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3,7

sur 1042 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dans un chalet au bord d'un lac, la narratrice et son amant (M) se retrouvent en secret, l'amant subit une crise cardiaque et laisse sa maitresse au bord de l'effroi. Cette dernière, sous le choc, ne veut pas quitter son défunt amant, elle l'emmène avec elle dans sa voiture au bord de l'implosion tout en clandestinité. Elle écrit une lettre à son épouse pour expliquer son choix, pour expliquer son amour infini pour M. Recèle de cadavre, la narratrice nous décrit son parcours amoureux auprès de cet homme marié. Leur coup de foudre, l'évidence de cette relation adultérine. L'héroïne, mère d'une petite fille de sa précédente relation, tombe sous le charme de ce quarantenaire. Elle quitte tout et se lance à corps perdu dans une relation sans promesse, sans lendemains définis. Elle accepte l'amour et la tendresse que son amant ressent pour son épouse, elle explique son besoin de solitude, son refus de subordination dans une relation où tout le monde se mélange, une relation comme madame et monsieur tout le monde, elle accepte le manque, l'absence. Cela devient sa raison de vivre. Elle attend son amant. A son décès, l'héroïne perd toute raison et M, mort devient une obsession.

Adeline Dieudonné nous livre ici un roman épatant sur les lignes d'une histoire d'amour hors norme, où l'amour ne se commande pas, où les choix semblent impossibles. Peut-on aimer deux femmes en même temps? Peut-on se satisfaire d'une histoire à mi temps? Roman à la fois sociologique et psychologique, Reste marque les esprits torturés. Les scènes en huit clos s'impriment et ne s'oublient pas. On frissonne devant cette double décomposition, autant du mort que de cette femme qui ne peut se résoudre à quitter son amant, à le rendre à son épouse. Des flashs musicaux accompagnent ces jours d'angoisse, d'amour impossible. Des passages par dizaine résonnent, cognent, nous font arrêter la lecture pour en savourer toute la puissance narrative et introspective.

L'épilogue est une pure merveille, comme ces scènes dramatiques et tragiques d'un western américain.
Comment peut finir une telle histoire ? Seule l'autrice à l'écriture singulière en détient la réponse. On reconnait la patte d'Adeline bien évidemment. Son attrait pour le monde animal est toujours omniprésent dès les premières pages, son humour, sa finesse, sa grandiloquence narrative, c'est Adeline Dieudonné, c'est elle, sans fausse note, sans lourdeur, sans temps mort. On avale les pages de ce dernier roman, Reste sans voir le temps défiler. On tremble, on comprend qu'il est possible d'aimer autrement, d'aimer un homme qui n'est pas libre, de l'accepter sans rien attendre, de tout prendre quand il est là, tout donner, tout graver dans sa mémoire, sur sa peau, sur son coeur.

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Elle s'est fait un nom dès la parution de son premier roman, La Vraie vie. Adeline Dieudonné confirme son talent avec ce troisième ouvrage, bien différent des deux précédents.

Le sujet est particulier, puisqu'il s'agit du road-novel d'une jeune femme dont le séjour clandestin avec son amant tourne au drame : l'amant décède brutalement. La douleur et la soudaineté de ce drame l'entraîne sur une voie dangereuse et macabre. Plutôt que de recourir à un appel à l'aide, elle embarque le cadavre dans sa voiture.
Chemin faisant, elle rédige deux lettres destinées à l'épouse légitime de l'homme avec lequel elle partageait depuis quelques temps des moments volés.

La douleur peut engendrer la folie, ce que démontre ce roman. Mais il ne s'agit pas uniquement de cela, on trouve dans les lettres l'expression d'un amour intense et inconditionnel. Et la volonté de faire durer le plus longtemps possible ce lien puissant, dont il ne reste que le contact de plus en plus difficile avec la dépouille inerte.

Loin d'être morbide, le roman se tient à ce fil fragile et dont on comprend que le temps viendra détruire cette tentative désespérée de figer les choses.

Avec une écriture toujours aussi percutante, Adeline Dieudonné m'a une troisième fois embarquée dans son univers romanesque original et abouti.

