Elle bourgeonne de multiples branches qui finissent par faire perdre le fil et atténuent grandement la cohérence de l'ensemble. Et parmi ces ramifications, l'interpellation du lecteur. Elle m'a amusé au début, puis très vite, m'a lassé ; elle participe de ma perception brouillonne. Peut-être mon cerveau n'est-il pas à la hauteur du résultat que l'auteur escomptait produire chez le lecteur ?
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Un dialogue entre un maitre et son valet, prétexte astucieux pour parler des changements qui s'annoncent dans la société française. le monde change et Diderot le voit déjà l'annonce, la connaissance doit gouverner et non l'absolutisme...la naissance n'éclaire que sur l'origine non sur les compétences...Un plaisant moment de lecture..
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Cet ouvrage m'attendait depuis quelques mois maintenant, j'attendais en quelque sorte le « bon moment » pour l'aborder. de Diderot, j'ai lu la Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient ainsi que La religieuse que j'avais tous deux beaucoup aimé ; un peu partout j'ai pu lire que Jacques le Fataliste et son maître était son roman le plus abouti, le plus magistral ; à présent, ne connaissant pas l'intégralité de son oeuvre, je ne saurais prétendre à déclarer ce genre de choses, mais c'est un fait qu'il m'est permis d'affirmer non pour l'unique oeuvre de Diderot, mais bien pour l'intégralité des romans qui ont parcouru les contrées de mon esprit - sans s'octroyer la première place, mais il brigue aisément une situation dans les dix meilleurs. Jacques le Fataliste est en effet une oeuvre pleine de virtuosité, d'intelligence, et de génie.


Tout d'abord, il me semble important d'aborder cette lecture en ayant bien en tête que ce n'est pas un essai - pour le coup c'est assez évident -, mais que cela implique le fait que Diderot, en écrivant, ne cherche pas à convaincre son lecteur d'adopter cette philosophie déterministe. Il essaie juste de nous donner un aperçu de ce à quoi peut ressembler une bonne application existentielle de cette manière de penser ; et même si les démonstrations de Jacques à son maître peuvent en effet convaincre le lecteur, ce n'est pas l'objectif premier du roman - voire pas un objectif du tout. Parlons du roman intrinsèque pour commencer, sans évoquer immédiatement sa portée philosophique.
Combien de fois l'auteur-narrateur déclare-t-il « ceci n'est pas un roman » ! Et pour cause : j'ai appris, grâce aux excellents dossiers suivants l'oeuvre - éditions GF - que le roman au XVIIIème siècle était une sorte de « mauvais genre », non pas en tant qu'il n'était pas lu, au contraire, il n'avait jamais eu autant de succès ; mais en ce sens que l'on voyait le roman comme un mensonge sans intérêt et susceptible d'avoir une influence mauvaise sur les goûts et les moeurs de l'époque ; Diderot ne voulait ni être un menteur, ni pervertir son époque. Je n'ai pas lu La Nouvelle Héloïse, mais - toujours d'après les dossiers du livre -, Rousseau déclarerait dans la préface de cet ouvrage : « Il faut des spectacles dans les grandes villes, et des romans aux peuples corrompus. J'ai vu les moeurs de mon temps, et j'ai publié ces lettres. Que n'ai-je vécu dans un siècle où je dusse les jeter au feu ! ». C'est assez éloquent.
