Selon son propre auteur,
Denis Diderot, le roman "
La Religieuse" est une « effrayante satire des couvents ». Autant dire que le célèbre encyclopédiste emploie ici toute la force de sa plume pour nous dresser un tableau accablant des « maisons closes » tant répandues en France et en Europe en plein siècle des Lumières. Tout s'oppose effectivement entre la pensée libérale de
Diderot et les rigoureux principes de ces mystérieux cloîtres. Il n'est donc pas étonnant qu'il se soit appliqué à composer une oeuvre pour y dénoncer les abus et les horreurs issues de l'organisation même de ces systèmes oppressifs, surtout quand on sait que sa propre soeur y fut internée et y perdit la raison puis la vie.
Un concours de circonstances lui permit de se lancer dans l'entreprise sous forme de lettres écrites à un ami, le marquis de Croismare, par une certaine soeur Marguerite Delamarre, véritable religieuse ayant voulu rompre ses voeux pour retrouver sa liberté. L'ami mystifié se prit si bien au jeu que
Diderot fût contraint, au fur et à mesure que la correspondance se prolongeait, de donner corps à cette jeune nonne désespérée par la vie des couvents. (Toute cette histoire est très bien expliquée dans la préface de
Claire Jaquier).
Diderot donne donc voix à son roman par l'intermédiaire de la jeune soeur Suzanne Simonin composant une sorte de journal intime rédigé afin de mettre à jour tous les vices cachés derrières les noires murailles de communautés soi-disant vouées à Dieu : tortures, supplices, extorsions et harcèlements. La tableau dressé par la narratrice montre des individus rendus fous par la claustration et les privations, les seuls personnages sensés étant ceux bénéficiant de leur liberté.
Diderot réussit à peindre une soeur n'agissant que sous le moteur de la raison, rendant les différentes mères supérieures qu'elle rencontre totalement déconcertées, car elle les confronte à l'inanité de leur prières et de leur vie. Tout ce qu'elles font n'a alors plus de sens.
Suzanne Simonin étant la négation même de Dieu.