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sur 1226 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Comme l'a si bien dit quelqu'un quelque part, je ne sais plus qui ni où, les primo romanciers ont parfois tendance à vouloir trop en faire, à chercher à tout mettre dans leur premier livre. Ça me semble être le cas de ce "Désorientale" si bien nommé, où l'on passe sans transition ou presque de la grande histoire à la petite, de la révolution d'Iran au combat d'une narratrice en pause dans les couloirs d'une procréation assistée, de son histoire familiale, la découverte de sa sexualité ou son exil occidental. Sans parler de l'EVENEMENT. Comme si l'auteure était pressée de tout raconter : « Au fur et à mesure, la chair des événements se décompose et ne demeure que le squelette des impressions autour duquel broder. Viendra un jour où même les impressions ne seront plus qu'un souvenir. Il ne restera alors plus rien à raconter ».
Et pourtant.
Pourtant le joyeux foutoir m'a paru malgré tout habile.
Pourtant le récit foisonnant m'a embarqué sans me perdre.
Pourtant la supposée maladresse m'a semblé irradier un charme indicible.
Pourtant le récit aux contours flous - saga familiale, roman de l'exil ou autobiographie -, m'a paru prendre une forme magistrale, grâce à la musique intime de l'écriture, au travers de lignes au ton nostalgique et envoûtant.
Une sorte de Persépolis remixé dans un fourre-tout aux mille et une inventions, tour à tour dramatique et drôle, empreint d'une saveur orientale miraculeuse.
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La Perse , Hafez de Chiraz, Ispahan..La Perse est en chacun de nous. Nous avons tous en nous le goût familier des parfums de l'Orient. Notre grand « imaginier »... Lumière, poésie, jardin, vins et merveilles, douceurs et miels.
C'est le pays des mille et une nuits. Passez la grande porte et vous voilà embarqués
le pays où la parole est capable de vous sauver, même si un seul mot est capable de vous tuer.
C'est la rivière qui sauve ou le silence de la pierre qui vous tue.
C'est un chant sur le fil d'un sabre.
Alors...« raconter , conter, fabuler, mentir dans une société où tout est embûche et corruption, où le simple fait de sortir acheter une plaquette de beurre peut virer au cauchemar, c'est rester vivant. C'est déjouer la peur. Prendre la consolation où elle se trouve, dans la rencontre, la reconnaissance, dans le frottement de son existence contre celle de l'autre.C'est aussi l'amadouer, le désarmer, l'empêcher de nuire.Tandis que le silence, eh bien, c'est fermer les yeux, se coucher dans a tombe et baisser le couvercle ».
Et Négar Djavadi a su « belle et bien » donner vie à Kimiâ. Elle a su lui donner la rapidité et la force de l'esprit. L'intelligence de l'âme qui se reflète toujours sur les éclats de nos coeurs. C'est comme cela que l'on garde la lumière.
Kimiâ l'enfant différente, celle qui voit le jour lorsque Nour entre dans la Nuit. « Désorientale » c'est une galerie extraordinaire de portraits. Les grands mères, la mère , les soeurs, le père, les oncles. « Désorientale » c'est une vision plus nette sur une partie de l'histoire du moyen orient, mais également celle de la France, tant nos histoires sont liées.
Nos silences ont été liés, bien trop souvent, et le sont encore , si souvent,…. il est temps que certaines paroles soient déliées.
Ce n'est pas sans une certaine émotion qu'à la lecture de « Désorientale » j'ai pensé à ce cher libraire parisien, amoureux de littérature, des livres, de l'esprit des mots, qui fut jadis un jeune homme étudiant torturé par un régime totalitaire, et qui a dans les yeux toute la douceur de ceux qui sont restés vivants. Autrement peut être, mais vivant.
« Je suis devenue, comme sans doute tous ceux qui ont quitté leur pays, une autre.Un être qui s'est traduit dans d'autres codes culturels. D'abord pour survivre, puis pour dépasser la survie et se forger un avenir. Et comme il est généralement admis que quelque chose se perd dans la traduction, il n'est pas surprenant que nous ayons désappris, du moins partiellement, ce que nous étions, pour faire de la place à ce que nous sommes devenus »
« Désorientale » c'est également une parole posée sur l'exil. Ce qu'est l'exil.Ce qu'il peut être. Ce qu'il provoque, convoque, emporte. Nous pouvons tous nous retrouver dans cette parole. L'exil peut être corporel, spirituel, temporel. Quitter l'enfance est un exil, quitter le carcan social, familial est un exil. Question de survie. Voilà sans doute pourquoi ce livre éveille en beaucoup d'entre nous ce grand intérêt.
Désorientale c'est également une parole de liberté. Et c'est important que cette parole soit portée par Négar Djavadi. Femme, née en Iran, vivant à Paris, diplômée de l'INSAS de Bruxelles, issue d'une famille d'intellectuels opposants aux régimes de Shah ET de Khomeiny.
Liberté donc, liberté de penser, d'écrire, de parler, d'aimer, droit à la différence. Droit de vivre selon ses choix et non tenter de survivre misérablement sous leurs lois ; Opposition, révolte, indignation. Face à l'injustice des « castes », l'impérialisme de l'argent, la suprématie des dogmes et des clergés. Dire non, briser la fatalité, le destin, donner d'autre mot : espoir, confiance, possible, connaissance, savoir, vérité lendemain, égalité, beauté.
Prendre la seule arme possible : prendre son stylo et écrire.