Quoiqu'il en soit, la théorie littéraire veut que Jacques le Fataliste soit un roman, alors Jacques le Fataliste roman sera - n'en déplaise à Diderot qui n'a de toute façon plus aucun moyen de le contester. Toute l'originalité vient de ce que l'auteur-narrateur interrompt constamment le déroulement des événements pour diverses raisons, nous dire que c'est bien lui qui décide de ce qu'il se passe et qu'en tant que lecteur nous en sommes totalement dépendants, nous remettre dans le contexte de l'histoire, etc. Cette manière qu'il a de nous interpeller régulièrement pour nous dire que c'est lui qui décide peut paraître agaçante, mais elle me semble très symbolique ; il ne cesse de déclarer des choses comme « Jacques et son maître peuvent faire ci, peuvent faire ça, c'est moi qui en décide » cependant que pendant tout le roman, Jacques s'évertue à déclarer que « tout ce qui nous arrive est écrit là-haut » et qu'il ne contrôle, de fait, rien. Un symbole donc, d'abord en ce sens que ce « là-haut », que l'on peut aisément considérer comme étant Dieu - ou tout autre force que vous pourrez nommer comme vous l'entendrez - pour nous, n'est autre que Diderot pour les protagonistes du roman, et ce dernier s'en amuse ; semblant par là oublier que la chose vaut finalement pour lui aussi, s'il semble décider du sort de ses personnages, une force plus puissante que lui décide de son propre sort - et il n'est pas assez stupide pour se croire au-dessus de ses personnages, il en a bien conscience, et c'est je pense la raison qui fait qu'il nous rabâche sans cesse cette contradiction apparemment inconsciente, comme pour se mettre en scène lui-même et l'humanité, tout orgueilleux que nous sommes à grands coups de « c'est moi qui décide », Diderot ironise et fait endosser ce rôle à un auteur-narrateur qui ne semble pas constater que les ficelles qui décident des actions de ses personnages dépassent ces derniers pour s'accrocher également à lui-même. C'est par ces invectives permanentes que ce roman peut être vu comme moderne, en effet, le XXème siècle s'est beaucoup évertuer à analyser la façon dont se fait un roman, mais il ne faut pas oublier le contexte et l'époque de la création de celui-ci.



Le précédent paragraphe qui voulait se limiter au pur roman n'a pu s'empêcher de déborder sur la philosophie qu'il contient, sans doute que les deux sont tellement entrelacés qu'il est impossible de les séparer. Parlons-en plus clairement de cette philosophie : elle semble toute entière provenir du capitaine de Jacques - qui n'est pas son maître - et qui « savait son Spinoza par coeur », là encore, plein d'ironie, Diderot se moque de ceux qui pensent que la philosophie n'est que le fait de se costumer d'un cadavre - comme les Aztèques qui, lors de cérémonie religieuse, sacrifiaient une enfant avant de revêtir certaines parties de son corps mort. La philosophie n'est pas une simple accumulation de connaissance : elle est création permanente. Elle ne peut pas se contenter de disséquer des morts - d'obtenir une parfaite connaissance d'une ou de plusieurs philosophies précédentes -, elle doit créer. Quoiqu'il en soit, selon Jacques et son capitaine, tout est nécessaire. Rien ne naît de rien, il n'y a pas de libre arbitre, « tout est écrit là-haut » sur « le grand rouleau » ; quant à savoir qui l'écrit, peu importe, ça ne modifie en rien le déterminisme total. Rien ne sert à Jacques de courir lorsqu'il est poursuivi par des voyous s'il n'en a pas envie : s'il doit s'en tirer, il s'en tirera ; sinon, rien ne sert de lutter, cela ne fera que le fatiguer. Une sorte de résignation joyeuse en résulte, si le capitaine de Jacques savait son Spinoza par coeur ; Diderot savait son stoïcisme, si ce n'est par coeur, en bonnes conditions.
L'auteur ne cherche pas à nous convaincre, mais il peut tout de même y arriver, puisque nous assistons souvent à une conversation entre le maître et Jacques qui, lui, souhaite convaincre son maître ! L'une des plus éloquentes démonstrations est la suivante et est connu de Jacques de par son capitaine : « si vous voulez librement, essayez de vouloir vous jeter de votre cheval à terre » ; le maître, tout orgueilleux qu'il est, déclare que, bien que ce ne soit pas une perspective des plus réjouissantes, il pourrait tout à fait le faire et donc le vouloir ; « mais mon maître, lui répond Jacques, vous ne voyez pas que sans ma contradiction et sans ce souhait de votre part de prouver votre liberté, il ne vous serait jamais venu à l'idée de vous jeter de votre cheval et de vous rompre le cou ? C'est donc moi qui vous prend par le pied, et qui vous jette hors de selle. Si votre chute prouve quelque chose, ce n'est donc pas que vous soyez libre, mais que vous êtes fou. » Il lui dira un peu après, toujours depuis cette même attitude provocatrice et hilarante, qu'il n'est ainsi pas libre de vouloir aimer une guenon. Les sentences pleuvent : on passe notre vie à vouloir sans faire ; et, peut-être plus important, à faire sans vouloir.