282 pages Iconoclaste 6 avril 2023

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Ce livre, je n'étais pas vraiment sûre de vouloir le lire, je le pensais éloigné de mes goûts littéraires. Pourquoi ? Parce que je n'aime pas trop les romans d'amour.
J'avais également peur du thème sur le décès de l'être aimé. Mais Magali (@Ladybirdy) a su me convaincre et puis, j'avais vraiment aimé un des romans précédents de l'autrice, « La vraie vie ». Je me souviens du malaise que j'avais ressenti. Il en faut du talent pour faire ressentir de telles sensations !

Ce roman-ci aussi, dans une certaine mesure, m'a troublée, dérangée, mais aussi emportée à l'autre bout du monde par la force émotionnelle du récit.

*
Le jour se lève. La lumière de l'aube dessine, sur un paysage lacustre de haute montagne, un sentiment de solitude, de vide, d'isolement.
De la couverture, du titre « Reste », retentit en moi un cri silencieux qui rebondit sur les parois de la montagne et se perd, se noie sur la surface bleutée et froide du lac. C'est ce ma première impression au moment de débuter ce récit.

La narratrice passe quelques jours privilégiés avec son amant M dans un chalet au bord d'un magnifique lac de montagne. C'est le matin, elle se lève tranquillement, le corps encore engourdi de sommeil et d'amour. M est parti nager, comme chaque matin.

« J'avance seule dans le brouillard
C'est décidé ça y est, je pars
Je m'en vais
À l'autre bout du monde »

Son regard se pose sur le lac, froid, bleu acier, sans aucune ridule pour l'apercevoir en train de nager. Elle remarque alors une forme inhabituelle à fleur d'eau, inerte, sombre. Elle met quelques instants à réaliser l'impensable.
M est mort.

« J'arrive sur les berges d'une rivière
Une voix m'appelle puis se perd
C'est ta voix
À l'autre bout du monde »

C'est un choc, un électrochoc. Quelque chose se brise en elle. Elle se sent seule, perdue, personne pour lui venir en aide, la soutenir, lui dire quoi faire. Et puis, elle ne veut pas que des inconnus le touchent, s'occupent de lui, le lui prennent, l'emportent loin d'elle. Elle ne peut se résoudre à être dépossédée de sa présence, de sa mort. Elle ne veut pas rendre le corps à la famille, pas tout de suite.

« Ta voix qui me dit mon trésor
Tout ce temps, je n'étais pas mort
Je vivais
À l'autre bout du monde »

Elle a besoin de temps pour accepter son décès, lui dire au revoir, le laisser partir, faire son deuil. Alors elle le sort de l'eau, le rentre dans la maison et elle décide de le garder pour elle quelques heures.
Quelques jours…

« Sur la rivière il pleut de l'or
Entre mes bras je serre ton corps
Tu es là
À l'autre bout du monde »

Mais elle ne veut pas que son épouse s'inquiète de ne pas le voir rentrer, alors elle lui écrit une lettre pour l'informer de son décès. Parfois, j'ai eu l'impression que l'épouse s'effaçait, et que la narratrice me parlait de sa vie, de sa relation avec les autres, avec M.
Au départ, j'ai été glacée par ce récit sous la forme d'un long monologue : il m'a paru froid et distant comme le bleu minéral de ce lac. Et puis, j'ai perçu petit à petit, combien les apparences étaient trompeuses. C'est au contraire une lettre qui se veut douce et aimante, une lettre pour dire combien M lui était précieux.

Et en écrivant, son esprit s'égare sur les rives du temps, remonte le cours de son histoire.

« M. m'avait appris à prendre ma place, à prendre forme. Avant lui j'étais une matière molle, presque liquide, qui s'ajustait aux nécessités de l'autre.
En m'interrogeant continuellement sur mes besoins, il m'avait appris à m'y intéresser, à les autoriser. À m'autoriser. Il me laissait de l'espace sans laisser de vide. Je me suis solidifiée à son contact, un noyau s'est formé au centre de la matière molle. »

Sa réaction m'a paru étrange, décalée, je me suis demandée si elle n'était pas partie dans un autre monde, un espace intérieur qui se libèrerait d'une trop grande souffrance, d'un trop grand vide.
M est présent dans chaque mot, dans chaque respiration, on ressent de plein fouet cet amour qui déborde de chaque ligne du texte.