Reprendre le stylo comme on reprend le flambeau.

« Darius je pense détestait son père pour lui-même. Parce qu'il incarnait l'aveuglement et la crainte, la ruine de ce bien précieux qu'est la pensée(…) toute sa vie, d'abord par ses lectures, puis par son engagement politique et son réveil révolutionnaire, il combattit des êtres comme lui,(…) dont l'action principale consiste à protéger leur pouvoir en maintenant les peuples dans une hiérarchie sociale sclérosée et l'ignorance absolue d'un autre monde possible. A plusieurs reprises, j'ai entendu dire que la religion, comme la tyrannie, asséchait la capacité d'analyse dans le but d'imposer un unique sentiment : la peur. « La peur est leur arme et la révolution consiste à la retourner contre eux « ».

Désorientale c'est un regard tendre et sans concession sur notre société. Toutes nos sociétés. Désorientées. Que nous croyons pourtant différentes mais qui se ressemblent tellement.
Ce genre humain qui tremble, qui aime, qui espère de la même manière. Que l'on égare, que l'on trompe. Et qui sert toujours la main de ses enfants dans ses mains, pour ne pas les perdre, ne pas se perdre, et qui écoute le moindre bruit qui vient du lointain.
Qui prend les mêmes bateaux, que l'on jette dans les mêmes trains, sur qui on referme les mêmes portes des camions, ce genre humain qui a la même faim, qui ressent le même froid, qui craint la même vague, qui rit et rêve de la même façon, qui frappent aux mêmes portes.
Et que 'on fait taire toujours pour les mêmes raisons. Pétrole, pognon, canon, or ou béton...à vous faire oublier toutes vos chansons.

Et l'écriture de Négar Djavadi sait rendre hommage à la sororité de nos humanités. oui qu'attendons nous ? « Et pendant que nous attendons, par nécessité, besoin, désir ou mimétisme, nous ne nous révoltons pas. La ruse consiste à détruire chez les individus leur énergie, leur capacité à réfléchir, à s'opposer. Les réduire à des objectifs instantanés, aussi fugaces qu'une jouissance. »