Ne lisez pas ce qui va suivre si vous souhaitez garder intacte l'intrigue romanesque, quoique le quatrième de couverture l'assassine déjà. L'autre modification passionnante qui a lieu, c'est ce rapport qu'entretiennent Jacques et son maître, si le maître peut se targuer d'avoir ce titre officiellement, dans les faits, c'est bien Jacques qui s'en réclame. Et ce en tant qu'il éduque ce « maître » à sa philosophie ; parce qu'il prend les décision la plupart du temps également. le maître, après que Jacques eut théorisé la chose, malin, déclare qu'il vaudrait mieux pour lui avoir la place de Jacques ; mais comme le dit ce dernier, en y prétendant, il renoncerait à son titre tout en ne pouvant pas y parvenir, parce que « ce n'est pas écrit là-haut »... Il devra donc bien s'en arranger, de cette ingrate position de maître, le pauvre ! En évoquant l'oeuvre il m'arrive souvent de la nommer en ces termes : Jacques le maître et - à ce moment là je me rends compte que ce n'est pas ça et je m'arrête. Mais au final, je pourrais continuer, car une fois achevé, le roman pourrait tout à fait s'appeler « Jacques le maître et son Fatalisme ».



Comme d'habitude, je suis bien insatisfait de cet écrit, j'ai le sentiment d'omettre le principal, ou l'important, à tout le moins... Mais qu'y peut-on, s'il est écrit là haut qu'en ma condition présente, à l'heure qu'il est et dans la situation où je me trouve, je ne ferais pas mieux, rien ne sert de me rebeller !
Bref, c'est l'oeuvre d'un virtuose que nous avons là, Diderot s'amuse des intrigues, du lecteur et de la philosophie comme personne, toute une partie de l'histoire de la philosophie prétend qu'un déterminisme total nous enveloppe tous dans sa puissance infinie, vous y souscrirez ou pas ; toujours est-il que Jacques y a souscrit et qu'il est sans doute le héros qui illustre le mieux cette manière de pensée - le plus puissant personnage conceptuel du déterminisme, comme aurait pu dire Deleuze. A lire donc absolument, même si c'est pour vous en démarquer, ceux que la philosophie n'intéressent pas, aussi fous soient-ils, devraient également se satisfaire d'un tel ouvrage, car il dépasse de beaucoup la discipline qui le permet ; au-delà du « roman philosophique », nous avons là en effet un excellent roman.
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C'est un livre que j'ai lu au lycée et qui m'a beaucoup amusé parce que j'ai adoré la manière dont Diderot joue avec nous, lecteurs.
Il narre l'histoire, on est dedans, puis, en plein milieu il s'arrête et nous dit ce que j'interprète comme un: "Bon, je continuerai de vous en parler plus tard, après tout, ce n'est qu'un livre, hein !" et l'histoire reprend, mais pas la suite qu'on attendait !
Gros pavé mais gros coup de coeur !
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Encore ici un classique de la littérature française. La lecture en elle-même est un peu lourde mais on se laisse facilement emporté par toutes les digressions qui sont autant de petites histoire au sein d'un ensemble plus global.
Pour le coup c'est un roman beaucoup plus agréable à étudier qu'à lire en tant que tel
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C'est l'un des livres préférés de ma fille et elle me l'a offert il y a un certain temps. je me suis plongée dans cette lecture, chevauchant sur les routes de France avec Jacques le Fataliste et son maître. Alors, que vous dire. J'ai souvent été irritée, agacée au point d'abandonner ma lecture. Mais j'étais intriguée et mon opiniâtreté a payé. Ne me demandez pas de faire une analyse de ce roman ou conte, ce n'est pas de mon niveau. Juste un petit avis d'une lectrice lambda. Il m'a fallu prendre le temps de lire ce livre, de la patience car je perdais souvent le fil. Beaucoup de digressions, trop pour moi. Et pour faciliter ma lecture, Diderot nous interpelle " lecteur, causons ensemble "! D'accord, mais pas longtemps car je ne sais plus où j'en suis !
Une lecture déconcertante, déroutante. Et comme cela était écrit là-haut, je l'ai lu et je l'ai aimé.
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