Citations sur Kérozène (143)
Je crois qu'elle s'était prise d'affection pour moi. Au moment de payer, elle disait toujours à ma patronne : « Vous avez de la chance de l'avoir, c'est une gentille fille, bien propre ». Je me sentais comme un épagneul breton qu'on caresse entre les oreilles.
Quand il avait commencé à se plaindre, Chelly s’était demandé pourquoi il ne changeait pas de métier, puis elle avait compris que Nicolas aimait ça, se plaindre. Elle l’avait décelé dans sa façon de raconter ses journées : il ménageait ses effets, se soulageait de ses ressentiments avec le plaisir béat d’un nourrisson qui remplit sa couche.
Ici, je dois recontextualiser plusieurs choses. D’abord, je n’aime pas le mot « baiser », je préfère « faire l’amour ». Ensuite, j’aime bien tout ce qui vient avant l’acte sexuel : le verre, le dîner, la tension, tous les petits signes qu’on s’envoie pour se dire qu’on a envie, la peur de se prendre un râteau, le soulagement du premier baiser, tout ça j’adore.
Et puis j’aime bien prendre mon temps.
Et puis je n’aime pas beaucoup qu’on me prenne pour un engin de fitness.
En matière d’immeubles moches, la côte belge pouvait prétendre à un titre mondial.
La télé était à Julianne ce que le feu de camp devait être aux hommes primitifs. Elle éloignait les ténèbres, réchauffait son corps et la protégeait des prédateurs. Lorsqu'elle l'éteignait, l'obscurité et la solitude la frappaient. Un uppercut dans le bas du ventre qui distillait sa petite dose de déprime quotidienne. Pour adoucir le choc, elle baissait d'abord progressivement le volume. Et elle parlait à Bidule.
"--Il a mis le lubrifiant, j'ai pensé chlamydias, il est entré en moi, j'ai pensé syphilis, son sexe a glissé dans le sperme des autres, j'ai pensé gonorrhés, il a fait quelques allers retours j'ai pensé hépatite, la chaleur est montée j'ai pensé blennorragie, mon sexe s'est tendu ,j'ai pensé verrue génitale, la tension a explosé, j'ai pensé H.I.V. mon corps a convulsé, j'ai hurlé, j'ai joui. Il était 7h.04."(Page 168)
Ps: Rassurez-vous ,ce n'est pas du porno,il faut juste remettre cet extrait dans le contexte.
Elle m'a parlé de son fils, Olivier. Un gynécologue, comme elle et comme Roger [son mari]. Elle m'a proposé de venir déjeuner chez eux un dimanche. (...)
J'ai sonné. C'est Roger qui a ouvert. Avant de me saluer, il a crié à [sa femme] à l'intérieur : 'Oh ! t'avais raison Marie, elle est magnifique !'
Il m'a fait un clin d'oeil et m'a invitée à le suivre. Le hall d'entrée était lumineux. Une immense vitrine courait sur toute la longueur du mur.
'C'est ma collection de spéculums. C'est beau, hein ? Regardez, celui-là il date de l'époque gréco-romaine, il est en cuivre et en étain. Ce sont des matériaux fragiles, parfois ils cassaient pendant l'examen, paf, dans le vagin, ah ah ! Vous avez un bon gynécologue ?'
Je ne savais pas si je devais répondre à cette question.
Je crois bien qu'elle s'était prise d'affection pour moi. Au moment de payer, elle disait toujours à ma patronne : "Vous avez de la chance de l'avoir, c'est une gentille fille, bien propre." Je me sentais comme un épagneul breton qu'on caresse entre les oreilles.
J'aime la nuit. Pas parce que l'obscurité dissimule le contour des choses et qu'elle dilue les âmes, abolissant les frontières entre l'être et le néant, ou tous ces trucs pseudo-poétiques à la con. J'aime la nuit. Point. C'est comme ça.
Elle, elle n'avait rien demandé. Rien. Bordel.
Le jour de sa conception, il avait dû y avoir une erreur dans la marche de l'univers. Quelque part dans la mécanique cosmique parfaitement huilée un rouage avait eu un petit raté. Une éjaculation intempestive, un spermatozoïde trop résistant, une molécule contraceptive défaillante et la voilà, Julianne, l'erreur.
Parfois elle se dit que c'est sans doute à cause de cette défaillance, par effet papillon, que le monde va si mal.
[...]
Ça a commencé il y a trente-huit ans, le bug de sa conception a provoqué d'autres bugs, qui en ont généré à leur tour de manière exponentielle, ça s'est emballé jusqu'à cette nuit, jusqu'à maintenant.