« Désorientale » parle également de nos failles. de nos places dans nos familles. de ces places qui définissent déjà quelles seront nos places dans la société . Elle parle de ce qu'est une famille, un couple. de nos silences, des non dits, de la difficulté d'être soi avant d'être comme les autres . Elle parle d'exil et d'exclusion, de tolérance plus que de renoncement, parle d'intégration et désintégration. Mais tout cela avec la langue de l'espoir, cette terre maternelle : cet espoir toujours en nous.
Cela nous interroge également sur les mots d'identité, quelque soient nos identités, qu' elles soient culturelles, religieuses, sexuelles, sociales. Et c'est par le prisme du roman que la parole peut se dérouler avec sincérité, clairvoyance, sans manichéisme enfantin. C'est avec grande maturité sagesse et humanité que Kimiâ s'adresse à nous. Et c'est en cela que ce roman est extrêmement bien mené. Il faut quelque fois des boucliers pour pouvoir vaincre certaines gorgones. le roman est dans ce cas un très beau bouclier.

« Désorientale » parle de tous nos exils, de nos naissances, renaissances, de nos deuils, de nos défaites, de vos victoires aussi. « rien ne ressemble plus à l'exil que la naissance ». Alors souvenons nous. Rappelons nous que nous sommes tous naissants. Tous exilés, tous fugueurs. Nous revenons tous un jour devant la porte de nos maisons. Devant nos maisons intérieures celles que nous gardons en nous toujours quelque soit la tempête de nos saisons. Rappelons nous chacun de notre porte. Et ouvrons.
Rappelons nous qu'il faut une mémoire et qu'il faut la préserver. « Au fur et à mesure, la chair se décompose et ne demeure que le squelette des impressions autour duquel broder. Viendra sans doute un jour où même les impressions ne seront plus qu'un souvenir.Il ne restera alors plus rien à raconter » .

Nous avons tellement à nous dire. Il reste tellement à raconter.

Rappelons vers nous notre génie de survie. Cette lampe merveilleuse. Ce merveilleux "mécanisme de défense »

« Un chien aboie au loin et annonce la possibilité d'une vie ».

C'est cet instinct qui nous sauve, l'instinct qui nous fait crier Terre, en nous faisant toucher le ciel.

Fragilité, cruauté, trahison, barbarie, pot de fer contre peau de chair verse toujours le sang.
« le déracinement avait fait de nous non seulement des étrangers chez les autres, mais des étrangers les uns pour les autres;On croit communément que les grandes douleurs resserrent les liens. Ce n'est pas vrai de l'exil.La survie est une affaire personnelle »
Il en est ainsi de toute vie, comme de l'intelligence de toute oeuvre, de tout récit.
Premier roman de Négar Djavadi et c'est un très très bel événement.
Générosité, humanité, densité et bel architecture du récit, qualité d'écriture, justesse et beauté du dessin des personnages, tout est là , tout est présent dans ce livre, pour que demain tout cela soit mis en images. Souhaitons lui la Lumière !
Astrid Shriqui Garain
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Déracinée, désorientée, rêvant au fond de se "désorientaliser", Kimiâ, la narratrice, environ 35 ans, semble, aujourd'hui, avoir trouvé un sens à sa vie. Assise dans la salle d'attente d'un hôpital parisien, elle patiente, et laisse les souvenirs affluer. A l'image de sa vie mouvementée, ils reviennent dans le désordre, se bousculent au portillon de son esprit, se chamaillent à qui sera remémoré le premier. Et comme ils sont accompagnés d'une foule d'émotions, cela est d'autant plus compliqué à discipliner dans une narration linéaire. Kimiâ tente la manière rationnelle, chronologique, mais il suffit d'un rien, d'un mot pour déclencher une association d'idées, pour ouvrir un tiroir, et voilà le récit projeté 60 ans en arrière puis 25 ans en avant. Kimiâ est en France depuis l'âge de dix ans. D'origine iranienne, elle a fui son pays dans le sillage de ses parents, intellectuels bourgeois et opposants politiques au régime du Shah puis à celui de Khomeini. Mais évoquer son exil ne va pas sans évoquer son enfance en Iran, qui ne va pas sans évoquer le passé de sa famille sur trois générations, avant d'en revenir au déracinement. A l'espoir d'arriver dans un pays accueillant pétri de l'esprit des Lumières succède la déception de se heurter à l'incompréhension, l'indifférence, aux différences culturelles irréductibles. Alors vient le désir de tout oublier des horreurs vécues, de sa culture d'origine, de ne plus en parler et de tout cacher sous un tapis, histoire de s'occidentaliser, d'avoir enfin la paix et de se fondre dans la masse pour avancer avec elle, même sans savoir où, quitte à se détacher de sa famille, restée accrochée au passé.