« Je te rejoins quand je m'endors
Mais je veux te revoir encore
Où est-il
L'autre bout du monde »

*
L'autrice a écrit ce roman en écoutant de la musique. J'ai ressenti un rythme, une musicalité des mots qui m'ont enveloppée et accompagnée tout du long.
Parmi les titres que l'on trouve à la fin du livre, se trouve un titre qui a ma préférence, c'est « A l'autre bout du monde » d'Emilie Loizeau. Les paroles de cette chanson ont résonné dans ma tête tout du long de ce récit, mélange de rêves et d'espoir, de souvenirs et de tristesse, de solitude et de douleur.

Le texte est très beau et prévenant, introspectif et profond, d'une justesse incroyable, sans pathos ni larmes. Certains passages sont difficiles à lire, mais magnifiques par l'entièreté de cet amour. Des mots reviennent, silence, mensonge. Et avec ce silence, une impression de claustrophobie, d'étouffement.
Alors bien sûr, dans ce roman, il va être question du temps qui passe et des souvenirs, de la fragilité de l'amour, de l'acceptation de la mort et du deuil.

J'ai aimé le ton qui s'affranchit des normes et des contraintes sociales, de la bienséance, du politiquement correct. Adeline Dieudonné n'a pas son pareil pour parler en toute franchise de la réalité des femmes, des mères et des épouses. Ainsi, elle aborde également la place des femmes dans la société et les relations entre hommes et femmes.

*
Pour conclure, « Reste » est un roman épistolaire parfaitement maîtrisé, un livre sensible et marquant qu'il est difficile de lâcher. Je l'ai lu quasiment d'une traite, me retrouvant littéralement en apnée, impatiente de découvrir comment l'autrice allait conclure ce récit.
Une belle surprise qui m'a poussée à lire à la suite « Kérozène ».
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DÉLICIEUSEMENT ENVOÛTANT ! ❤️‍🔥

"Je ne veux pas qu'il s'en aille. Je ne veux pas qu'on me le prenne"
Deux simples phrases qui résument merveilleusement bien ce roman.

Dans un chalet au milieu des montagnes, une femme et son amant se retrouvent en secret. Ils vivent une vraie parenthèse hors du temps quand l'amoureux succombe d'une crise cardiaque. La narratrice se retrouve seule avec le corps sans vie de son amant. Elle décide contre tout logique et rationalité de garder le corps pour elle et de ne rien dire à personne... Et pour surmonter la douleur elle commence à écrire des lettres à l'épouse pour lui raconter cette histoire d'amour infidèle.

Ah quel bonheur de retrouver la plume d'Adeline Dieudonné ! Après l'incroyable "La vraie vie" et le déjanté "Kérosène", elle nous livre une nouvelle fois un roman qui sort des sentiers battus. Clairement cette autrice se permet de tout écrire, et qu'est ce que c'est délicieux.

Reste. Une histoire aussi improbable que crédible.
Reste. Une réaction aussi invraisemblable que compréhensible. Totalement tordue et normale à la fois.
Quel crime y aurait-il à refuser que d'autres posent leurs mains sur le corps de l'être aimé?
Et si tout le monde pense qu'il est encore vivant, alors il l'est sans doute encore un peu.

Reste. Un cri du coeur, un cri du corps d'une femme, d'une épouse, d'une mère.
Reste. Me laisse pas... on était si bien toi & moi.

En fil conducteur de ce roman étonnant, la vie de couple. Auprès du corps froid de l'amoureux, le passé refait surface. Ceux qui ont abusé d'elle, ceux qu'elle a aimés, et toutes ces rencontres plus ou moins belles jusqu'à cet amant qui l'a révélée. Cette relation si belle, si normale, si apaisante et apaisée. Elle lui doit le plus beau des hommages, la plus belle des sépultures, désormais.

Je crois que ce roman ne plaira pas à tout le monde, mais moi j'ai adoré. C'était bouleversant, percutant, envoûtant. Un roman qui ne peut laisser indifférent, et c'est ce que j'aime tant dans la littérature.

Je recommande absolument ! ✨️🫶



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« Reste » est le nouveau roman de Adeline Dieudonné. le premier « La vraie vie » paru en 2018 avait défrayé la chronique tant ce roman était émotionnellement chargé. « Reste » est de cet acabit. Dérangeant certes, mais abordant des thématiques très actuelles. Je pourrais même dire que « Reste » est un texte féministe, mais pas un féminisme enragé et révolté, un féminisme éclairé et raisonné.

