Un air qui vous soupèse, qui vous déshabille, qui calcule votre rapport taille/hanches et qui évalue votre potentiel reproductif. Un air qui vous transforme en jument.
L'avantage de la tempête, c'est qu'elle balayait aussi les odeurs. La marée était basse et je me suis décidée de marcher jusqu'à la première petite étendue d'eau que la mer avait oubliée là.
J'ai enlevé mes chaussures. Mes orteils aux ongles à moitié couverts d'un vernis rouge écaillés se sont enfoncés dans le sable mou.
"Elle s'était souvenue des Détraqueurs dans Harry Potter, ces créatures fantomatiques qui se nourrissent du bonheur des gens, les vidant de toute pensée positive, de toute énergie vitale"
La télé était à Julianne ce que le feu de camp devait être aux hommes primitifs. Elle éloignait les ténèbres, réchauffait son corps et la protégeait des prédateurs. Lorsqu’elle l’éteignait, l’obscurité et la solitude la frappaient. Un uppercut dans le bas du ventre qui distillait sa petite dose de déprime quotidienne. Pour adoucir le choc, elle baissait d’abord progressivement le volume. Et elle parlait à Bidule.
Parfois, la nuit, je suis réveillé par l'odeur du sang. Et la sensation des chairs visqueuses autour de mes sabots. Et puis d'autres souvenirs plus lointains. Les campanules sur les murs de pierre qui sillonnaient la lande brumeuse. Le carillon de l'église, quand le vent soufflait à l'est. L'herbe grasse légèrement salée du printemps. Et la promesse dans les yeux d'Avril.
Le jour de sa conception, il avait dû y avoir une erreur dans la marche de l'univers. Quelque part dans la mécanique cosmique bien huilée, un rouage avait eu un petit raté. Une éjaculation intempestive, un spermatozoïde trop résistant, une molécule contraceptive défaillante et la voilà, Julianne, l'erreur.
J'avais sept ans et les adultes disaient "l'été s'en va", " le printemps arrive", alors je croyais que les saisons étaient des personnes. Des sorciers, ou des créatures magiques qui venaient vivre ici quelques temps, puis s'en allaient. Des créatures si puissantes qu'elles emportaient leur chaleur ou leur neige avec elles.
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Ici, je dois recontextualiser plusieurs choses. D'abord, je n'aime pas le mot "baiser", je préfère "faire l'amour". Ensuite, j'aime bien tout ce qui vient avant l'acte sexuel : le verre, le dîner, la tension, tous les petits signes qu'on s'envoie pour se dire qu'on a envie, la peur de se prendre un râteau, le soulagement du premier baiser, tout ça j'adore.
Et puis j'aime bien prendre mon temps.
T'es en couple, tu fais l'amour. C'est comme ça.
Si tu le fais pas, ça devient un truc bizarre, un problème qu'il faudra gérer à terme,
23 h 12. Une station-service le long de l’autoroute, une nuit d’été. Si on compte le cheval mais qu’on exclut le cadavre, quatorze personnes sont présentes à cette heure précise.
Quelqu’un crie : « Madame ! » Une vieille enjambe le garde-fou et murmure pour elle-même : « Désolée, chaton. » La femme qui a crié s’appelle Julianne. Alertés, les autres lèvent la tête. Alika, assise sur un banc juste à côté d’elle. Victoire, une jeune femme au crâne rasé en train de faire le plein d’un petit SUV. Short court, jambes longues, combat shoes. Plus loin, sur le parking, Joseph, l’air d’un bon gars, grand, les épaules voûtées dans une chemise trempée de sueur. La seule qui n’a pas l’attention attirée vers la vieille c’est Gigi, trop occupée à vomir sur les pneus de sa 911. À quelques mètres d’elle, Juliette s’allume une clope, sous un panneau de sécurité routière. Elle tient la caisse de la station-service, avec Sébastien.
Juliette a remarqué la vieille quand elle est arrivée, une vingtaine de minutes plus tôt. Elle était seule. Après avoir fureté entre les rayonnages, elle s’est approchée du comptoir.
« Vous avez du gin ?
— Ah non, on ne vend pas d’alcool.
— Mais vous avez de la bière ? »
(Incipit)