"Désorientale" est un premier roman (fort autobiographique, j'imagine) qui veut dire beaucoup de choses en même temps (exil, dictature, résistance, machisme, identité, maternité, homosexualité, transmission, force et vulnérabilité, courage,…), ce qui comporte le risque d'en faire un brouhaha fourre-tout bavard et superficiel. Mais c'est loin d'être le cas ici. Certes la narration part dans tous les sens et on s'y perd un peu dans la généalogie, mais cela ne m'a pas dérangée. Au contraire, la construction est bien maîtrisée, greffant en discontinu l'histoire de la famille et du pays de la narratrice sur le fil rouge de sa vie actuelle. C'est même justement ce désordre apparent qui donne au roman ce ton si sincère et humain. Comme un bazar oriental, ce livre est extrêmement vivant, bariolé, intense et captivant.
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"Je suis la petite-fille d'une femme née au harem".
Autant dire que cette histoire de clan iranien s'apparente parfois à un conte des mille et une nuits. Elle en a les excès, les fulgurances et la faconde.

Kimia raconte et se raconte intimement dans les pages d'un roman aux accents autobiographiques, dans sa mutation d'enfant orientale en occidentale. C'est un livre généreux, sans pathos en dépit des événements dramatiques, un récit d'apprentissage qui parle d'exil, de séparation et de déracinement.

Il y a tant à dire! La famille multiforme en grandeur et décadence, les turbulences du pays natal entre royauté et révolution, l'opposition politique, l'émigration, la difficile intégration dans le pays d'accueil.

Négar Djavadi est bien une conteuse. Son récit est oriental, vivant, bruyant, piqueté d'humour, d'ironie et de cocasseries. La narration est chamboulée de digressions, d'époques en personnages, sans jamais perdre le fil. La culture persane et les mentalités, entre tradition et modernisme, se dévoilent en une toile de fond exotique. C'est démonstratif, vibrant entre joie et tragique.

Un grand plaisir romanesque sur décor d'histoire de l'Iran.
De la belle ouvrage!
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Obligée d'interrompre ma lecture à plusieurs reprises en semaine, c'est avec impatience que j'attendais le weekend pour me replonger enfin sans contraintes dans "Désorientale" de Négar Djavadi. Quel plaisir de suivre cette famille iranienne, hors du commun, sans jamais se perdre en voyageant entre l'Iran et la France, le passé et le présent.

Un Iran que je ne connaissais pas, mes souvenirs se limitant à la guerre Iran - Irak, les Pahlavi et les images omniprésentes du barbu enturbanné.

Un regard intéressant sur l'homosexualité, la maternité et l'immigration. Même si j'ai quitté mon pays étant déjà adulte et dans d'autres circonstances que l'auteure, je me suis retrouvée à plusieurs reprises dans ses propos, tellement justes:

"Je suis devenue, comme sans doute tous ceux qui ont quitté leur pays, une autre. Un être qui s'est traduit dans d'autres codes culturels. D'abord pour survivre, puis pour dépasser la survie et se forger un avenir. Et comme il est généralement admis que quelque chose se perd dans la traduction, il n'est pas surprenant que nous ayons désappris, du moins partiellement, ce que nous étions, pour faire de la place à ce que nous sommes devenus."