« Reste » raconte l'histoire d'une femme qui retrouve son amant noyé dans le lac où il allait nager régulièrement. « Est-ce que M. s'est rendu compte qu'il se noyait ? Ou était-il inconscient quand c'est arrivé ? Est-ce qu'il s'est noyé parce que son coeur s'est arrêté ou est-ce que son coeur s'est arrêté parce qu'il s'est noyé ? ». Depuis 8 ans, ils se voyaient en cachette. Lui était marié, elle non. Entre eux, pas de vie de couple, pas d'obligations, pas de compromis, pas de promesses inutiles. Ensemble, ils ont simplement profité du temps qui leur était offert. La beauté de l'instant présent. La mort de M. est comme un coup de taser qui fait dérailler le cerveau de la narratrice. Il lui faut encore un peu de temps pour lui dire au revoir, encore un peu de temps pour imprimer son odeur dans ses souvenirs, encore un peu de temps pour se souvenir des contours de son anatomie. Elle décide de ne pas « rendre » le corps, de ne pas signaler son décès sauf à sa femme à qui elle écrit une lettre.

« Reste » est un récit d'à peine 276 pages et pourtant, le nombre de thématiques abordées par Adeline Dieudonné est impressionnant. La façon dont elle dit les choses, sans fioritures, grâce à une écriture qui va « à l'os » des émotions, à l'origine des problématiques est spectaculaire de maturité. Elle aborde sans ambages ce qu'est être une femme, une maîtresse et une mère aujourd'hui. Je peux vous dire que cela décoiffe et que cette liberté de ton fait un bien immense ! Dans cette période où « le politiquement correct » est de mise et où les « senseurs de la pensée » font loi, que c'est jubilatoire de lire un texte qui s'embarrasse si peu des conventions sociales ! C'est comme si elle réglait ses comptes avec certaines idées bien pensantes sur le fait d'être fille, d'être mère, d'être femme, d'être amante et le poids que la société fait porter sur chacune d'elles.

La mère d'abord, puisque la narratrice S. est maman. Avant d'être la maîtresse de M. elle a vécu d'autres vies. Voilà par exemple ce qu'elle dit sur la période post-accouchement et le fameux congé de maternité. « J'emmerde le post-partum. J'emmerde les hormones. Si on avait inversé les rôles, si Romain avait dû prendre ma place, il aurait aussi fini à moitié dingue. On nous vend ça comme les plus belles semaines de notre vie, on appelle ça un “congé”, veinardes que nous sommes. Et moi j'y avais cru. J'avais imaginé des journées à ronronner, l'enfant tendrement endormi dans son couffin en osier, le soleil oblique éclaboussant un plaid en cachemire blanc, l'odeur de la lessive fraîche, moi m'abandonnant aux oeuvres complètes de Dostoïevski en écoutant Bach. Mon cul. » Comment te dire Adeline que je suis tellement d'accord avec toi !! Une belle arnaque ce truc-là !

Si « Reste » relate une histoire d'amour qui se termine subitement, le roman décortique également les précédentes relations de la narratrice pour marquer toutes les différences entre cette histoire là, précieuse, irremplaçable et toutes les autres. Ainsi, par le biais de sa narratrice, Adeline Dieudonné explore le statut de femme. La lucide : « Je ne pense pas qu'on m'ait appris à me taire. Simplement, on ne m'a pas appris à parler. Et on m'a dissuadée d'essayer. J'ai compris très tôt que pour être aimée des hommes il fallait éviter de leur prendre la tête, éviter d'être une chieuse, une grande gueule, une mégère. » Celle qui se protège face à la brutalité masculine : « Ici l'homme plus grand, plus large, plus lourd n'a pas écouté. Il avait entendu, sans aucun doute possible, mais il n'a pas écouté. Ce n'était plus un homme que je sentais contre moi et en moi mais une masse de muscles furieux. Un sanglier. C'est là que j'ai commencé à avoir peur. J'ai pensé : “On peut raisonner un homme, pas un sanglier.” » Celle qui déforme la réalité pour survivre : « Aussi, c'était une façon de ne pas en faire un salaud. Si ça n'est pas grave, c'est qu'il ne s'est rien passé. S'il ne s'est rien passé, le sanglier n'existe pas. C'est fou le pouvoir que j'ai. Si je décide qu'il ne m'a pas violée, le viol n'a pas eu lieu. C'est magique. Pas de douleur, donc pas de victime, donc pas de crime. Circulez. » Car dans une seule femme, il y a de multiples autres femmes qui se rencontrent, qui s'éteignent pour laisser la place à d'autres, qui évoluent et raisonnent… et qui meurent parfois.

