Des peaux de banane disséminées ça et là. Piégeux. Ma lecture est à cette petite chose de se casser la gueule, mon zèle de lectrice s'évidant tel une piscine à boules saccadée par un gosse turbulent. Car, désolé Philippe, sur ce coup-là, si les pages se succèdent convenablement, mon cerveau s'est détaché quelque part au-dessus du bouquin, baigné d'abord d'un doux ronron littéraire pour finir par sombrer définitivement dans une torpeur détachée. J'ai abdiqué.
La patte est bien là, l'entrain désinvolte que l'on connaît chez l'auteur, lequel au fil du temps déshabille toujours un peu plus la littérature, la dépouillant de son académisme précieux. Moins de temps pour barguigner, il élague un max, la ponctuation, les formules empruntées, on ne va pas se morfondre, ça emmerde la moitié des gens, il les écrème.
Les pesanteurs sont ajournées, les dialogues déplumés d'un quelconque apparat et l'action agglomère les mots dans des décors dressés habilement en deux ou trois phrases. Bim, bam, boum.
Les idées fixes de l'écrivain maintenant. Ici, un narrateur abîmé, désabusé, comme souvent écrivaillon, qui déambule au rythme de galères somme toute triviales dans une banlieue aisée et grise. Sa femme Hannah, figure à la naïveté attachante mais nacrée d'une certaine forme de crétinisme, n'est pas sans rappeler le personnage de
Marlène du livre au titre éponyme.
J'avais des appréhensions sur le choix du travestissement mais, je dois l'avouer, Djian s'est bien dépatouillé. J'imagine qu'il s'est dûment documenté avant la rédaction. Il nous épargne l'angle grossier voire sensationnaliste d'un homme travesti et aborde le sujet avec délicatesse. Un bon point.
Où se logent donc mes réserves ? L'ossature du livre m'a semblée légère. Là où j'ai l'habitude de frémir chez l'auteur, j'ai bouffé de l'intrigue attiédie, comme des frites réchauffées au micro-ondes. Les inimitiés entre Denis et son beau-père Paul tournent en rond, patinant comme des rollers playskool sur une neige cradingue de trottoir. Ce Paul campe poussivement le rôle vieux salopard rétrograde et m'a fait secouer la tête à plusieurs reprises tant j'ai trouvé ça creux. Sans parler du déversement de cette inconsistance sur la belle-mère qui se déforme page après page. Tels des cheveux trop gominés, j'ai trouvé ça gras, collant par paquet, des coucheries nigaudes avec la belle-mère à la bromance bricolée avec son collègue aux façons primates.
Je ne peux pas dire que c'est un mauvais livre mais je m'y suis ennuyée malgré l'exercice de style. Ça ne m'empêchera pas de continuer à lire l'auteur vers lequel je fonce toujours tête baissée.