D'autant plus je suis éblouie par ses belles phrases dans un français remarquablement bien maîtrisé. Une écriture magnifique, un grand talent de conteuse et un excellent premier roman.
Lien : http://edytalectures.blogspo..
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Un prix du style amplement mérité pour ce conte iranien à fond autobiographique. le lecteur traverse tout le 20ème siècle iranien à travers une saga familiale haletante et teintée de révolte. La conteuse est un personnage grandiose, le style se déguste dans toutes ses circonvolutions, l'histoire rejoint et éclaire L Histoire peu connue de cette partie du monde.
Une réussite sur tous les plans narratif, fictionnel, descriptif, stylistique. Des émotions justement dosées, des personnages qu'on a l'impression de connaître depuis toujours, des paysages dans lesquels on prend plaisir à évoluer en pensée. On apprend, on voyage, on s'émeut et on partage. A lire absolument.
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Kimiâ est une iranienne qui a du quitter son pays alors qu'elle était une petite fille. Au moment où devenue femme elle s'apprête à ajouter un nouveau maillon à la chaîne générationnelle , Kimiâ convoque le passé et les ancêtres.
"Avec le temps et la distance, ce n'est plus leur monde qui coule en moi, ni leur langue, leurs traditions, leurs croyances, leurs peurs, mais leurs histoires."
Pour retrouver ses racines et ainsi s'inscrire dans une lignée, elle revisite l'histoire de sa famille sur plusieurs générations. Du présent au passé, de l'Orient à l'Occident, elle entraîne le lecteur dans un tourbillon de souvenirs qu'elle raconte comme ils lui reviennent, depuis la naissance de sa grand-mère dans le harem de Montazemolmok à l'attente dans le service de procréation médicalement assisté d'un hôpital parisien.
A travers un récit dense, aussi riche et cruel qu'un conte des milles et une nuits, ce roman captivant m'a beaucoup appris sur l'histoire contemporaine de l'Iran qui jusqu'à présent ne m'avait jamais vraiment passionnée.
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Un roman riche et passionnant qui nous entraîne sur les traces de Kimiâ et de sa famille, de l'Iran à Paris, abordant de nombreux thèmes, l'identité, l'exil, mais aussi la maternité et l'homosexualité.
Ce texte de Négar Djavadi à reçu le prix du style et c'est amplement mérité tant la langue est belle et les réflexions profondes.
C'est un roman qui alterne passé et présent au rythme des pensées de la narratrice.
C'est également une vraie plongée au coeur de l'Iran du vingtième siècle, un petit condensé d'histoire, le tout étant sérieux mais non dénué d'humour.
On sent que l'auteure a mis du coeur dans ce livre qui est un réel plaisir de lecture.
Je conseille vivement Désorientale, un titre qui plus est vraiment bien trouvé et qui colle parfaitement au texte.
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Le récit commence devant un escalator que le père de Kimiâ refusait de prendre. Pour Darius Sadr, « ce genre de luxe se méritait, sinon c'était de l'abus, voire du vol… L'escalator, c'est pour eux. » Négar Djavadi nous prévient : « ces pages ne seront pas linéaires… La mémoire sélectionne, élimine, exagère, minimise, glorifie, dénigre. Elle façonne sa propre version des événements, livre sa propre réalité. »