Au début de la lecture de « Reste », j'ai été saisie par la froideur de l'écriture. Parler d'amour fou avec tant de détachement et si peu de mots m'apparaissaient être un échec. L'écriture était aussi glaciale que le corps sans vie de M. C'était finalement assez logique. Les émotions arrivent quand la narratrice raconte leur histoire en la comparant aux autres vécues et terminées. Par opposition au cynisme de certains passages, le lecteur parvient à ressentir l'amour pour cet homme et à l'imaginer s'épanouir. « La vie de couple, on croit que ce n'est que de l'amour, mais je voudrais avoir accès aux pensées intimes de tous les couples du monde, spécialement ceux qui ont des bébés, même quand ils s'aiment, même quand tout va bien, je suis prête à parier mon clito qu'ils ont tous ces pensées, qu'ils confinent tous à une forme de détestation de l'autre à un moment. »

« Reste » est une injonction, un cri, une supplication… « Je ne t'ai sans doute pas assez remercié, mon amour. On oublie toujours de dire merci, on dit “je t'aime” et on croit que ça suffit. Alors merci, pour tout ce que tu sais déjà, pour m'avoir aidée à réaliser que j'étais autre chose qu'une fille sexy en short, merci d'avoir aimé mes muscles, ma force, mon agressivité, d'avoir ri à mes blagues pas drôles, respecté mon besoin de solitude, merci de m'avoir embrassée en pleine rue, merci pour le cul qu'on a réappris ensemble. Merci pour ta fragilité. Merci d'avoir accepté de te débarrasser avec moi des artifices à la con du manège amoureux, la jalousie, la possession, les preuves à brandir, merci de m'avoir vue comme une alliée, pas comme une adversaire, merci d'être devenu mon meilleur ami. Au revoir, mon amour. »

« Reste » est un roman d'une extrême densité psychologique aux thématiques multiples qui fait réfléchir sur la place des femmes dans la société, sur leurs rapports avec les hommes, sur les frustrations engendrées par ce sexe féminin parfois si difficile à porter. Pour aborder ces situations, Adeline Dieudonné a créé un contexte très dérangeant, une amante qui conserve le corps mort de son homme, qui le voit se décomposer, changer, se métamorphoser. Exprimer autant d'émotions et autant d'idées en si peu de pages relève soit de la folie, soit du génie. Je penche pour le génie. « Reste » est un récit atypique, une beauté noire de coeur de femme. Magistral !
Lien : http://aude-bouquine.com/202..
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J'ai fermé ce livre hier soir. Très étrange et dérangeant. Adeline Dieudonné n'a jamais peur de nous déranger !
Blottis dans un chalet,deux amants s'aiment à l'abri des regards. M.(c'est la première lettre du prénom de l'homme) est allé nager au petit matin dans le lac de montagne, à côté du chalet. Quand la femme se réveille elle est surprise qu'il ne soit pas revenu. C'est en préparant le petit déjeuner qu'elle aperçoit le corps de M. inerte dans l'eau. Elle se précipite, le sort de l'eau. Elle sait qu'il est mort mais ne veut pas y croire. Elle le transporte jusqu'au chalet, le lave à l'eau chaude parce qu'il est sale et froid. Elle l'allonge dans le lit et dort deux nuits près de lui sans prévenir personne. Elle commence à écrire à la femme de M. . Elle lui raconte leur amour tout en lui affirmant qu'il l'aimait encore elle aussi.
Au matin elle l'habille et elle va le trimballer dans sa voiture plusieurs jours. On suit ce trajet fou d'une femme qui voit son amant changer de couleur, d'odeur, commencer à se putrifier.
Et à un certain moment j'ai pensé que je risquais de ne plus supporter !
Mais Adeline Dieudonné sait écrire et elle le fait bien...j'ai continué.
Durant ce voyage mortuaire la femme écrit à l'épouse.
Elle lui raconte sa vie, les hommes avec qui elle a vaincu. Ils l'ont toujours mise à la place de la belle fille au beau cul, du ventre susceptible de leur faire un enfant, de celle incapable de vivre sans eux. Pendant des années elle a pensé qu'une femme ne pouvait être aimée qu'à une condition : se taire et tout accepter.
Un jour M. rentre dans sa vie, timide à 40 ans comme un adolescent. Ils se sont aimés passionnément. Elle explique à l'épouse qu'elle ne voulait pas que M. la quitte, elle voulait rester juste l'amante.
Elle écrit : " Je fais le deuil de lui depuis le début. Je n'ai rien à regretter, je n'ai pas gaspiller une seconde. Je crois qu'on ne s'aime vraiment qu'à l'ombre de la mort."
Il y a dans ce livre des passages très beaux où deux êtres s'aiment sans jamais se faire de mal, en profitant pleinement de chaque instant, au lit, dans la rue et même en cuisinant ...!
Ils ont tout fait avec amour pendant huit ans.
Décidément j'aime cette auteure qui sait si bien comment nous bouleverser profondément.
Merci à celui qui me l'a fait connaître en me faisant lire " La vraie vie"...
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M. est son amant depuis de nombreuses années, M. est devenu son meilleur ami et son unique raison d'exister...
Quand elle le retrouve mort, noyé au milieu du lac, qui fut leur lieu privilégié pour leurs moments à deux, elle ne peut se résoudre à l'abandonner et décide qu'il reste avec elle...
Elle décide alors d'écrire à la femme de M., façon pour elle, de se dédouaner un petit peu de la folie de la situation...
Être dans la peau de la maîtresse, celle qui ,mine de rien, provoque la destruction d'une relation, n'est pas le plus coutumier pour un roman...
Un roman au scénario original, ce qui est devenu une habitude avec l'auteure, aucun de ses livres ne se ressemblant...
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Magnifique, prenant, tragique, effrayant… Tellement d'adjectifs pourraient décrire cette lecture que j'ai dévorée. Je connaissais la trame centrale avant de lire ce roman: une femme passe un week-end avec son amant. Il meurt d'une crise cardiaque, mais elle ne veut pas le quitter, le rendre à sa femme légitime, elle reste donc avec lui. Mais il y a tellement plus que ça dans ce roman ! Cette femme décide d'écrire une lettre (puis une deuxième) à l'épouse de son amant, pour lui expliquer ce qui s'est passé. Ce sont ces lettres qui constituent le récit. Et on y découvre non seulement la succession d'événements qui ont suivi la mort de M., l'amant, mais également le passé de la narratrice, ce qui l'a conduite à ces dernières journées terribles. J'ai adoré.
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Un triangle amoureux classique: la maitresse, l'homme et l'épouse. A ceci près que l'homme est mort et que la maitresse, incapable de se séparer de lui, le garde jalousement à ses côtés dans le chalet qui abritait leurs escapades depuis huit ans. Pour exorciser le drame, pour expliquer, pour comprendre, elle rédige deux longues lettres à destination de l'épouse. Dans ses missives, elle revient sur la relation avec son amant mais aussi sur son statut de femme, de compagne et de mère.

L'introspection à laquelle se livre la narratrice a résonné pour moi de manière très réaliste, notamment parce que je suis souvent plus touchée par les amours construites depuis un petit temps déjà que par les romances débutantes. Alors, ça fait quoi de perdre l'amour de sa vie? Quel sera l'étendue du vide qui nous attend désormais? Si le comportement de S. choque, voire dégoûte par moments, on ressent aussi de l'empathie pour cette femme qui a besoin de temps pour véritablement faire son deuil.

La place de la femme dans le couple, la jalousie, le besoin de possession sont aussi abordés dans un style sobre, incisif, sans concession. "Reste" est un roman dense et résolument féministe qui confirme le talent incontestable d'Adeline Dieudonné.
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Pour être passionnant il faut être passionné.
Adeline Dieudonné nous livre en dernières pages la bande son qui confirme qu'elle n'écrit pas pour des lecteurs mais parce qu'elle est habitée et qu'il s'agit plus que de trouver une identification dans une énumération, un récit, un personnage hors du commun.
Nous savons que le Plat Pays d'où elle vient va tirer profusion d'oxygène dans cette nature de haute montagne où vient bien se frapper l'esprit fou de pilote en détresse éliminatoire.
Nous savons bien avec ses antécédents que les trophées d'animaux annoncent certaines persistances de chair morte loin d'occulter certaines tendances sauvages.
Mais ce que nous ne savons pas c'est comment l'improbable va encore tranquillement nous secouer les réticences et mélanger remugles et parfums de tous nos sens jusqu'à nous rendre compréhensible de l'insensé.
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