Nous voilà donc embarqués jusqu'aux rives de la mer Caspienne, à Mazandaran où débute cette saga familiale permettant de couvrir l'histoire de l'Iran, au XXe siècle. Petit à petit, nous faisons connaissance avec la famille de Kimiâ alors que celle-ci se morfond dans la salle d'attente de l'hôpital Cochin, attendant la dernière étape d'une PMA (procréation médicalement assistée). Ainsi, les époques vont se croiser, s'entrechoquer, se mélanger parfois dans ce roman dense, très bien écrit et dont la propre vie de l'auteure sert de canevas.
Nour est la grand-mère paternelle de Kimiâ. Elle épouse Mirza-Ali en 1911. Tous les deux, ils font partie de la bourgeoisie iranienne. Sa grand-mère maternelle, Emma Aslanian, est d'origine arménienne. Avec sa famille, elle a fui la Turquie avant le génocide arménien, en 1915. Darius et Sara Sadr sont les parents de Kimiâ et ont eu deux filles avant elle : Leïli et Mina. Enfin, il y a les oncles numérotés de 1 à 7, les frères de Darius, numéro quatre de la fratrie.
Au fil du roman, les chocs se succèdent. Darius est un opposant politique heureux de voir la chute du Shah et l'avènement de la démocratie mais cela ne dure pas car la France a abrité un certain Khomeiny, ayatollah, qui revient au pays pour en faire une république islamique : « Depuis que le régime islamique gouvernait ce pays, tous les noms des rues et des quartiers avaient été changés, ayatolahisés, brouillant les repères et les mémoires. »
Heureusement, Saddeq, Oncle Numéro 2 raconte l'histoire de la famille à Kimiâ et à ses soeurs. Sara, leur mère, voue une passion immodérée pour la France alors que Darius est recherché par la Savak, la police politique du Shah. Nous partageons aussi bien les catastrophes que les moments de bonheur du quotidien d'une famille qui avait tout pour bien vivre mais frappée par le malheur à plusieurs reprises.
Avant qu'il ne soit trop tard, Sara a pris ses enfants et elle est partie. En route pour Tabriz, à 500 km : « Dans ces rues, des femmes ont été lapidées, des hommes ont été pendus sur la place publique… Rien n'a changé. Comment tant d'espoir a-t-il pu être anéanti ?... On nous a volé notre pays. »
À pied ou à cheval, dans les montagnes enneigées du Kurdistan, Sara et ses filles passent la frontière Iran-Turquie et, après bien des péripéties, arrivent à Paris, à 5 276 km de Téhéran. En Europe de l'ouest, Kimiâ peut enfin vivre son homosexualité mais rien n'est simple : « le déracinement avait fait de nous non seulement des étrangers chez les autres, mais des étrangers les uns pour les autres. »

Désorientale, quel titre superbement choisi ! C'est un roman passionnant, déroutant parfois, extrêmement dense, mais tellement émouvant et utile pour remettre en place ces événements qui ont marqué notre monde et qui continuent d'être d'actualité en Iran et ailleurs.
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Paris, une jeune femme, la quarantaine, seule dans une salle d'attente de l'hôpital Cochin.
Au fil des pages , sa vie, son histoire, reliée et étendue à celle de sa famille, puis intégrée dans une très large parentèle, dans une généalogie parfois compliquée.
Histoire du pays natal : l'Iran. Ce qu'il a été dans le passé, puis ce qu'il est devenu, de la chute du Shah à la présence de Khomeiny, acclamé à son retour d'exil.
Malheureusement il instaure la révolution islamique, les arrestations, la torture, les exécutions.
Nombre d'intellectuels, de notables quittent le pays.
Kimia a onze ans lorsqu'elle arrive en France, clandestinement, avec sa mère et ses deux soeurs après un trajet épuisant. C'est le déchirement de l'exil, l'abandon, voire la destruction de sa personnalité iranienne pour la difficile construction d'une nouvelle personnalité adaptée au pays d'accueil.
Ce roman est très inspiré de la propre vie de l'auteur et de ses parents, militants opposés au régime du Shah puis à celui de l'Ayatollah.
Je l'ai lu en deux soirées, sans pouvoir le lâcher.
Les nombreux membres de la famille sont très présents, attachants, dépaysants. J'aurais aimé rester encore plus longtemps avec eux;
L'ensemble est bien construit, bref, j'ai vraiment aimé.
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